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leur abondance, à la promptitude avec laquelle elles saturent le sol et ramènent la végétation!

Les opérations militaires ne sauraient non plus négliger ce qu'indiquent les séries d'observations météorologiques. Dans telle partie de l'ancienne régence d'Alger, si l'on se met en campagne à une époque donnée, on a pour soi toute chance de beau temps; dans telle autre province, on est assuré de tomber, à cette époque, dans une série de jours de pluies et d'orages. Comment le savoir d'avance, et avec quelle certitude, sinon par des observations antérieures? Mais point n'est besoin, on l'avouera, que ces observations soient faites d'heure en heure, de jour et de nuit, et que leurs résultats soient précis jusqu'à la dernière décimale.

La grenouille du père Bugeaud, aussi bien que sa casquette, égaye encore aujourd'hui les bivouacs de nos soldats en Afrique. Ce grand homme de guerre qui a tant fait pour l'Algérie, ense et aratro, consultait sa rainette avant de mettre ses troupes en marche pour une expédition. Un baromètre, alors même qu'il ne serait pas parfait, ne vaut-il donc pas une grenouille?

L'auteur de cette communication résume ainsi les conclusions générales qu'il faut tirer, en ce qui concerne la science météorologique en général, de la discussion que nous venons de rapporter :

Nous ne saurions avoir, pour les observations météorologiques faites jusqu'ici, l'espèce de dédain avec lequel on les accueille aujourd'hui. Sans doute, elles ne sont pas encore satisfaisantes et de tout point irréprochables; mais il y aurait, selon nous, beaucoup d'ingratitude de la part des hommes de science, à ne pas reconnaître tous les vrais services rendus déjà par ces observations, dont on semble faire si peu de cas. Bien étudiées, bien comparées et convenablement discutées, elles fournissent des renseignements précieux. Ce sont elles qui ont fait reconnaître les lignes isothermes, et qui ont montré avec quelle singularité tout imprévue la chaleur se distribue à la surface de notre globe. Ce sont ces observations si critiquées qui ont donné l'éveil à Wells et l'ont conduit à sa belle théorie du rayonnement: ce sont elles qui ont averti des variations diurnes du baromètre; et si ces variations attendent encore une explication satisfaisante, ce n'est pas à l'imperfection des instruments qu'il faut s'en prendre!

Enfin, qui donc nous a appris que la quantité d'eau qui tombe du ciel présente des différences quelquefois si considérables. selon que la pluie est recueillie près du sol même ou à quelques mètres au-dessus? Qui nous a appris que, contrairement à l'opinion commune, il tombe bien plus d'eau dans le Midi, où le soleil brille presque toujours, que dans le Nord, où il pleut pendant toute l'année? Et, par contre, qui a mis les savants sur la voie de l'explication d'un phénomène si longtemps contesté par eux, tandis qu'il était patent pour tous les paysans habitant dans le voisinage des grands cours d'eau, à savoir la formation des glaçons au fond des fleuves et non pas à la surface de l'eau? Ayons de la reconnaissance pour les devanciers qui ont fait faire les premiers pas à la science; louons-les de leurs efforts persévérants, et faisons des vœux pour que l'avenir de la météorologie ne reste pas, en fait de découvertes, au-dessous de son passé.

On ne saurait plus sagement ni plus dignement conclure.

Disons, pour terminer, que le rapport de la commission dans lequel on proposait l'installation de cinq observatoires en Algérie a été adopté par l'Académie des sciences.

Etablissement en France d'un système d'observations météorologiques simultanées, au moyen de la télégraphie électrique.

La France est aujourd'hui couverte d'un vaste réseau de fils télégraphiques, et les bureaux de correspondance électrique renferment un grand nombre d'employés. Pendant les intervalles de loisir que laisse la transmission des dépêches, on peut utiliser le précieux moyen de la correspondance électrique, pour expédier et faire converger vers un point central, à Paris, par exemple, des renseignements recueillis au même instant sur l'état de l'atmosphère dans les divers lieux de la France, sur leur température, l'état de la mer, la direction des vents, etc., au même moment de la journée.

Aux Etats-Unis, on publie depuis longtemps des relevés météorologiques de ce genre, qui paraissent dans les journaux quotidiens, et que l'on affiche dans divers bureaux des principaux centres de population de ces vastes contrées. Les mêmes usages existent depuis quelques années en Angleterre et en Autriche. Mais les renseignements transmis de cette manière dans les pays que nous venons de citer n'intéressent que le commerce et ne s'adressent qu'à lui. Les négociants sont ainsi tenus au courant de l'arrivée et du départ des navires, de l'état de la mer dans les différents ports, des orages et des accidents atmosphériques qui peuvent exercer une influence sur la navigation.

