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1697, à Dijon, à 66 ans. Dans un repas, son verre fut malignement infecté d'une forte dose de tabac d'Espagne, et à peine l'eut-il avalé, qu'il fut saisi d'une colique violente qui l'emporta, après 14 heures de douleurs les plus aiguës. Un page étant venu, dans ses derniers momens s'informer de son état de la part de son Altesse Monseigneur le duc de Bourbon Santeul levant les yeux au Ciel, s'écria: Tu solus ALTISSIMUS! Il avoit toujours eu des sentimens de religion. Un jour étant à NotreDame, et s'amusant à regarder les anciennes figures en bas-relief de la porte de l'Eglise, il dit à Charles Santeul son frère, en touchant un pilier, et en faisant allusion à l'ancienneté du Christianisme : Mon frère, cela est bien vieux pour être faux. Certains passages de l'Ecriture le pénétroient d'une crainte qui se lisoit sur sa figure. Tel est ce mot terrible du prophète Daniel à Balthasar : Positus est in statera el inventus est minus habens. Son corps fut transporté de Dijon à Paris, dans l'abbaye de Saint-Victor. Le célèbre Rollin orna son tombeau de cette Epitaphe :

Quem superi præconem, habuit quem sancta poëtam

Relligio: latet hoc marmore Santolius.

Alle etiam heroas, fontesque, et flumina et hortos

Santeuil · qui sut d'une brillante voix

Célébrer tour-à-tour les fontaines, les bois,

Les héros... Mais que sert ce travail &

ses manes ?

L'estime des humains de son mérite épris,

Peut suffire à ses vers profanes : Dieu de ses vers sacrés est seul le digne prix.

Un plaisant lui fit une autro Epitaphe moins flatteuse que la précédente:

Ci git le célèbre Santeuil !

Muses et Foux, prenez le deuil. Quelques traits qui tenoient de l'extravagance avoient " pu luż mériter cette épitaphe. On raconte qu'ayant passé à Câteaux il pria un religieux de cette abbaye de lui montrer l'appartement de la Mollesse, si bien décrit dans le Luirin de Boileau. Vous y êtes, répondit le Bernardin; mais la Mollesse n'y est plus la Folie a pris sa place. Sunteul avoit le visage large, les joues creuses, le menton relevé, le nez les épaté, les narines ouvertes, yeux noirs et gros, le front grand et la tête à demi chauve. Quant aux qualités morales on a dit de lui tant de mal et de bien Я qu'il est difficile de le peindre au naturel, Nous nous bornerons au portrait qu'en a tracé la Bruyère.

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Voulez-vous quelqu'autre prodige? Concevez un homme faDixerat. At cineres quid juvat iste cile, doux, complaisant, traita

Labor?

ble; et tout d'un coup violent,

Fama hominum merces sit versibus colère, fougueux, capricieux. æqua profanis:

Imaginez-vous un homme simple,

Mercedem poscunt carmina sacra ingénu, crédule, badin, volage,

Deum.

Ci gît, que la France regrette,

Du Parnasse chrétien le célèbre poëte,

un enfant en cheveux gris; mais permettez-lui de se recueillir, ou plutôt de se livrer à un génie

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qui agit en lui, j'ose dire, sans qu'il y prenne part, et comme à son insu! Quelle verve! quelle élévation! quelles images! quelle latinité! Parlez-vous d'une même personne, me direz-vous? Oui, du même de Théodas, et de lui seul. Il crie, il s'agite, il se roule à terre il se relève il tonne, il éclate; et du milieu de cette tempête, il sort une lumière qui brille et qui réjouit. Disons-le sans figure il parle comine un fou, et pense comme un homme sage. Il dit ridiculement des choses vraies, et follement des choses sensées et raisonnables. On est surpris de voir naître et éclore le bon sens du sein de la bouffonnerie, parmi les grimaces et les contorsions. Qu'ajouterai-je davantage? Il dit et il fait mieux qu'il ne sait. Ce sont en lui comme deux ames qui ne se connoissent point, qui ne dépendent point l'une de l'autre 9 qui ont chacune leur tour, ou leurs fonctions toutes séparées. Il manqueroit un trait à cette peinture si surprenante, si j'oubliois de dire qu'il est touta-la-fois avide et insatiable de louanges, prêt de se jeter aux yeux de ses critiques, et dans le fond assez docile pour profiter de leurs censures. Je commence à me persuader moi-même que j'ai fait le portrait de deux personnages tout différens. Il ne seroit pas même impossible d'en trouver un troisième dans Théodas; car il est bon homme. » En effet il recevoit ordinairement les avis avec docilité ; mais ; si l'on ne saisissoit pas le moment favorable, il répondoit avec aigreur. On prétend qu'un religieux de Saint-Victor, confrère de Santeul, lui montra des vers

