En me la pardonnant, imitez la clémence
De qui pour vos vertus voulut vous adopter; Vous seriez par le sang, par l'aveugle naissance, Moins obligé de l'imiter.
Je suis (criait jadis Apollon à Daphné, Lorsque tout hors d'haleine il courait après elle, Et lui contait pourtant la longue kirielle
Des rares qualités dont il était orné);
Je suis le dieu des vers, je suis bel esprit né. Mais des vers n'étaient point le charme de la belle. Je sais jouer du luth... Arrêtez. Bagatelle !
Le luth ne pouvait rien sur ce cœur obstiné.
Je connais la vertu de la moindre racine, Je suis par mon savoir dieu de la médecine. Daphné fuyait encor plus vite que jamais.
Mais s'il eût dit: Voyez quelle est votre conquête, Je suis un jeune dieu toujours beau, toujours frais; Daphné, sur ma parole, aurait tourné la tête.
QUI DEVAIT ÊTRE AU MOIS D'OCTOBRE.
Ne reviendras-tu point, ne ferai-je sans cesse Que d'inutiles vœux pour hâter ta paresse,. Mois charmant, mois aimable, où de ses dons nouveaux Bacchus remplira nos tonneaux?
De vignerons contents quand verrai-je une armée Par les ordres du dieu dépouiller ses Etats, Et faire bouillonner la liqueur enflammée, Mère des jeux et l'âme des repas? Ainsi dans le fond d'un bocage, Je parlais seul, et Bacchus m'entendit; Il crut qu'enfin je lui rendais hommage, Et de ce tardif avantage
Le dieu des buveurs s'applaudit.
Mais l'Amour, qui savait combien Iris m'occupe, Et dans quel temps son retour est réglé, De mes discours avait lui seul la clé, Et prenait l'autre dieu pour dupe.
En commençant, Iris, l'an qui suit mil sept cents, Je voulais sous vos lois mettre ma destinée; Je voulais de mes vœux vous promettre l'encens, Seulement pour ladite année :
Cela n'a jamais d'autre sens.
Mais avec cette année un siècle aussi commence. Attendons, ai-je dit; nous pouvons à bon droit De l'un et l'autre bail peser la différence. Mais les appas d'Iris souffrent-ils qu'on balance? Eh bien! donc, pour le siècle soit.
Ils sont deux dieux portant ailes au dos, Les plus méchants qu'ait Jupin à sa table · L'un est le Temps, mangeur insatiable, Vieillard chenu, mais, hélas! trop dispos; Et l'autre, qui? c'est l'enfant de Paphos. Quand cet enfant a pris beaucoup de peine Chez son beau-père à forger une chaîne Qui de deux cœurs doit unir le destin, Vient le barbon, qu'on ne peut trop maudire, Qui vous la ronge et vous l'use à la fin. Adieu la chaîne ! Et le vieillard malin S'envole ailleurs, riant d'un vilain rire. Fut-il jamais, sous sa cruelle dent, Liens si forts qui fissent résistance? Ces jours passés, je le vis cependant Avec l'Amour en bonne intelligence. Tous deux, tous deux, l'enfant et le vieillard, Ils composaient une chaîne durable; Le Temps lui-même en serrait avec art Tous les chaînons. N'est-ce point une fable? Non, je l'ai vu, vu de mes propres yeux, Ou je le sens, pour vous dire encor mieux.
Quand l'amour nous fait éprouver
Son premier trouble avec ses premiers charmes, Contre soi-même encor c'est lui prêter des armes Que d'être seul et de rêver.
La dominante idée, à chaque instant présente, N'en devient que plus dominante; Elle produit de trop tendres transports; Et plus l'esprit rentre en lui-même, Libre des objets du dehors,
Plus il retrouve ce qu'il aime.
Je conçois ce péril, et qui le connaît mieux? Tous les soirs, cependant, une force secrète M'entraine en d'agréables lieux,
Où je me fais une retraite
Qui me dérobe à tous les yeux.
Là, vous m'occupez seule, et, dans ce doux silence, Absente je vous vois, je suis à vos genoux; Je vous peins de mes feux toute la violence. Si quelqu'un m'interrompt, j'ai le même courroux Que s'il venait par sa présence
Troubler un entretien que j'aurais avec vous. Le Soleil dans les mers vient alors de descendre; Sa sœur jette un éclat moins vif et moins perçant; Elle répand dans l'air je ne sais quoi de tendre, Et dont mon âme se ressent.
Peut-être ce discours n'est guère intelligible: Vous ne l'entendrez point. Je sais ce que j'y perds: Un cœur passionné voit un autre univers
Que le cœur qui n'est pas sensible.
Brunette fut la gentille femelle Qui charma tant les yeux de Salomon, Et renversa cette forte cervelle Où la sagesse avait pris le timon. Qui dit brunette, il dit spirituelle Et vive au moins comme un petit démon; Et, s'il vous plait, tous ces jolis visages, Qui de la Grèce affolèrent les sages,
Qui, comme oisons, les menaient par le bec, Qui croyez-vous que ce fussent? Brunettes
Aux beaux yeux noirs, et qui, dans leurs goguettes, Disaient, Dieu sait! gentillesses en grec. Autre brunette aujourd'hui me tourmente, Moi philosophe, ou du moins raisonneur, Et qui pouvais acquérir tout l'honneur Et tout l'ennui d'une âme indifférente. Or, vous, messieurs, qui faites vanité Des tristes dons de l'austére sagesse, Quand vous verrez brunettes d'un côté, Allez de l'autre en toute humilité : Brunettes sont l'écueil de votre espèce.
SUR UN PORTRAIT DE DESCARTES.
Avec sa mine refrognée,
Élevé sur ma cheminée,
Descartes dit: Messieurs, c'est moi
Qui dans ces lieux donne la loi.
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