DEUXIÈME PÉRIODE. RENAISSANCE. L'étude de l'antiquité classique n'avait jamais entièrement péri, malgré l'invasion des barbares et la chute de l'Empire d'Occident. Les monastères en avaient conservé quelques restes; Charlemagne fit éclore une première Renaissance; au moyen âge la société cléricale entretint l'étincelle sacrée. Mais ce fut au quinzième et au seizième siècle, que, grâce à la découverte de l'imprimerie, aux guerres d'Italie et à la chute de l'Empire d'Orient, les lettres grecques et latines reparurent avec tout leur éclat, et, s'alliant aux inspirations des temps modernes, produisirent une des plus brillantes périodes de l'art et de la littérature, qu'on appelle proprement la Renaissance 1. CLÉMENT MAROT. Clément Marot, né à Cahors en 1495, était fils du poëte Jean Marot, valet de chambre de François Ier. Il fut luimême valet de chambre de Marguerite de Valois, sœur du roi, suivit François Ier dans son expédition d'Italie, et fut fait prisonnier avec lui à Pavie. De retour en France, il fut 1. Voyez l'Histoire de la Littérature française, sur les monastères carlovingiens, pages 30 et suivantes; sur la renaissance carlovingienne, pages 38 et suivantes; sur la société cléricale au moyen âge, pages 160 et suivantes, et, enfin, sur la Renaissance au quinzième et au seizième siècle, pages 259 et suivantes. accusé d'hérésie; forcé de fuir, il se retira à Genève, puis à Turin où il mourut dans l'indigence en 1544. Marot a laissé vingt-sept Élégies, cinquante-neuf Épîtres, dix-neuf Ballades, trois cent cinq Épigrammes, quatorze opuscules, et beaucoup de pièces fugitives. La meilleure édition de ses OEuvres est celle de Rapilly, 1824, 3 volumes in-8°, avec biographie, notes et glossaire. Cet aimable poëte absorbe et résume en lui, sous une forme plus pure, toutes les qualités de notre vieille poésie, il en possède tous les charmes, mais il en a aussi toutes les limites. Il n'élargit point le cercle qu'avaient tracé ses prédécesseurs, il est Gaulois comme eux, mais il l'est mieux et plus vivement; il l'est seul autant qu'eux tous à la fois. On retrouve en lui la couleur de Villon, la gentillesse de Froissart, la délicatesse de Charles d'Orléans, le bon sens d'Alain Chartier, et la verve mordante de Jean de Meung: tout cela est rapproché, concentré dans une originalité piquante, et réuni par un don précieux qui forme comme le fond de cette broderie brillante, l'esprit. De spirituelles et gracieuses épitres, des élégies où la sensibilité ne sert que d'assaisonnement à l'esprit, des épigrammes enfin pleines de verve et de malice, tels sont les genres poétiques qu'affectionne sa légère pensée. L'instrument dont il pouvait disposer suffisait à de pareilles œuvres; la poésie des fabliaux, polie par l'usage d'une cour brillante, n'est jamais en défaut sous sa main; le vers de dix syllabes, ce mètre qui semble né pour les piquants et joyeux récits, lui fournit une richesse étonnante de coupes et d'effets poétiques, dont Voltaire seul a su lui dérober le secret. La poésie familière, ingénieuse et sensée, l'un de nos trésors les plus précieux du moyen âge, a donc trouvé dans personne de Marot son expression définitive. Ce n'est' pas à dire pour cela que cette poésie ait dû suffire aux Français du seizième siècle, aux élèves de la Renaissance, et qu'ils n'aient rien dû souhaiter au delà. Nourris de Virgile, d'Horace, de Pindare, ils ne tardèrent pas à trouver un peu maigres ces braves formes de s'exprimer, qui ne pouvaient s'élever au-dessus des plus humbles sujets. LE LION ET LE RAT'. (A son ami Lyon Jamet, 1525.) Je te veux dire une belle Fable: Cestuy Lyon, plus fort qu'un vieil verrat, Adonc le Rat, sans serpe, ne cousteau, Et du Lyon, pour vrai, ne s'est gaudy.... Lors le Lyon ses deux grands yeux vertit2, En lui disant, « O povre verminière, 1. Voyez la Fontaine, livre II, Fable 11. 2. Tourna. 3. Pour me tirer de ce danger pressant. alec Va te cacher, que le chat ne te voye. Ne se perd point, quelque part qu'il soit faict. (Épitre XI.) ÉPITRE AU ROY. (Pour avoir été desrobé, 1531.) On dit bien vrai, la mauvaise fortune 1. La corde. - 2. Hillot, fils, enfant, en gascon. 3. Enflui. Pour si petit, mais encore il me happe Tous les plus beaux et puis s'en habilla :: Si justement, qu'à le veoir ainsi estre, Vous l'eussiez prins, en plain jour, pour son maistre Droit à l'estable, où deux chevaux trouva : Que dirai plus? au miserable corps, De ne yeoir pas les premiers raisins meurs Je suis traicté. Or ce que me laissa Et en sirops et julez despendu : Ce neantmoins ce que je vous en mande, N'est pour vous faire ou requeste, ou demande : Je ne veux point tant de gens ressembler, 1. Akakia, professeur de médecine à l'Université de Paris, médecin de François Ier. 2. Etre à quia, être à bout de raisons et de ressources, être à la dernière extrémité. |