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où se trouvoit le mot Quoniam qui est une expression tout-à-fait prosaïque. Santeul, pour le railler, lui récita tout un Pseaume où se trouve vingt fois le mot QUONIAM.(Confitemini Domino, quoniam bonus; quoniam in sœculum misericordia ejus; quoniam salutare tuum, etc.) Ce religieux piqué, lui répliqua sur-le-champ par ces mots de Virgile:

Insanire libet quoniam tibi.

Il n'accueilloit pas mieux les avis sur ses mœurs, que les censures de ses ouvrages. Le grand Bossuet lui ayant fait quelques reproches, finit en lui disant : Votre vie est peu édifiante, et si j'étais votre supérieur, je vous enverrois dans une petite cure dire votre bréviaire. Et moi, reprit Santeul, si j'étois Roi de France, je vous ferois sortir de votre Germigni, et vous enverrois dans l'île de Pathmos faire une nouvelle Apocalypse.... Parmi la foule d'anecdotes, vraies ou fausses, dont on a chargé les commentaires qu'on a faits sur le portrait que nous a fourni la Bruyère, nous nous bornerons à en rapporter encore quelques Quoique Santeul ait été souvent pressé de se faire ordonner prêtre, il n'a jamais été que sous-diacre. Cela ne l'empêcha pas de prêcher dans un village, un jour que le prédicateur n'avoit pu s'y trouver. A peine fut-il monté en chaire, qu'il perdit son sujet de vue, et se brouilla; il se retira, en disant : J'avois encore bien des choses à vous dire; mais il est inutile de vous précher davantage, vous n'en deviendriez pas meilleurs.... Sauteul fit un jour des vers pour un écolier, et celui-ci demandant à qui il avoit tant d'obligation,

unes.

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le Victorin répondit: Si on te demande qui a fait ces vers, tu n'as qu'à dire que c'est le diable. Voici le sujet sur lequel travailloit l'écolier. Un jeune enfant fils d'un boucher, prend dans un mouvement de colère un couteau, et égorge son cadet; la mère er furie, le jette dans une chaudière d'eau bouillante. Hors d'elle-mêelle se pend; et le père, saisi d'horreur de ce spectacle, en meurt de douleur. Il s'agissoit d'exprimer cette affreuse aventure en peu de vers. Santeul la rendit ainsi :

me,

Alter cum puero, mater conjuncta marito, Cultello, lymphá, fune, dolore cadunt. 'Santeul n'attendoit pas qu'on louât ses vers; il en étoit toujours le premier admirateur. Il disoit, que « quoiqu'il n'y eût point de salut hors de l'Eglise pour personne, il étoit excepté de cette règle, parce qu'il étoit obligé d'en sortir pour faire le sien y entendant ses Hymnes avec trop de complaisance. Boileau, témoin des contorsions et des grimaces qu'il faisoit lorsqu'il déclamoit ses hymnes, fit un jour cette épigramme:

»

