Page images
PDF
EPUB

Claude de Vassy mourut au mois de mai 1704, ses héritiers procédèrent, le 30 septembre 1705, au partage de ses biens.

Messire François-Marie de Vassy, chevalier, marquis de Brécey et de Pirou, châtelain de Touchet, seigneur et patron du GrandCelland, Lepinay-Tesson, Anneville, Saint-Marcouf, Cartigny et autres fiefs, épousa par contrat, du 16 janvier 1708, passé devant les notaires de Saint-Malo, noble demoiselle Hélène-Pélagie de Géraldin, fille de messire Nicolas IV, de Géraldin, seigneur de SaintSymphorien, de Lapenty, de Sainte-Anne-de-Buais, et de noble. dame Anne de Malbranck. A l'occasion de ce mariage, le château féodal de Pirou fut en partie transformé en une habitation pacifique du goût de l'époque.

Messire François-Marie de Vassy et noble dame Hélène-Pélagie de Géraldin assistèrent, le 16 décembre 1712, au mariage de messire Pierre-Nicolas-Raymond de Géraldin, grand bailli de Mortain, avec noble dame Françoise Michelle-Eléonore de la Luzerne, où étaient présents les évêques de Coutances, Limoges et Cahors.

Du mariage de messire François de Vassy et de noble dame Hélène-Pélagie de Géraldin naquirent deux enfants.

Messire Bruno-Emmanuel-Marie de Vassy, marquis de Brécey et de Pirou, naquit le 25 mars 1717 au château de Brécey, et fut baptisé à l'âge de 17 ans, le 26 mai 1734. Son acte de baptême ont les honneurs de l'impression dans le Mercure de France (juin 1734).

Il épousa par contrat du 13 avril 1738 (mais la célébration n'eut lieu que le 11 novembre suivant), son arrière - cousine, noble damoiselle Françoise-Suzanne-Jeanne de Vassy, fille de feu messire Jacques de Vassy, marquis de la Forest-Auvray, et de noble dame Marie-Louise de Marguerie de Vassy. Ils eurent quatre enfants.

En 1765, les héritiers du sieur de Marescot de Banville, dénommé prévôt au dernier gage-pleige, présentèrent au marquis de Brécey un état des rentes dues à celui-ci comme seigneur de Mesnil-Hermey. Ces rentes, au nombre de quarante-sept, sont énumérées longuement dans un travail sur Mesnil-Hermey, inséré au Bulletin mensuel de la Société scientifique Flammarion (1); nous y renvoyons le lecteur.

Il serait mort en 1780, d'après la Généalogie.

NOTA.

Ici, pour laisser place à d'autres mémoires, nous sommes forcé, à notre grand regret, d'arrêter l'étude si fortement documentée de M. Victor Brunet.

(1) 4e volume, page 117.

[merged small][merged small][merged small][ocr errors]

Puisque la distinction des genres d'éloquence, celle des anciens et des modernes, est nettement établie, on peut se demander ce que c'est que la Rhétorique, ce joli mot grec qui signifie couler et rappelle le passage d'Homère où « la parole coulait pɛɛv de la bouche de Nestor comme le miel. >>

L'abus et la mode ont vicíé ce beau nom de Rhétorique et il est triste d'avoir à défendre la théorie de l'art de la parole, qui, au moyen-âge, était de la poésie, témoin les chants des Rederikers ou Rhétoriciens belges et picards. Je n'ai rien de plus respectable pour cela que l'autorité de Fénelon, que personne n'est tenté d'appeler un rhéteur : « Il ne faut pas faire à l'éloquence le tort de penser qu'elle n'est qu'un art frivole, dont un déclamateur se sert pour inspirer à la faible imagination de la multitude et pour trafiquer de la parole c'est un art très sérieux qui est destiné à instruire, à réprimer les passions, à corriger les mœurs, à soutenir les délibérations publiques, à rendre les hommes bons et heureux. » Partout, Fénelon, comme Cicéron, chante des hymnes en l'honneur de l'éloquence ce grand esprit, très moderne, comprit tout, excepté l'art gothique, chose incompréhensible dans une âme mystique : cela se conçoit mieux de Montesquieu, qui fut aussi fermé à la beauté surhumaine d'un art pour lequel d'ailleurs il n'était pas organisé. C'est l'abus du style grandiose en France qui a donné à l'art oratoire un mauvais renom : c'est chez nous qu'a fleuri ce style académique, qui n'est pas précisément le style simple: nous avons une veine à nous, c'est la veine élogiste, marquée par d'Alembert, Vicq d'Azir, Thomas, Cuvier, Mignet. De l'un d'eux, Voltaire tirait le nom de Galithomas. La Rhétorique a ses puissances; on y trouverait aisément une douzaine de suzeraines, pour faire allusion au titre d'un ouvrage célèbre : « Les douze dames de Rhétorique. » J'écris ces lignes en face d'un vitrail du xvI° siècle, à trois personnages, l'élève, ephèbe à moustaches, au costume antique,

