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nées ordinaires, elles vivent à terre dans les bois humides. On rencontre souvent ces sangsues terrestres à des distances considérables de toute pièce d'eau, et parfois elles incommodent beaucoup les voyageurs qui vont à pied. Les planaires de Valdivia vivent également hors de l'eau, et M. Gay a rapporté une espèce de très-grande taille dont l'anatomie a été faite par M. Blanchard.

Mais la partie la plus importante de la faune du Chili est celle relative à l'histoire naturelle des insectes et des arachnides. On y trouve la description de 1833 espèces d'insectes, dont à peine 200 étaient inscrites dans les catalogues entomologiques avant la publication de ce grand ouvrage. La plupart des espèces que M. Gay a recueillies ont été déposées par ce voyageur dans les galeries du Muséum, et par conséquent la détermination a pu en être faite avec soin. Les descriptions sont accompagnées de figures représentant, non-seulement un exemple de chaque genre, mais aussi les détails des parties caractéristiques de ces divisions zoologiques; l'ensemble de ce travail est une acquisition précieuse pour l'entomologie en général aussi bien que pour l'histoire naturelle du Chili en particulier.

L'aperçu que nous venons de présenter des résultats contenus dans l'Histoire du Chili de M. Claude Gay peut donner une idée de l'importance et du mérite de cet ouvrage, l'une des plus remarquables productions dont les sciences naturelles se soient enrichies depuis les grandes publications de M. de Humboldt.

Voyage scientifique du prince Napoléon. — Manière d'apprécier la direction des courants maritimes.

Dans l'une des séances du mois d'août 1856 de l'Académie des sciences, M. Babinet a fait connaître ce premier résultat de l'expédition scientifique du prince Napo

léon dans les parages du Nord, savoir: que les courants maritimes pourront désormais être infailliblement reconnus au moyen de blocs de sapins, d'environ trente centimètres de large et d'un diamètre à peu près égal, contenant une fiole, qui sera ainsi préservée du choc des glaces, et indiquera exactement le point où le bloc aura été jeté à la mer. Déjà M. Daussy a tracé la marche des courants de l'Atlantique, grâce à des bouteilles de verre librement confiées aux vagues de l'Océan. Mais les simples bouteilles qui lui ont servi pour relever les latitudes moyennes pour l'Atlantique ne pourraient résister au choc des glaces. En y plaçant un tube de verre scellé à la lampe et contenant l'indication des lieux du point de départ, et fixant la bouteille dans un bloc de sapin, on sera à l'abri de tout accident de ce genre. M. Babinet a exprimé le vœu que l'initiative prise à bord de la Reine-Hortense, de jeter un de ces blocs à la mer toutes les fois qu'on fait le point, c'est-à-dire quand on détermine la position du bâtiment, soit suivie par tous les navires de quelque importance; il en résultera une connaissance exacte des mouvements de l'Océan, qui sera aussi utile pour la physique du globe que pour la navigation. Espérons que désormais tout navigateur se fera un devoir de concourir à la détermination des courants océaniques, par le moyen et dans les cas que nous venons d'indiquer. Les avantages de cette mesure pour les progrès de la navigation seront considérables. Ce sera un honneur pour le voyage du prince Napoléon, et pour la commission scientifique qui en a fait partie, d'avoir pris l'initiative de ce genre de déterminations nautiques.

Le bloc recueilli aux Orcades (et, chose remarquable, à l'est de l'île, tandis que la Reine-Hortense naviguait à l'ouest) indique des courants allant presque exactement à l'est, tandis que la carte de M. Duperrey et celle de M. Findlay les donnent allant du sud-ouest au nord-est.

Le prince Napoléon a adressé au secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences de Paris, une lettre ayant pour objet de porter ce fait à la connaissance des divers corps savants de l'Europe, et de donner la description des dispositions qui ont été adoptées pour assurer le succès de cette expérience. Voici les termes de la lettre du prince :

A bord de la Reine-Hortense, le 20 août 1356,

en rade de Lerwick (île Shetland).

Monsieur le secrétaire perpétuel,

Dans les baies des terres du Nord, au Spitzberg, en Islande, au Groenland, on trouve beaucoup de bois flottés qui, après avoir erré longtemps sur mer sous l'impulsion des courants, ont fini par s'y échouer. L'essence de ces bois est principalement le sapin, mais rien n'indique d'une manière certaine leur origine.

J'ai voulu que mon voyage dans les mers du Nord contribuât à la reconnaissance ultérieure de ces courants, étudiés déjà dans leurs principales directions, mais dont les ramifications sont peu connues, et j'ai fait jeter de la corvette la ReineHortense, dans ses différentes traversées, un grand nombre de flotteurs (cinquante) portant l'indication de leur point de départ. Ces flotteurs se composent d'un cylindre de sapin de 0,25 de diamètre sur 0m,25 de hauteur. Dans la direction de l'axe du cylindre, on a percé un trou destiné à contenir une petite fiole de verre cachetée renfermant un billet ainsi conçu :

Voyage de S. A. I. le prince Napoléon, à bord de la corvette la Reine-Hortense, commandée par M. de La Roncière, capitaine de vaisseau.