A voir de quel air effroyable, Roulant les yeux, tordant les mains, Santeul nous lit ses Hymnes vains; Diroit-on pas que c'est le Diable Que Dieu force à louer les Saints? Etant à Port Royal, où l'on chantoit ses hymnes, un paysan à côté de lui ne chantoit pas, mais beugloit. Tais-toi, lui dit Santeul, tais-toi, bœuf! laisse chanter les Anges... Ce poëte répétoit souvent, dans son enthousiasme : Je ne suis qu'un atome, je ne suis rien; mais si je savois avoir fait un mauvais vers, j'irois

tout-à-l'heure me pendre à la Grève. [ Voy. III. PERRIER, et II. RAPIN. ] Quelques-uns de ses rivaux ont prétendu néanmoins que l'invention de ses poésies n'étoit point riche; que l'ordre y manquoit; que le fonds en étoit sec, le style quelquefois rampant; qu'il y avoit beaucoup d'antithèses puériles, de gallicismes, et sur-tout une enflure insupportable. Mais cette censure est trop forte. Quoiqu'il n'ait pas toujours dans ses vers héroïques, la richesse de l'expression et du coloris de Rollin et de Commire, et qu'il ait quelques vers durs et des mots inconnus aux an. ciens, on peut assurer qu'en géné. ral sa poésie est ríante, naturelle, brillante. Il est vraiment poëte, suivant toute la signification de ce mot. Ses vers se font admirer par la noblesse et l'élévation des sentimens, par la hardiesse et la beauté de l'imagination, par la vivacité des pensées, par l'énergie et la force de l'expression. Voyez COFFIN, et RABUSSON. Il a fait des poésies profanes et des Poésies sacrées. Les premières renferment des inscriptions, des épigrammes, et d'autres pièces d'une plus grande étendue. Les secondes consistent dans un grand nombre d'Hymnes, dont quelquesunes renferment de beaux élans de poésie. Cependant un homme d'esprit et de goût fait une critique d'un de ses plus beaux ouvrages en ce genre, qu'on pourroit appliquer à quelques autres de ses Hymnes plus remplies d'esprit et d'imagination que d'onction et de sentiment. Il trouve la première strophe de STUPETE, ĜENTES! chargée d'antithèses qui se succè dent de trop près. Ni Horace, ni Pindare n'ont aucune strophe qui

soit dans ce goût. Mais ces poëtes trouvoient dans la mythologie antique, des images que notre religion interdisoit à Santeul; et il est difficile de n'être pas frappé, dans cette même hymne critiquée, de ce magnifique début d'un Dieu devenu victime, d'un Législateur soumis à la loi. Plusieurs de ses pièces ont été mises en vers françois. Ces traductions ont été recueillies dans l'édition de ses Euvres, en 3 vol. in-12, Paris, 1729, sous ce titre : Joannis Bapliste SANTOLII, Victorini, Operum omnium editio tertia, in qua reliqua Opera nondùm conjunctim edita reperiuntur; apud fratres Barbou, vid Jacobea, sub signo Ciconiarum ; cum notis; curd Andrea Francisci Bilhard, Magistri in artibus Universitatis Parisiensis. Ses Hymnes forment un 4 volume in-12. Celles-ci ont été traduites en françois, par M. l'abbé Poupin, 1760, in-12. On a publié, sous le titre de Santoliana, ses aventures et ses bons mots. Ce recueil est de la Monnoye.

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III. SANTEUL, (Clande ) pas rent des précédens, marchand et échevin à Paris, mort vers 1729, a fait des Hymnes, imprimées à Paris, 1723, in-8.o Si la facilité de faire des vers latins étoit hérédi taire dans cette famille, le génie ne l'étoit point : car les poésies de l'échevin n'ont ni la verve, ni l'enthousiasme de celles du chanoine de Saint - Victor.

SANTIS, Voyez DOMINICO. SANTORINI, ( Jean-Dominique) professeur en médecine et démonstrateur d'anatomie à Venise, s'est distingué au commencement du XVIIIe siècle par ses découvertes anatomiques. Il a poussé ses recherches, sur-tout sur les muscles, à un point auquel les plus habiles anatomistes n'ont pu atteindre. Ses ouvrages sont: I. Opuscula medica de structura et motu fibre, de nutritione animali, etc. Venise, 1740, in-8.o II. Observationes medica, Venise, 1724, in-4.o; Leyde, 1739, in-4.o, avec figures. Haller, qui parle avec éloge de Santorini, appelle ces observations, minutas, doctas et divites.

