Elles ont mérité le suffrage des dieux. Désormais, je les sacrifie A chanter vos beautés, votre nom en tous lieux; Et j'aurai tant de soin de le rendre éclatant, De voir l'excès de ma tendresse. Et moi, dit le moineau, je vous baiserai tant... Voilà la fin de mon histoire; En voici la morale, et qu'il faut retenir : Beautés, qui tous les jours voyez dans vos ruelles Songez à préférer le solide au brillant. On se passe fort bien de vers, de chansonnette : A moins qu'il ne se trouve un tiers oiseau donnant. Il revenait sur le rivage: Philis le plongeait de nouveau. Cruelle, disait-il, vous qui m'avez fait naître, Je ne paraîtrai point, c'est une affaire faite ; Je vous réponds qu'il serait impossible Philis ne l'en voulut pas croire : Mais boire plus que de raison. Tel qu'un petit barbet qu'à l'eau son maître envoie, Et qui de ce péril, dès qu'il est échappé, Revient à son maître avec joie, Tout dégouttant et tout trempé; Tel l'Amour, s'exposant à des rigueurs nouvelles, A peine sorti du danger, Reverait vers Philis en secouant ses ailes, Les forces cependant à la fin s'épuisérent : Il se rendit, et les bras lui manquérent : Le croira-t-on ? Philis en fut ravie, Car elle le noyait pour la douzième fois. Pour le petit Amour, je ne puis concevoir Il fut toujours mal nourri par sa mére. Si Philis, un peu moins injuste, L'eût traité comme il faut, en lui donnant le jour, CAPRICE. Je ne dors ni nuit ni jour; DIALOGUES DES MORTS. DIALOGUE PREMIER. ALEXANDRE, PHRINÉ. PHRINÉ. Vous pouvez le savoir de tous les Thébains qui ont vécu de mon temps. Ils vous diront que je leur offris de rebâtir à mes dépens les murailles de Thèbes, que vous aviez ruinées, pourvu que l'on y mît cette inscription: Alexandre le Grand avait abattu ces murailles, mais la courtisane Phriné les a relevées. ALEXANDRE. Vous aviez donc grand' peur que les siècles à venir n'ignorassent quel métier vous aviez fait? PHRINE. J'y avais excellé, et toutes les personnes extraordinaires, dans quelque profession que ce puisse être, ont la folie des monuments et des inscriptions. ALEXANDRE. Il est vrai que Rhodope l'avait déjà eue avant vous. L'usage qu'elle fit de sa beauté la mit en état de bâtir une de ces fameuses pyramides d'Égypte qui sont encore sur pied, et je me souviens que, comme elle en parlait l'autre jour à de certaines mortes françaises qui prétendaient avoir été fort aimables, ces om bres se mirent à pleurer en disant que, dans les pays et dans les siècles où elles venaient de vivre, les belles ne faisaient plus d'assez grandes fortunes pour élever des pyramides. PHRINE. Mais moi, j'avais cet avantage par-dessus Rhodope, qu'en rétablissant les murailles de Thèbes je me mettais en parallèle avec vous, qui aviez été le plus grand conquérant du monde, et que je faisais voir que ma beauté avait pu réparer les ravages que votre valeur avait faits. ALEXANDRE. Voilà deux choses qui assurément n'étaient jamais entrées en comparaison l'une avec l'autre. Vous vous savez donc bon gré d'avoir eu bien des galanteries? PHRINE. Et vous, vous êtes fort satisfait d'avoir désolé la meilleure partie de l'univers? Que ne s'est-il trouvé une Phriné dans chaque ville que vous avez ruinée ! il ne serait resté aucune marque de vos fureurs. ALEXANDRE. Si j'avais à revivre, je voudrais être encore un illustre conquérant. PHRINE. Et moi une aimable conquérante. La beauté a un droit naturel de commander aux hommes, et la valeur n'en a qu'un droit acquis par la force. Les belles sont de tout pays, et les rois mêmes ni les conquérants n'en sont pas. Mais pour vous convaincre encore mieux, votre père Philippe était bien vaillant, vous l'étiez beaucoup aussi; cependant vous ne pûtes, ni l'un ni l'autre, inspirer aucune crainte à l'orateur Démosthène, qui ne fit, pendant toute sa vie, que haranguer contre vous deux ; et une autre Phriné que moi (car le nom est heureux) étant sur le point de perdre une cause fort impor |