C'est une particularité remarquable et qui fait bien ressortir le caractère spécial et l'esprit élevé de notre nation, que l'on ait parmi nous songé avant tout à faire servir les indications météorologiques simultanées que peut fournir la télégraphie électrique, non à l'usage exclusif des intérêts privés, mais au progrès de la science. Dès que l'usage de ces moyens d'observation instantanée a été régularisé et étendu à toutes les parties de la France, c'est-à-dire dès le commencement de l'année 1855, M. Le Verrier, directeur de notre Observatoire, prit toutes les mesures nécessaires pour faire diriger simultanément vers Paris des dépêches télégraphiques indiquant, à un même instant du jour, l'état de la température et la direction des vents. Il fit exécuter avec ces éléments réunis une véritable carte de l'état atmosphérique de la France. Cette carte était destinée à résumer, sous une forme synthétique, l'ensemble des résultats météorologiques obtenus au même instant sur toute l'étendue du pays. Avec une carte semblable, il est facile de dresser des relevés météorologiques se rapportant aux principales localités et représentant, pour chaque jour de l'année, les observations recueillies simultanément dans toute l'étendue de la France.

Les travaux préparatoires exécutés en 1855 par l'Ob

servatoire de Paris avaient pour but d'essayer s'il était possible d'établir, sans nuire au service administratif, un système régulier d'observations, qui seraient transmises chaque jour par le télégraphe électrique. Cette possibilité ayant été reconnue, les deux administrations se sont entendues pour mener à bonne fin cette importante entreprise.

Il fut d'abord reconnu qu'il importait à la régularité du nouveau service, que les observations fussent faites dans les postes télégraphiques, qui devraient être, à cet effet, munis d'instruments. Sans doute, dans un certain nombre de localités, on aurait pu compter sur le zèle de quelques amis de la science; mais on n'a pas voulu leur imposer une charge aussi lourde que celle d'une transmission quotidienne. Malgré le dévouement des observateurs météorologistes des départements, il aurait été impossible, à cause de leurs autres occupations, d'arriver à une exactitude suffisante, et des irrégularités se seraient inévitablement produites. De plus, les observations particulières ne pouvaient présenter les mêmes garanties de durée et de permanence que celles des stations administratives.

Ce premier point ayant été arrêté, il fut convenu avec le directeur général, M. de Vougy, que l'administration des lignes télégraphiques ferait recueillir les observations par ses agents, et les ferait transmettre à l'Observatoire de Paris, tandis que, de son côté, l'Observatoite fournirait les instruments et les instructions, réduirait les observations et les ferait publier.

Enfin, chacune des deux administrations chargea un de ses fonctionnaires de mettre ce plan à exécution. L'administration des télégraphes délégua M. Pouget-Maisonneuve, connu par les importantes améliorations qu'il a introduites dans les télégraphes électro-chimiques; M. Liais fut désigné du côté de l'Observatoire.

Les instruments d'observation, pour la température, la

pression barométrique, etc., ont dû remplir des conditions particulières. Il était nécesssaire, en effet, que l'on pût les observer aisément et rapidement, tout en conservant la précision des appareils ordinaires. M. Liais a donc fait construire un système de baromètre à une seule lecture, se graduant par comparaison avec un étalon sous la machine pneumatique, et qui atteint parfaitement le but proposé. Ce baromètre a exigé la formation de nouvelles tables de réduction. Les thermomètres ont été gradués sur tige, et numérotés sur la plaque d'émail, ce qui les rend toujours très-aisés à lire. De plus, ils ont leur réservoir couvert d'une feuille métallique destinée à dissimuler les effets de la radiation.

Outre les instruments, les divers postes ont reçu des registres dont ils conserveront toujours la collection, en sorte que chaque station possédera, dans l'avenir, l'ensemble de ses observations passées; indépendamment des transmissions télégraphiques, les observations seront envoyées journellement par la poste, à l'Observatoire, au moyen de bulletins.

Les connaissances particulières que possèdent les employés de l'administration des télégraphes sont un sûr garant que les observations seront bien faites.

On n'exige de chaque chef de poste, chaque jour, que trois observations : à neuf heures du matin, à trois heures et à neuf heures du soir; mais on lui sait gré d'en faire davantage, et presque tous ont dépassé le nombre réglementaire. C'est ainsi que le Havre, Abbeville, Strasbourg, Châlons-sur-Marne, Bayonne, envoient même six observations par jour.

Voici la liste des stations météorologiques qui sont établies dès ce moment, rapportées aux principaux bassins de la France.

Bassin du Rhin: Strasbourg, Mézières, Dunkerque, Mulhouse.

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