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cules et des tubercules entiers de ce végétal. Les plantes étaient espacées de 50 centimètres en tous sens; l'expérience a montré qu'il aurait fallu les rapprocher beaucoup plus; néanmoins la végétation marcha régulièrement. De longues tiges sarmenteuses se développèrent avec vigueur et se couvrirent d'un épais feuillage. Au commencement d'août, elles donnèrent beaucoup de fleurs; enfin, vers le milieu de septembre, les plantes prirent une teinte jaune, indice de leur prochaine maturité.

Il est probable que le développement du Dioscorea serait plus rapide encore sous une latitude plus méridionale que celle de Paris. Les tiges étant annuelles peuvent facilement être mises à l'abri du froid, en ne procédant à la plantation que quand les gelées ne sont plus à craindre; quant à la racine, elle passe très-bien l'hiver en terre, ainsi que l'ont prouvé quelques pieds qu'à dessein on n'avait pas arrachés en 1853, et qui essuyèrent impunément 12 ou 14 degrés de froid à la fin de décembre 1854.

Telles sont, en résumé, les qualités qui recommandent l'igname de la Chine à l'agriculture française. Quant aux difficultés qui pourront s'opposer à son introduction dans notre pays, elles résident dans une circonstance unique, mais qui ne manque pas de gravité : c'est la direction perpendiculaire de son tubercule, qui, s'enfonçant quelquefois à plus d'un demi-mètre de profondeur, rend difficile l'opération de l'arrachage. La forme du tubercule, dont la partie la plus large se trouve à son extrémité inférieure, contrairement à ce que présente la betterave, constitue un autre inconvénient pour l'extraction. En Chine, où l'on fait usage de cette plante depuis un temps immémorial, on la cultive ordinairement sur des talus élevés de 20 à 30 centimètres; ce qui facilite considérablement l'arrachage sans diminuer le rendement. Cette particularité n'offre qu'un bien léger inconvénient pour un peuple dont l'agriculture n'est, à proprement parler, qu'un jardinage,

et où l'on exécute à la main presque tous les travaux des champs. Mais pourra-t-il en être de même en Europe? L'avenir agricole de l'igname de Chine paraît résider tout entier dans cette question. Si le problème de l'arrachage facile n'est pas résolu, le Dioscorea restera parmi nous une plante de jardinage ou de petite culture, ce qui diminuerait considérablement le bénéfice de son introduction.

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Le Sorgho sucre.

Comme l'igname, une autre plante alimentaire qui a été également importée de la Chine par M. de Montigny, le sorgho sucré, est appelée à jouer un grand rôle dans notre agriculture, en se prêtant à un grand nombre d'usages divers et des plus utiles.

Le sorgho sucré a été introduit en France en vue d'y être soumis à la grande culture, et pour offrir une source importante de matières sucrées, et par conséquent d'alcool. Des essais nombreux sont entrepris en ce moment, pour la culture de cette plante sur une grande échelle. Mais elle ne doit pas rester le partage exclusif de la grande culture; ses qualités nombreuses et variées ont déjà marqué sa place dans la petite propriété.

Pour que ce résultat puisse être atteint, il importe que les diverses qualités du sorgho soient très-généralement connues. La Société d'acclimatation fait, dans ce but, sous l'inspiration de son président, M. Isidore Geoffroy-SaintHilaire, les plus louables efforts.

L'un des membres les plus actifs de la Société d'acclimatation, M. de Lacoste, a publié, au mois d'octobre 1856, une courte note qui fait connaître et résume les propriétés précieuses qui distinguent le sorgho, et recommandent l'emploi de ce végétal à la petite propriété.

On a déjà beaucoup écrit sur le sorgho sucré; on a indiqué un grand nombre de destinations auxquelles les produits de cette plante peuvent se prêter. Tout en elle est utile, selon M. de Lacoste. Avec les feuilles, que des tiges de 2 à 3 mètres de hauteur produisent en abondance, on élève avec succès un nombreux bétail. Sa graine nourrit la volaille; elle remplace avantageusement l'orge pour les chevaux; seule, elle peut défrayer le colon des frais de culture. La farine qu'elle produit sert à préparer, pour l'homme, des mets sains et délicats; la médecine pourra l'employer comme laxatif, et à l'extérieur comme résolutif. Soumise à l'action d'agents chimiques, la pellicule du sorgho fournit des teintures pour l'industrie et les ménages. Le parenchyme lui-même peut être utilisé, soit pour la nourriture des animaux, soit pour l'industrie. Enfin, de la tige, partie principale de la plante, on extrait un jus sucré, avec lequel on peut obtenir du sirop, du tafia, de l'eau-de-vie, du vin, du vinaigre, mais plus avantageusement de l'alcool et du sucre. Seulement, les ustensiles appropriés aux divers traitements que peut subir le sorgho ne sont pas à la portée de tous les agriculteurs, et beaucoup d'entre eux renonceraient peut-être à la culture de cette plante, malgré son utilité reconnue, s'ils ne pouvaient conserver l'espoir, la certitude même, de tirer parti de leur récolte.

