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Elles ont mérité le suffrage des dieux.

Désormais, je les sacrifie

A chanter vos beautés, votre nom en tous lieux;
Les échos de ces bois le rediront sans cesse,

Et j'aurai tant de soin de le rendre éclatant,
Que votre cœur enfin sera content-

De voir l'excès de ma tendresse.

Et moi, dit le moineau, je vous baiserai tant...
A ces mots, le procés fut jugé dans l'instant
En faveur de l'oiseau qui porte gorge noire.
On renvoya l'oiseau chantant.

Voilà la fin de mon histoire;

En voici la morale, et qu'il faut retenir :

Beautés, qui tous les jours voyez dans vos ruelles
Un tas d'amants transis ne vous entretenir
Que de leurs vains soupirs, de leurs peines cruelles
Et d'autres fades bagatelles,

Songez à préférer le solide au brillant.

On se passe fort bien de vers, de chansonnette :
Le talent du moineau, c'est là lễ vrai talent.
Je sais mainte Cloris du goût de la fauvette,

A moins qu'il ne se trouve un tiers oiseau donnant.
Alors, il n'est pas étonnant
Que ce dernier gagne sur l'étiquette.

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Il revenait sur le rivage:

Philis le plongeait de nouveau.

Cruelle, disait-il, vous qui m'avez fait naître,
Hélas! pourquoi me noyez-vous?
Est-ce que vous voulez m'empêcher de paraître?
Prenez-en un moyen plus doux.

Je ne paraîtrai point, c'est une affaire faite ;
Je ne vous ferais pas pourtant de déshonneur.
Au lieu de me noyer, donnez-moi pour retraite
Un petit coin de votre cœur.

Je vous réponds qu'il serait impossible
De trouver un endroit plus propre à me cacher.
Comme on sait qu'il me fut toujours inaccessible,
On ne viendra pas m'y chercher.

Philis ne l'en voulut pas croire :
Ce n'est pas qu'après tout l'avis ne fût fort bon;
Pour réponse, elle le fit boire,

Mais boire plus que de raison.

Tel qu'un petit barbet qu'à l'eau son maître envoie, Et qui de ce péril, dès qu'il est échappé,

Revient à son maître avec joie,

Tout dégouttant et tout trempé;

Tel l'Amour, s'exposant à des rigueurs nouvelles,

A peine sorti du danger,

Reverait vers Philis en secouant ses ailes,
Quoiqu'il sût que Philis allait le replonger.

Les forces cependant à la fin s'épuisérent :
Il était las de faire le plongeon.

Il se rendit, et les bras lui manquérent :
Il fallut qu'il coulât à fond.

Le croira-t-on ? Philis en fut ravie,

Car elle le noyait pour la douzième fois.
Elle hérita de l'arc, des traits et du carquois,
Dont elle s'est fort bien servie.

Pour le petit Amour, je ne puis concevoir
Qu'à la nage onze fois il soit sorti d'affaire.
Sans beaucoup de vigueur, cela ne se peut faire ;
Le pauvre enfant n'en devait guère avoir.

Il fut toujours mal nourri par sa mére.
Quoique l'espoir ne soit qu'une viande légère.
A peine fut-il né qu'on le sevra d'espoir.

Si Philis, un peu moins injuste,

L'eût traité comme il faut, en lui donnant le jour,
C'eût bien été l'Amour le plus robuste
Que l'on eût vu de mémoire d'Amour.

CAPRICE.

Je ne dors ni nuit ni jour;
Le diable emporte l'Amour,
Ses petits frères, sa mère,
Tous ses parents, Jeux et Ris,
Toute l'île de Cythère,
Et qui plus est mon Iris!

DIALOGUES

DES MORTS.

DIALOGUE PREMIER.

ALEXANDRE, PHRINÉ.

PHRINÉ. Vous pouvez le savoir de tous les Thébains qui ont vécu de mon temps. Ils vous diront que je leur offris de rebâtir à mes dépens les murailles de Thèbes, que vous aviez ruinées, pourvu que l'on y mît cette inscription: Alexandre le Grand avait abattu ces murailles, mais la courtisane Phriné les a relevées.

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ALEXANDRE. Vous aviez donc grand' peur que les siècles à venir n'ignorassent quel métier vous aviez fait?

PHRINE. J'y avais excellé, et toutes les personnes extraordinaires, dans quelque profession que ce puisse être, ont la folie des monuments et des inscriptions.

ALEXANDRE. Il est vrai que Rhodope l'avait déjà eue avant vous. L'usage qu'elle fit de sa beauté la mit en état de bâtir une de ces fameuses pyramides d'Égypte

qui sont encore sur pied, et je me souviens que, comme elle en parlait l'autre jour à de certaines mortes françaises qui prétendaient avoir été fort aimables, ces om bres se mirent à pleurer en disant que, dans les pays et dans les siècles où elles venaient de vivre, les belles ne faisaient plus d'assez grandes fortunes pour élever des pyramides.

PHRINE. Mais moi, j'avais cet avantage par-dessus Rhodope, qu'en rétablissant les murailles de Thèbes je me mettais en parallèle avec vous, qui aviez été le plus grand conquérant du monde, et que je faisais voir que ma beauté avait pu réparer les ravages que votre valeur avait faits.

ALEXANDRE. Voilà deux choses qui assurément n'étaient jamais entrées en comparaison l'une avec l'autre. Vous vous savez donc bon gré d'avoir eu bien des galanteries?

PHRINE. Et vous, vous êtes fort satisfait d'avoir désolé la meilleure partie de l'univers? Que ne s'est-il trouvé une Phriné dans chaque ville que vous avez ruinée ! il ne serait resté aucune marque de vos fureurs.

ALEXANDRE. Si j'avais à revivre, je voudrais être encore un illustre conquérant.

PHRINE. Et moi une aimable conquérante. La beauté a un droit naturel de commander aux hommes, et la valeur n'en a qu'un droit acquis par la force. Les belles sont de tout pays, et les rois mêmes ni les conquérants n'en sont pas. Mais pour vous convaincre encore mieux, votre père Philippe était bien vaillant, vous l'étiez beaucoup aussi; cependant vous ne pûtes, ni l'un ni l'autre, inspirer aucune crainte à l'orateur Démosthène, qui ne fit, pendant toute sa vie, que haranguer contre vous deux ; et une autre Phriné que moi (car le nom est heureux) étant sur le point de perdre une cause fort impor

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