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II. SANTEUL, (Claude) frère SANTORIUS ou SANCTORIUS, du précédent, né à Paris en 1628, professeur de médecine dans l'uniet mort dans cette ville le 29 sep- versité de Padoue, né à Capo d'Istembre 1684, à 57 ans demeura tria en 1561. Après avoir longlong-temps au séminaire de Saint-temps étudié la nature, il reconMagloire, en qualité d'ecclésias- nut que le superflu des alimens tique séculier, ce qui lui fit don- étant retenu dans le corps, proner le nom de Santolius Maglo- duisoit une foule de maladies. La rianus; et se fit autant estimer transpiration par les pores lui papar ses talens pour la poésie, que rut le plus grand remède que la par son érudition et sa piété exem- médecine pût employer dans ces plaire. Il étoit aussi doux que son occasions. C'est ce qui l'engagea frère étoit impétueux. On a de lui à faire des expériences, pour de belles Hymnes, qu'on conserve convaincre les esprits de cette vé en manuscrit dans sa famille, en 2 rité. Il se mettoit dans une balance, vol. in-4.o; et une bonne Piece de après avoir pesé les alimens qu'il vers, imprimée avec les ouvrages prenoit ; et par ce moyen, il tâde son frère. cha de parvenir à déterminer le

poids et la quantité de la transpiration insensible. Son système ne se vérifie point aussi généralement qu'il a voulu le persuader, parce que la diversité des climats et des températures des saisons, des alimens, différencie extrêmement la transpiration insensible; et par-là les conséquences qu'il tire de ses observations, ne sont pas toujours exactes. Ce fut à ce sujet qu'il composa son petit traité, intitulé: de Medicina statica Aphorismi, à Venise, 1634, in-16. L'édition donnée par Noguez, en 1725, 2 vol. in-12, avec les Commentaires de Lister et de Baglivi, est la meilleure. On estime aussi celle de 1770, in-12, par M. Lorry. Cet ouvrage intéressant est tout fondé sur l'expérience. Il a été traduit en françois par le Breton, sous ce titre : la Médecine statique de Sanctorius, ou l'Art de conserver la santé par la transpiration; et imprimé à Paris en 1722, in-12. On a encore de ce médecin: Methodus vitandorum errorum qui in Arte medicá contingunt, etc à Venise, 1630, in-4.° Cet estimable auteur mourut à Venise en 1636, à 75 ans, après avoir légué un revenu considérable au collège des médecins de Venise, qui, par reconnaissance fait prononcer tous les ans un discours à sa louange.

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SANUTO, (Marin) Vénitien, lestine et dans l'Orient, présenta après plusieurs voyages dans la Paau pape Jean XXII, en 1321, quatre Cartes géographiques, l'une de la mer Méditerranée, la seconde de la terre et de la mer, la troisième de la Terre-sainte, et la quatrième de l'Egypte. Il présenta tulé: Liber secretorum fidelium en même temps un ouvrage intiCrucis super Terræ-sanctæ recuperatione et conservatione. Il y expose les motifs et la manière de conquérir la Terre-sainte, et fait une description de ce pays. Il étoit zélé pour le recouvrement de ces provinces si chères aux Chrétiens. écrites à ce sujet à plusieurs poten. On a encore les Lettres qu'il a tats. Elles sont pleines d'un zèle vif pour la réunion des Grecs avec l'église de Rome, et intéressantes pour l'histoire de ce temps. Voyez FLEURY, liv. 92 et 93.

SANZ, (N.) Dominicain Espagnol, se consacra aux missions, arriva à la Chine en 1715, et y prêcha l'Evangile pendant 15 ans, puis élu vicaire apostolique pour Il fut fait évêque de Mauricastre la province de Fokien. L'empereur ayant banni les missionnaires en 1732, le P, Sanz se retira à Ma

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