cothurne doré et coiffure du siècle, un vénérable vieillard à figure très fine et à longue barbe d'argent, qui doit représenter la Philosophie; puis Rhetorica, une femme forte, aux puissantes mamelles cuirassées, penchée vers la Philosophie, sur un siége avec un dais; elle tient un caducée d'or, symbole du commerce, fils de la persuasion; dans le fond, une tribune aux harangues. Au moyen-âge, on appelait Rhétorique un homme éloquent : « Pleurez Machaut, le noble Rhétorique, » dit une ballade d'E. Deschamps : c'est le latin rhetoricus. Il y avait les douze dames de Rhétorique, et sœur de la poésie, celle-ci dénommait les poètes chanteurs du Nord sous le nom de Rederikers. La Rhétorique, en définitive, est comme toutes les puissances de l'esprit, c'est comme la langue d'Esope : tout dépend de l'usage qu'on en fait, par exemple. « La Rettorica delle putane,» de Pallavicino. Le diable aussi, dit Dante, est un dialecticien. Quand Pascal a dit : « L'éloquence se rit de l'éloquence, » il veut dire des règles et des rhétoriques. La liberté est sa vie. Aussi l'éloquence dite académique n'est pas une éloquence. C'est le monologue sans la lutte; or, l'éloquence est un combat. Son intérêt vient de ce que le résultat reste inconnu. Or, dans la prétendue éloquence, la fin est prévue, puisque c'est l'éloge voulu, arrêté. Si l'éloge est une étude, il appartient à la critique et à la philosophie.

La Rhétorique est l'art de bien dire; bien dire, c'est parler de manière à persuader et à convaincre. La persuasion est l'assentiment du cœur; la conviction est l'adhésion de la raison. L'éloquence est le don de persuader; l'inculte, le sauvage peuvent être éloquents. La logique est le talent de convaincre. Les lois de l'éloquence et de la logique constituent donc la Rhétorique. Démosthène, c'est la conviction; Cicéron, c'est la persuasion. Bossuet ne semble-t-il pas les réunir tous deux en lui? Au moyen-âge, la Rhétorique rentrait dans le domaine des beaux-arts et les poètes de la Hollande s'appelaient Riderikers. Elle tire ses règles de la nature même de l'esprit humain, en s'appuyant sur la psychologie et la morale et sur les produits remarquables de l'art oratoire; elle est donc théorique et pratique. Le cri de l'homme entraîné malgré lui : quelle peste que l'éloquence ! montre qu'elle peut être irrésistible. Mais reconnaissons qu'en général le sentiment est plus fort que la raison, le cœur que la tête, et Véturie, près de Coriolan, triomphe où les ambassadeurs de Rome ont échoué. La Rhétorique est utile à trois points de vue : elle aide l'esprit à produire, soit qu'elle provoque, rectifie ou confirme l'invention; elle apprend à mettre le meilleur ordre dans ce qui a été conçu ; elle enseigne à réaliser par la parole ou le style ce qui a été conçu ou ordonné. De là, les trois parties de la Rhétorique et de toute œuvre l'Invention, la Disposition, l'Elocution.

Cette dernière partie, dans l'éloquence parlée, se complique d'une partie extérieure et vivante, qu'on appelle le langage du corps, de l'Action, c'est-à-dire de la manifestation sensible de la pensée par le geste, la physionomie, la voix. Ces trois éléments, essentiels à toute composition, la substance, l'ordre, la forme, sont ainsi désignés par Cicéron : « Quid dicat, et quo quidque loco, et quo modo, » et par Horace dans sa poétique : « Cui lecta potenter erit res, Nec facundia deseret hunc, nec lucidus ordo. » Celui qui aura choisi un sujet selon ses forces, nulle qualité ne lui fera défaut, ni l'élocution, ni l'ordre lumineux. Ce sont là d'excellents principes de praticiens; cet ordre littéraire et artistique n'est qu'un reflet de l'ordre universel; le prétendu désordre n'est souvent qu'un fait que nous ne pouvons mettre à sa place. C'est la disposition des grands éléments du monde que Shakespeare a ainsi célébrée :

The heavens themselves, the planets, and this center,
Observe degree, priority and place.

