PREMIÈRE PARTIE.

Poésies d'un Genre moral et familier*.

Réflexions tirées de plusieurs Poètes, et rangées par Ordre Alphabétique.

A......

Sur l'Amitié..........par Delille.

Amitié doux penchant des mortels vertueux,
Le plus beau des besoins, et le plus saint des nœuds,
Le ciel te fit pour l'homme, et surtout pour le sage:
Trop souvent l'infortune est son triste partage;
Ta bienfaisante main vient essuyer ses pleurs.
De ceux dont tu charmes les cœurs,

Les plaisirs sont plus vifs, les peines s'affaiblissent,
Et se réunissant leurs âmes s'agrandissent...

a.

Sur les Amis......par Lafontaine.

Qu'un ami véritable est une douce chose !

Il cherche vos besoins au fond de votre coeur.
Il vous épargne la pudeur,

De les lui découvrir vous-même.

Un songe, un rien, tout lui fait peur,

Quand il s'agit de ce qu'il aime.

B.......... Sur la Beauté..par Mme. Deshoulières.

Pourquoi s'applaudir d'être belle,

Quelle erreur fait compter la beauté pour un bien ?
A l'examiner il n'est rien

Qui cause tant de chagrins qu'elle.

Sur les cœurs, il est vrai, ses droits sont absolus,
Et tant qu'on est belle, on fait naître

Des égards, des soins assidus ;
Mais on a peu de temps à l'être,
Et long-temps à ne l'être plus.

Voyez dans l'Avertissement ce qui concerne cette première Partie.

B

b........

..Sur le Bonheur........par Boufflers.

Où donc est le bonheur? avec son héritage
Le riche ne l'a point reçu :
Dans l'âme tranquille du sage
Il habite avec la vertu.-

C.......

Conseil ....

.Pannard.

C..

Laissons gouverner notre humeur,
Par la clémence et la douceur,
Notre langue par la prudence,
Nos jugements par l'équité,
Notre maintien par la décence,
Nos récits par la vérité.

Sur le vrai Courage.. Mme. Deshoulières.

En grandeur de courage on ne se connaît guère,
Quand on élève au rang des hommes généreux,
C'es Grecs et ces Romains dont la mort volontaire
A rendu les noms si fameux :

Qu'ont-ils fait de si grand? ils sortaient de la vie
Lorsque, de disgrâces suivie,

Elle n'avait plus rien d'agréable pour eux;
Par une seule mort ils s'en épargnaient mille.
Qu'elle est douce à des cœurs lassés de soupirer!
Il est plus grand, plus difficile

De souffrir le malheur que de s'en délivrer.

D............Sur la Discrétion.

Quand vous méditez un projet,
Ne publiez point votre affaire :

On se répent toujours d'un langage indiscret,
Et presque jamais du mystère.

Le causeur dit tout ce qu'il sait,
L'étourdi, ce qu'il ne sait guère,

Pannard.

Les jeunes, ce qu'ils font, les vieux, ce qu'ils ont fait, Et les sots cè qu'ils veulent faire.

d............ Sur la Dissimulation........Pannard.

Pour feindre des vertus à tort on dissimule;
Notre cœur tel qu'il est doit toujours se montrer :
Les défauts que l'on a rendent moins ridicule,
Que les fausses vertus dont on veut s'illustrer.
..Surl Esprit.........

E.

L'esprit fut en tout temps le fils de la nature ;
Il faut dans ses atours de la simplicité :

Ne lui donnez jamais de trop grande parure;
Quand on veut trop l'orner on cache sa beauté.

Voltaire.

e....... Sur l'Emulation et l'Envie.....Voltaire. De l'émulation distinguez bien l'envie :

L'une mène à la gloire et l'autre au déshonneur ;
L'une est l'aliment du génie,

Et l'autre est le poison du cœur.

F......

...

Sur les Fables

........

Lafontaine.