Billet jeté à la mer le... 1856.

Latitude....

Longitude du méridien de Paris....

Celui qui trouverait ce billet est prié de le remettre au consul le plus voisin.

Ce billet est traduit en anglais, en latin et en russe.

Les fioles sont scellées dans le bloc de bois, au moyen de brai qui les enveloppe entièrement, et par-dessus on a cloué une plaque de plomb portant le nom de la Reine-Hortense et la

date de l'immersion; enfin, pour mieux attirer l'attention sur ces flotteurs et empêcher de les confondre avec d'autres bois flottés, on a percé sur le pourtour du cylindre, et de part en part, deux trous perpendiculaires entre eux, dans lesquels on a fixé de fortes chevilles sortant d'environ deux décimètres et formant la croix.

Je vous serai reconnaissant de vouloir bien écrire aux divers corps savants d'Europe et d'Amérique pour porter ce fait à leur connaissance, lui donner de la publicité et les prier d'informer l'Académie des sciences de France du lieu où ces blocs auront été recueillis.

3

Phosphorescence de la mer.

Pendant le cours d'un voyage en Chine, M. Henri Grafton Chapman a été témoin d'un phénomène assez rare dans la physique du globe. Dans une certaine partie de l'océan Indien toute l'étendue de la mer que l'œil pouvait embrasser présentait une coloration d'un blanc de lait. M. Grafton Chapman a adressé à l'Académie des sciences la description du fait qu'il a observé et qu'il rapporte en ces termes :

Le 1er août, dit M. Grafton Chapman, près de l'île de Christmas, dans l'océan Indien, tout l'équipage était sur le quivive, observant des apparences singulières dans le ciel et dans la mer, et notamment une teinte verte dans l'eau, comme si l'on était sur des bas-fonds, ce qui pourtant n'était point le cas. Les nuages avaient une apparence peu ordinaire; mais, comme le vent était constant et peu élevé, nous continuâmes notre route jusqu'à minuit, sans qu'il arrivât rien d'extraordinaire. Le second vint alors en toute hâte avertir le capitaine qu'il lui paraissait que nous arrivions sur un banc de sable, bien qu'il n'y en eût aucun marqué sur la carte dans le voisinage. Nous fumes tous en un instant sur le pont; mais, avant notre arrivée, l'eau avait changé d'aspect, et nous vîmes une longue ligne lumineuse à l'horizon qui avançait vers nous avec la rapidité du vent. Nous jugeâmes que c'était une tempête

qui approchait, et je ne m'attendais à rien moins qu'à voir nos mâts brisés, tant elle marchait vite, devenant de plus en plus blanche, à mesure qu'elle approchait. Une minute à peine s'était écoulée, que la mer se mit à écumer autour de notre vaisseau, comme un verre d'eau de Seltz, et se montra plus blanche que du lait aussi loin que nous pouvions voir. Le vent se faisait à peine sentir, et tout était dans un calme profond, on n'entendait que la voix du capitaine qui criait : « Qu'est-ce que cela signifie? Je n'y comprends rien; » et déjà la mer, toujours d'un blanc mat, ne cessait de s'agiter et de se gonfler. Le vaisseau avait été arrêté, on avait serré les voiles, pris toutes les précautions, et nous étions prêts à tout événement; le phénomène continuait, au milieu d'un silence effrayant. Le vent était tombé, la lune était sous l'horizon, et la nuit était profondément noire. J'étais le seul à bord qui eût jamais entendu parler d'un tel phénomène; et mon souvenir n'avait rien de scientifique. Il me venait d'un sot roman, les Trois Espagnols, où l'on parle d'une « mer de lait, phénomène d'une extrême rareté. » Une brise légère s'éleva, et le spectacle devint le plus beau que j'aie jamais vu. Chaque mouvement du vaisseau faisait partir de l'avant des flots de lumière phosphorique qui se répandaient au loin en grandes taches d'un jaune aussi brillant que la flamme d'un feu de bois, et qui paraissaient comme de l'or liquide sur la mer complétement blanche. Cela me rappelait le spectacle dont on jouit en voyant d'une montagne élevée la plaine couverte de brouillards; seulement les nuances n'étaient pas, comme dans ce dernier cas, légères et même cotonneuses. La mer était d'un blanc de neige et sans aucune transparence; j'insiste sur ce point. Nous harponnâmes deux marsouins au milieu d'une grande troupe qui jouait autour de l'avant, en laissant de longues traînées lumineuses. Vers cinq heures, le phénomène cessa aussi subitement qu'il avait commencé, et tout retomba dans une obscurité profonde, comme après un incendie.

Nous remplîmes un seau avec de l'eau de mer; elle était pleine d'animaux phosphorescents liés en séries moniliformes; chacune de ces sortes de chaînes avait près de trois pouces de longueur; le seau semblait être plein de vermicelle jaune animé et vivant.

Le phénomène qui avait si fort troublé le capitaine et les passagers du navire où se trouvait M. Chapman n'était

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