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pas réel. La supercherie eût été grossière et facile à découvrir; car le jeune homme était âgé de 28 ans, n'était pas de loin, et on pouvait parfaitement s'assurer s'il avait été sourd-muet jusquelà. Mais nous nous bornons à rapporter le fait. Dans le siècle suivant, en vertu d'une bulle du pape Urbain VII en date du 4 mai 1641, une confrérie en l'honneur de saint Louis, roi de France et protecteur de la foi, fut établie dans l'église de Saint-Pois et devint promptement très florissante. La fête principale de cette confrérie se célébrait tous les ans avec beaucoup de solennité, le jour Saint-Louis, 25 août, et ce jour-là il venait de toutes parts une foule de pèlerins. Mais les chaleurs du mois d'août occasionnant la soif, les pèlerins passèrent bientôt beaucoup plus de temps dans les auberges qu'à l'église, et le pèlerinage finit par n'être plus qu'une assemblée purement profane. A la fin du siècle dernier, la Saint-Louis de Saint-Pois était une des grandes assemblées du pays; aujourd'hui, comme beaucoup d'autres, elle a notablement perdu de son importance.

La chapelle du château était sous l'invocation de saint Louis, et quoi qu'elle ne fût point érigée en titre, elle avait souvent un chapelain. C'était la seule chapelle qui existait dans la paroisse en 1790.

VI

SAINT-POIS ÉRIGÉ EN CHEF-LIEU DE CANTON.— ESPRIT DELA POPULATION DE 1790 à 1802.

CONDUITE DU CLERGÉ

La révolution de 1790 fit de Saint-Pois un chef-lieu de canton, qui se composa de Saint-Pois, Boisyvon, Coulouvray, Lingehard, Mesnilgilbert, Montjoie, Saint-Laurent-de-Cuves, Saint-Martinle-Bouillant, La Chapelle-Cécelin et Saint-Maur-des-Bois. Ces deux dernières communes étaient de l'ancien diocèse de Cou

tances.

A Saint-Pois, comme partout ailleurs, on se crut en 1790 à la veille d'une ère nouvelle toute de prospérité; on accueillit la révolution avec joie, espérant qu'elle tiendrait tout ce qu'elle promettait. A cette époque, les plus sages eux-mêmes auguraient bien de l'avenir; on ne commença à ouvrir les yeux qu'en 1791, au moment où l'on exigea de tous les prêtres exerçant une fonction publique le serment à la constitution civile du clergé.

MM. Eugène Lesage, curé de Saint-Pois, et Gilles Lesage, son neveu, et son vicaire depuis 1780, ayant refusé le serment obligatoire, durent bientôt quitter leurs fonctions; et ces deux prêtres qui étaient fort estimés, furent remplacés par Julien Mougeot, vicaire de Villedieu, chaud partisan des idées nouvelles. Ce changement déplut à la population; toutefois l'activité de M. Mougeot et la présence des autorités cantonales l'empêchèrent de manifester son mécontentement. Ces autorités, en usant de modération, se firent peu à peu des partisans et on réussit à former une municipalité républicaine; mais, en dehors de cette municipalité, il n'y eut point de chauds patriotes, et ceux même qui paraissaient républicains avec les républicains, étaient royalistes avec les royalistes; ils avaient peur, et auraient voulu la paix dont ils jouissaient autrefois. Aussi les fêtes républicaines eurent peu de succès; on dansa quelquefois autour de l'arbre de la liberté; mais la chute de cet arbre ayant causé la mort d'une danseuse, on ne recommença point. Par suite de la modération des autorités et de la crainte qui dominait la population, il n'y eut pas de grands désordres. Le plus ardent patriote était le curé Mougeot, mais il ne plut pas, et voyant cela il abandonna son poste. Son successeur Jean-Baptiste Oblin, ex-religieux Bénédictin, plus conciliant et plus modéré, servait mieux la cause de la République; mais à la fin de 1792 il fut à son tour obligé de cesser toute fonction, quitta Saint-Pois et mourut peu de temps après. - M. Eugène Lesage, curé de Saint-Pois, était mort à Saint-Pois le 20 septembre 1791, et son vicaire M. Gilles Lesage avait émigré en 1792. - Un prêtre non-assermenté, M. Pierre Chasles, dont la famille habitait Saint-Pois, caché souvent dans la paroisse et aux environs, administra les Sacrements aux fidèles catholiques, même dans les plus mauvais jours.

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Comme partout ailleurs, les croix furent renversées, l'église fut dépouillée; mais, chose extraordinaire, la petite statue de saint Paterne, placée au-dessus de la grande porte de l'église, resta à sa place toujours, sans que personne parlât jamais de la descendre.

