Les neuf Muses et les Graces) (Odes. Livre II, ode 19.) LES GUERRES DE RELIGION. Ce monstre 2 arme le fils contre son propre père, La sœur contre la sœur, et les cousins germains Et quoy? brusler maisons, piller et brigander, Jésus que seulement vous confessez icy De bouche et non de cœur, ne faisoit pas ainsi : Et les Pères Martyrs, aux plus dures saisons Des Tyrans, ne s'armoient sinon que d'oraisons. Mais montrez-moy quelqu'un qui ait changé de vie Après avoir suivy vostre belle folie; J'en voy qui ont changé de couleur et de teint, Qui sont plus que devant tristes, mornes et palles, Mais je n'en ay point veu qui soient d'audacieux 1. Imitation d'Anacréon. La Fontaine, qui a traduit aussi l'Amour mouillé, 'a pas fait oublier la traduction de Ronsard. 2. L'hérerie. 3. Son métier, ses affaires. Plus humbles devenus, plus doux ni gracieux, (Discours des misères du temps.) RÉGNIER. Mathurin Régnier, né à Chartres, en 1573, fut chanoine de la cathédrale de cette ville; il mourut à Rouen en 1613. Ses œuvres se composent de seize Satires, trois Épîtres, cinq Élégies et quelques autres poëmes. Les meilleures éditions de Régnier sont celles d'Elzevier, Leyde, 1652; de Lequien, Paris, 1822; de Viollet-Leduc, Paris, 1823. Il était évident que la réforme de Ronsard et de la Pléiade n'était pas définitive. C'était un effort violent qui succédait à une torpeur extrême: la révolution avait passé le but sans l'atteindre. Régnier, par inspiration vraie, par nonchaloir, par insouciance, par abandon à la bonne loi naturelle, revint au simple, au vrai, et rentra sans le savoir dans la vieille école gauloise, qu'il enrichit toutefois d'heureuses imitations. Il suivit par génie l'excellent précepte de du Bellay; il transforma en soi les meilleurs auteurs, et, après les avoir digérés, les convertit en sang et nourriture. » Il fut le premier en France qui écrivit de véritables satires à l'imitation d'Horace. Mais son imitation n'était plus le calque servile imaginé par la Pléiade, c'était la féconde émulation, la puissante rivalité du talent. Le pinceau de Régnier s'arrête volontiers à la surface des choses. C'est de lui qu'on peut dire qu'il se joue autour du cœur humain. Sa poésie n'a rien de bien profond, de bien philosophique; ce sont les jeux innocents de la satire ses contemporains l'avaient jugé ainsi. Ce prédéces seur de Boileau était pour eux le bon Reignier; et luimême nous explique, quoique avec trop de modestie, cette qualification: Et ce surnom de bon me va-t-on reprochant D'autant que je n'ai pas l'esprit d'estre méchant. Ce n'est certes pas l'esprit qui manque à Régnier, ni l'enjouement, ni la verve. Mais il est artiste bien plus que moraliste; il s'occupe plus de la peinture que de la leçon. Sa plus belle création, c'est son style; on en a fait un bel et juste éloge en le rapprochant de celui de Montaigne 1. CONTRE LES MAUVAIS POETES. ..... Lorsque l'on voit un homme par la rüe, A les lire amusez, n'ont autre passe-temps. » Mais que pour leur respect' l'ingrat siecle où nous sommes, Que Ronsard, du Bellay, vivants ont eu du bien, 1. Sainte-Beuve: Tableau de la Poésie française au seizième siècle, tome I, page 169. 2. C'est-à-dire, dont les vêtements sont percés, les grègues aux genoux, et le pourpoint aux coudes. Grègues, ou grèves le vêtement qui couvrait les jambes. 3. Au palais de justice, où il y avait des boutiques de libraires. 4. Vous accablent. 5. En ce qui les regarde. Où le caquet leur manque, et des dents discourant, Contraire en jugement au commun bruit de tous. Toy qui, sans passion, maintiens l'œuvre immortelle, De race en race au peuple un ouvrage fais voir: (Satire п.) LA LIONNE, LE LOUP ET LE MULET', Avecque la science il faut un bon esprit. Furieuse elle approche, et le Loup qui l'advise, 1 1. N'aspire à rien moins, ne vise à rien moins qu'à l'immortalité 2. La Fontaine, livre V, Fable 8; livre XII, Fable 17. 3. Où as-tu été élevé? - 4. Vraiment, franchement. Et comme sans esprit ma grand mere me vit, Et d'un œil innocent il couvroit sa pensée, Que les loups de son temps n'alloient point à l'écolle. Le Mulet prend son temps, et du grand coup qu'il tire, Qu'elle ne sçavoit point, lui apprit sa leçon. Alors le Loup s'enfuit, voyant la beste morte; Et de son ignorance ainsi se reconforte : « N'en déplaise aux Docteurs, Cordeliers, Jacobins, (Satire III.) UN FACHEUX. Apres tous ces propos qu'on se dict d'arrivée, Il le juge à respect : « O! sans ceremonie, Avez-vous point ici quelqu'un de vostre troupe? » « Je vous baise les mains, je m'en vais ici pres, Chez mon oncle disner. O Dieu! le galand homme! J'en suis. » Et moy pour lors, comme un bœuf qu'on assomme, 1 Je baissai l'oreille. 2. Il prend mon silence et mon embarras pour des marques de respect. 3. En camarades, en égaux. 4. Voir Molière, les Facheus, acte I, scène I. |