Les Fables ne sont point ce qu'elles semblent être :
Le plus simple animal nous y tient lieu de maître.
Une morale nue apporte de l'ennui ;

Le conte fait passer le précepte avec lui,

A l'enfance faible et timide,
Prodiguant ses soins caressans,
Une femme devient le guide
De nos pas encor chancelans :
Et lorsque vient l'hiver de l'âge,
De fleurs semant notre chemin,
Pour achever notre voyage,

Elle nous donne encor la main. /

G..............Sur la Grandeur...... Lafontaine.

Ni l'or, ni la grandeur ne nous rendent heureux,
Ces deux divinités n'accordent à nos vœux

Que des biens peu certains, qu'un plaisir peu tranquille;
Des soucis dévorans c'est l'éternel asile.

g

..Sur la fausse Grandeur ....La Motte.

J'ai vu quelquefois un enfant

Pleurer d'être petit, en être inconsolable:
L'élevait-on sur une table?

Le marmot pensait être grand.

Tout homme est cet enfant: les dignités, les places,
La noblesse, les biens, le luxe et la splendeur;
C'est la table du nain, ce sont autant d'échasses
Qu'il prend pour sa propre grandeur.

...Le vrai Héros......J. B. Rousseau.

Est-on héros pour avoir mis aux chaînes
Un peuple ou deux? Tibère eut cet honneur.
Est-on héros en signalant ses haines

Par la vengeance? Octave eut ce bonheur....
Mais de son ire éteindre le salpêtre,
Savoir se vaincre et réprimer les flots
De son orgueil, c'est ce que j'appelle être
Grand par soi-même, et voilà mon héros.

h...

Sur la gloire des Héros...

C'est la vertu, non la naissance

Qui rend les héros immortels :
C'est elle seule qu'on encense,

En leur érigeant des autels.

Mais pourquoi les noms que vos pères
Ont illustrés dans les combats,
Deviendraient-ils héréditaires,
Si leurs vertus ne le sont pas ?

Bernis.

1............ Sur l'Ingratitude.. Mme. Deshoulières.

Que chacun parle bien de la reconnaissance,
Et que peu de gens en font voir!

D'un service rendu la flatteuse espérance
Fait porter à l'excès les soins, la complaisance :
A peine est-il rendu qu'on cesse d'en avoir;

1

De qui nous a servis la vue est importune:
On trouve honteux de devoir

Les secours que, dans l'infortune,

On n'avait pas trouvé honteux de recevoir.

L..

..Sur les Louanges et l'Amour-propre.
Mme. Deshoulières.

Quel poison pour l'esprit que les fausses louanges!
Heureux qui ne croit point à de flatteurs discours!
Penser trop bien de soi fait tomber tous les jours
En des égaremens étranges.

L'amour-propre est vraiment le plus sot des amours;
Cependant des erreurs il est la plus commune;
Quelque puissant qu'on soit en richesse, en crédit,
Nul n'est content de sa fortune,

Ni mécontent de son esprit.

M.

Sur la Modération..

......

Voltaire.

Tout vouloir est d'un fou, l'excès est son partage;
La modération est le trésor du sage:

Il sait régler ses goûts, ses travaux, ses plaisirs,
Mettre un but à sa course, un terme à ses désirs.

Heureux qui sait priser la médiocrité,
Et qui de ce trésor satisfait pour
la vie,
Loin du faste à la fois et de la pauvreté,
N'excitera jamais la pitié ni l'envie !

N

....

Sur la Noblesse....

On ne m'éblouit point d'une apparence vaine,
La vertu d'un cœur noble est la marque certaine.
Si vous êtes sorti de ces héros fameux,

Boileau.

Montrez-nous cette ardeur qu'on vit briller en eux,
Ce zèle pour l'honneur, cette horreur pour le vice?
Respectez-vous les lois? fuyez-vous l'injustice?
Savez-vous pour la gloire oublier le repos,

Et dormir en plein champ le harnois sur le dos?
Je vous connais pour nobles à ces illustres marques.