M. le marquis d'Auray avait cru qu'il était prudent pour lui de quitter Saint-Pois et avait émigré. Voici copie de deux lettres qui donnent quelques renseignements sur le château :

1° « L'agent national du district de Mortain à la Commission des subsistances et approvisionnements de la République.

» Mortain 1er prairial, 2° année de la République.

Je vous adresse, conformément à votre arrêté du 9 Floréal, » l'état des vins et liqueurs appartenant ci-devant à des émigrés,

» et des détenus de ce district. Je vous l'aurais fait passer plus » promptement, si des recherches qui ont été faites dans le jardin » légumier d'un nommé d'Auray, ci-devant seigneur de Saint» Pois, dans lequel il a été trouvé plus de 1500 bouteilles de » vins et liqueurs, n'en avaient retardé la confection. >>

« Salut et fraternité. »>

Extrait du registre de l'agent nat. — Archives départ. (Saint-Lo).

La bonne trouvaille! il est bien probable que parmi les amis de la chose publique il s'en trouva qui, se fiant peu à la fragilité des bouteilles, en transvasèrent quelques-unes; il eût été cruel de les en empêcher.

2° « Les administrateurs du directoire du district de Mortain » au citoyen Nicole juge de paix à Saint-Pois.

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» Mortain, 7 vendémiaire 3o année républicaine.

» Citoyen, nous recevons à l'instant une lettre du général Kricq, par laquelle il nous requerre de lui céder le ci-devant >> château de Saint-Pois pour caserner la troupe qui est en can» tonnement. L'administration l'a accordé, mais elle a cru » nécessaire de nommer un commissaire pour dresser procès» verbal de l'état des appartements et meubles qui y sont encore, >> conjointement avec les officiers dudit détachement qui le » signeront, elle n'a pu mieux s'adresser qu'à toi, pour cette » opération; en conséquence tu voudras bien ty transporter » dans le plus bref délai, afin de faire un état des choses. Nous » avons répondu hier aux lettres que la municipalité de Saint» Pois nous a écrites relativement à la fourniture des lits. Nous » les avons autorisés d'en requérir dans leur commune et dans » celles les plus voisines pour coucher le détachement dans la

» caserne. »>

<< Salut et fraternité. »

(Extrait des registres des délibérations du Dir. du dist. de Mortain. (Archives dép.).

VII

SAINT-POIS DEPUIS 1800

y

Dès que les circonstances le permirent, M. Pierre Chasles, dont nous avons parlé, rouvrit l'église de Saint-Pois et rétablit le culte catholique; ce fut en l'année 1800; et il resta seul desservant provisoire jusqu'en 1805, époque à laquelle arriva comme curé M. Antoine Levillain la Chesnez, prêtre de Bricqueville-sur-Mer. Entré chez les Eudistes en 1765, il était en 1790 supérieur du Séminaire d'Avranches et en même temps curé de la paroisse de Saint-Martin-des-Champs; ayant refusé le serment constitutionnel, il avait émigré, et à son retour était revenu à Saint-Martin-des Champs. Quand on le nomma à Saint-Pois, il était usé par l'âge et les infirmités, et incapable d'exercer un sérieux ministère. Il mourut le 13 janvier 1813. Ses successeurs furent M. Gilles Lesage, ancien vicaire, 1813-1820, M. Dollé, M. Chesnel, aujourd'hui démissionnaire et habitant la ville d'Avranches. Il y avait longtemps que l'on sentait la nécessité de bâtir une église; mais par défaut de ressources on n'osait point en entreprendre la construction. M. Chesnel, secondé par MM. d'Auray, se détermina, malgré son âge avancé, à mettre la main à l'œuvre, et il a conduit l'entreprise à bonne fin; le clocher seul reste à faire.

Depuis 1800, l'aspect de Saint-Pois a beaucoup changé, cinq grandes routes ont été ouvertes, beaucoup de maisons nouvelles se sont construites au bourg, et la population s'est assez notablement accrue. Le site sans doute n'a pas changé et les beaux points de vue dont on y jouit aujourd'hui sont les mêmes. qu'autrefois; mais les routes qui viennent aboutir en ce bourg, jadis de difficile accès, permettent d'en jouir plus facilement et de faire aux environs d'agréables promenades. L. C.

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NOTA. Arrivé à la fin de l'année 1891, nous sommes obligé de clore ce volume commencé, il y a trois ans, par M. Le Héricher. Ainsi que nous l'avions annoncé à la page 233, notre intention était d'y insérer sa biographie; mais celle-ci n'est pas encore terminée. Elle ne pourra donc paraître que dans notre Revue trimestrielle devenue d'ailleurs, sous sa présidence, notre principale publication.

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