Insisture, course, proportion, etc.

L'invention consiste à trouver dans un sujet donné les moyens d'arriver à un résultat. La nature est une immense invention réalisée, puisqu'elle est partout l'accommodation des moyens au but. Dans les lettres et dans les arts, ce résultat est le beau, le vrai, le bon. Le résultat de l'art oratoire est d'amener la volonté des auditeurs à un but déterminé. Or l'orateur ne peut y parvenir sans se faire agréer de ses auditeurs, satisfaire leur raison et émouvoir leur cœur, trois opérations qu'on appelle plaire, instruire, toucher. Or, on plaît par les mœurs, on instruit par les preuves, on touche par les passions. Ainsi les mœurs, les preuves, les passions, voilà les trois éléments de l'invention.

La vraie source de l'invention, c'est une intelligence étendue et profonde, développée par la réflexion. L'art de penser, ou la philosophie, se présente comme un des moyens de féconder l'invention, et l'un de ses procédés les plus puissants; c'est le procédé socratique, l'art de faire accoucher les esprits, disait le fils de la sagefemme, l'interrogation. Mais cette interrogation ne s'applique pas moins aux choses elles-mêmes qu'aux esprits. Le Pourquoi est la clef qui ouvre bien des portes. La Rhétorique possède aussi, pour féconder l'esprit, un certain nombre de moyens généraux qui résultent des conditions de l'âme humaine pour être convaincue et persuadée, et de l'expérience des maîtres de l'art oratoire, c'est-àdire des procédés et des exemples. La force qui préside à l'invention, c'est l'attention, ou, comme on dit plus souvent aujourd'hui,

l'observation. On demandait à Newton comment il avait découvert la loi de l'attraction : « A force d'y penser,» répondit-il. Buffon définissait le génie : « l'aptitude à la patience. » Elle en est du moins une partie. On signale la prodigieuse puissance de cette faculté dans un des plus grands découvreurs de notre temps: j'ai nommé Darwin. La Rhétorique, sans donner le talent et la réflexion, indique les méthodes propres à faciliter les découvertes de l'invention oratoire, les sources des preuves, des mœurs et des passions.

Mais, avant l'étude spéciale de son sujet, l'orateur, c'est-à-dire celui qui combine en sa personne le philosophe, le poète et l'homme de bien, puisqu'il est l'homme qui plait, qui émeut, qui prouve, doit avoir eu la préparation générale qui donne l'initiation à toutes les connaissances. C'est l'homme universel. La philosophie, la poésie, l'histoire même, la science, forment le fonds d'où il tire les idées, les sentiments, les comparaisons, les faits, les arguments. << Après cette préparation générale, dit Fénelon, les préparations particulières coûtent peu, au lieu que, quand on ne s'applique qu'à des actions détachées, on est réduit à payer de phrases et d'antithèses; on ne traite que des lieux communs; on ne dit rien que de vague; on coud des lambeaux qui ne sont point faits les uns pour les autres; on ne montre point les vrais principes des choses; on se borne à des raisons superficielles et souvent fausses; on n'est pas capable de montrer l'étendue des vérités, parce que toutes les vérités ont un enchaînement nécessaire et qu'il faut les connaître toutes pour en traiter solidement une en particulier. >>

Ce que j'ai dit de l'auditeur qui, vexé d'être entraîné par un orateur dans une direction qu'il ne voulait pas suivre, s'écriait : « Quelle peste que l'éloquence! » montre que la preuve avait créé cette métamorphose psychologique. L'intelligence avait entraîné la volonté, selon le mot de l'Ecole : « Voluntas intellectum sequitur. » La preuve est donc une raison qui produit la conviction. Son plus haut degré de force est l'évidence, lumière irrésistible; son degré moyen est la probabilité; son plus bas degré, c'est la possibilité. La preuve est la base de l'éloquence: la conviction prépare la persuasion. Celle-ci, sans la preuve, est souvent une séduction ou un éphémère entraînement. La vérité doit donc précéder l'émotion: l'esprit doit être éclairé avant d'être ému. La conviction peut se passer de la persuasion, car « l'homme est ainsi fait que la lumière de la vérité le contraint, lors même qu'elle ne l'entraîne pas. » La persuasion n'est pas complète sans la conviction. Toutefois, il est des cas où elle s'en passe : Coriolan est ému par sa mère; il n'est pas certain qu'il soit convaincu. Plus d'un fils a pu dire à sa mère : Je ne suis pas convaincu, mais à vos larmes je ne puis résister. Même

« PreviousContinue »