M. de Lacoste, dans la note qu'il a lue à la Société d'acclimatation, a donné connaissance d'un procédé très-simple, très-rustique, si on peut s'exprimer ainsi, pour retirer des tiges du sorgho un véritable sirop capable de composer pour nos paysans une provision excellente de matière sucrée.

Lorsque les tiges sont mûres, dit M. de Lacoste, c'est-àdire lorsque la graine passe du jaune foncé au rouge, point qui marque la maturité complète de la plante, faites la récolte. On profite ensuite du premier loisir pour couper, soit avec un

hache-paille, soit avec tout autre instrument, les tiges par morceaux en rondelles; on verse dans le vase quelques litres d'eau, puis on le place sur un foyer assez vif; on laisse bouillir longtemps, jusqu'à ce qu'on ait obtenu une espèce de marmelade. On retire du feu ce premier rendement, afin d'exprimer le jus et de mettre de côté le résidu ; on remet le jus sur le feu. Pendant la cuisson, on purifie la liqueur en jetant par intervalles, dans la chaudière, de l'eau de chaux ou bien une solution alcaline; on peut employer la poudre de chaux: 330 grammes suffisent pour saturer 50 kilogrammes de suc. On finit de clarifier le jus avec de l'albumine.

Le jus, ayant été ainsi traité, est placé dans des vases de terre qu'on déposera, autant que possible, dans un endroit qui ne sera exposé ni à l'humidité ni à la chaleur.

J'ai fait faire cette opération par un petit cultivateur qui était resté, pendant deux ans, rebelle à l'adoption du sorgho. J'avais un but qu'on comprend sans peine : l'exemple ne pouvait manquer d'être suivi. Tout paysan maintenant peut avoir son sirop, car le sirop ou mélasse dont on s'approvisionne dans les raffineries est le sucre du ménage campagnard dans beaucoup de pays.

Nous n'avons pas besoin d'ajouter qu'on tirera un excellent parti du résidu de cette opération, qui est fort riche en principe sucré. Si on ne le donnait pas au bétail, on l'utiliserait en le mettant dans la cuve où fermente la vendange. Le procédé décrit par M. de Lacoste sera donc trèsutile à l'économie des ménages des paysans de nos contrées.

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Nouvelle plante indigofère.

La matière colorante connue sous le nom d'indigo, dont l'industrie européenne consomme de si grandes quantités, est fournie par divers végétaux. On la retire des feuilles d'un certain nombre de plantes appartenant presque toutes à un même genre, l'indigofera. Les principales espèces qui en fournissent sont: 1° l'indigofera argentea ou indigotier

sauvage, qui donne le plus bel indigo, mais en petite quantité; 2o l'indigofera disperma ou guatimala; 3o l'indigofera anil ou l'anil; 4° l'indigofera tinctoria, qui le donne moins beau que les autres espèces, mais en plus grande quantité, ce qui est cause de la préférence qu'on lui accorde pour la culture.

Cependant les indigofera ne sont pas les seules plantes qui puissent fournir de l'indigo; le nerium tinctorium, arbre très-commun dans l'Inde, en contient une grande quantité.

La guède ou pastel (isatis tinctoria) fournit aussi de l'indigo. Pendant les guerres de l'Empire, la France était privée de produits coloniaux ; on essaya de retirer l'indigo du pastel, et quelques résultats intéressants furent obtenus sous ce rapport

Des essais du même genre, et qui ont même été couronnés d'un succès beaucoup plus réel, ont été exécutés en France depuis plus de dix ans, pour extraire l'indigo d'une plante indigène, le polygonum tinctorium.

Pour la culture et l'acclimatation des plantes exotiques, le climat et le sol de l'Afrique présentent des conditions précieuses, dont l'activité nationale commence à tirer le plus heureux parti. La culture des plantes tinctoriales a été naturellement comprise dans les divers travaux de culture nouvelle que le gouvernement fait entreprendre dans nos possessions d'Afrique. La plupart de ces essais ont été jusqu'ici couronnés de succès. C'est ainsi que les plantations de garance, de safran, de nopal à cochenille, etc., occupent, sur plusieurs points de notre colonie, des espaces importants, qui gagnent chaque année en étendue, et dont les produits exportés en France ont été estimés de qualité supérieure par l'industrie compétente.

Les indigofères ne pouvaient être négligés dans les essais d'acclimatation tentés en Algérie; on s'en est occupé

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