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rique soumis à une ébullition prolongée. Il se forme encore de l'urée lorsqu'on fait passer de l'oxamide à travers un tube chauffé au rouge. L'acide urique et la plupart des dérivés de cet acide donnent de l'urée sous l'influence de divers agents d'oxydation, tels que l'acide azotique, le permanganate de potasse, le bioxyde de plomb, le bichromate de potasse, etc. Enfin, on a obtenu artificiellement de l'urée en décomposant le fulminate de cuivre ammoniacal par l'hydrogène sulfuré.

Ainsi, dans un grand nombre de cas, on avait vu se produire artificiellement la substance dont nous parlons. Ces différentes transformations donnaient lieu d'espérer que l'albumine pourrait être amenée à subir la même modification chimique. A M. Béchamp revient le mérite d'avoir réalisé cette réaction, qui confirme si bien les vues théoriques de la chimie moderne.

En même temps que M. Béchamp faisait l'observation intéressante que nous venons de rapporter, un autre expérimentateur de Strasbourg, M. le docteur Picard, parvenait à établir rigoureusement cet autre fait bien important : que l'urée est éliminée du sang par les reins, et non sécrétée par cet organe. En précipitant l'urée par le nitrate de mercure, on parvient à séparer du sang les plus légères traces d'urée. En employant ce moyen d'analyse, M. Picard a pu comparer, sous le rapport de leur teneur en urée, le sang artériel et le sang veineux. Le sang de l'artère rénale d'un chien lui a donné 0,0365 pour 100 d'urée, lorsque la veine rénale n'en fournissait que 0,0186 pour 100, c'est-à-dire moitié moins. Il a vu aussi que chez l'homme, le sang artériel, qui passe en vingt-quatre heures dans les reins, abandonnait environ 28 grammes d'urée; et que la quantité d'urée contenue dans les urines des sujets soumis à l'expérience variait de 27 à 28 grammes; donc la quantité d'urée perdue pendant le trajet à travers

les reins correspond à la quantité d'urée rendue par les urines ainsi les reins ne fabriquent pas l'urée, ils se bornent à l'éliminer.

Ce fait, que l'urée est simplement séparée du sang par les reins, et qu'elle n'est pas le produit d'une sécrétion véritable, est depuis bien longtemps admis en physiologie; il a été observé, pour la première fois, il y a trente-cinq ans, par M. Dumas. Ce fut là le premier travail qui fit connaître dans la science un nom destiné à y briller d'un si vif éclat. MM. Prévost et Dumas constatèrent, en 1821, que l'urée s'accumule, en proportion notable, dans le sang des animaux auxquels on a fait l'ablation des reins. Dans une de leurs expériences, 150 grammes de sang d'un chien qui avait vécu pendant deux jours sans reins donnèrent plus de 1 gramme d'urée. Plus tard, Vauquelin, MM. Ségalas, Mitscherlich et Marchand, sont arrivés aux mêmes résultats. Ce dernier observateur a retiré 2 grammes d'urée de 400 grammes de sang, après avoir fait la ligature des nerfs et des vaisseaux du rein sur un mouton. L'observation de M. Picard n'est donc pas nouvelle, mais elle confirme, par des évaluations positives, un fait qu'il est bien important de ne pas oublier.

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Recherches expérimentales sur la cause des battements du cœur, par M. Hiffelsheim.

Nous venons de voir qu'en prêtant son concours à la physiologie, la chimie a permis de résoudre les questions qui se rattachent à la fonction respiratoire. Nous allons montrer maintenant, à l'occasion d'un travail récent de physiologie, comment, à l'aide de la physique, science plus simple et par conséquent susceptible d'applications plus rigoureuses, on est parvenu à éclaircir la fonction

solidaire de la respiration: nous voulons parler de la circulation du sang.

A part ses causes premières, qu'il faut chercher dans les sources mêmes de la vie, la circulation nous apparaît comme celle de toutes les fonctions dont les actes mécaniques se prêtent le plus aisément à une appréciation numérique exacte. Aussi les anciens physiologistes ont-ils tenté, de bonne heure, d'approfondir le mécanisme de cette fonction par l'application directe des théories de l'hydraulique et des lois que l'on possédait à cette époque sur cette partie de la physique. La circulation fut soumise, pendant le siècle dernier, à une série de calculs empruntés à la mécanique pure on calcula la vitesse de la marche du sang dans les vaisseaux, comme s'il se fût agi du simple écoulement de l'eau dans une rivière.

Mais ce qui caractérise l'esprit des travaux scientifiques modernes, c'est l'analyse, c'est la minutieuse division des questions complexes pour les réduire à leur expression la plus simple. Les expérimentateurs de nos jours s'efforcent de suivre le grand précepte de Descartes: Diviser chacune des difficultés en autant de parcelles qu'il se pourrait, et commencer par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître, pour remonter à la connaissance des plus composés. Quand il s'agit de physiologie, le fait le plus simple en apparence, présente, en réalité, un haut degré de complication. Ainsi, dans le cas dont nous parlons, le sang qui coule dans son cercle clos agit sur les parois solides qui le contiennent, et à leur tour ces parois agissent elles-mêmes sur le sang qui les presse. Ces diverses causes, ces divers effets, ces actions et ces réactions, se manifestent simultanément, en produisant le pouls,le battement et les bruits du cœur. C'est cet ensemble de phénomènes complexes qu'il s'agit de pénétrer et d'expliquer par une analyse rigoureuse.

On a cherché, de nos jours, en ce qui concerne la cir

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culation, à élucider par la voie expérimentale quelquesunes de ces parcelles» dont parle Descartes. Mais jusqu'ici, on peut le dire, on a négligé « l'énumération complète de tous les éléments que la question renferme. Les résultats ainsi obtenus étaient contestables; aussi ont-ils été contestés, et de là de nouvelles ténèbres répandues sur cette question. La vie repose, en effet, sur des conditions très-multiples. Pour interpréter le moindre de ses actes, il faut étudier toutes ses conditions et embrasser leur ensemble alors seulement, on peut avoir l'espoir légitime d'ajouter une pierre à l'édifice, éternellement inachevé, de la science de la vie.

Un jeune physiologiste, familiarisé avec l'étude des sciences physiques, a entrepris, depuis plusieurs années, cette longue et patiente étude du phénomène de la circulation. Il s'est occupé surtout de recherches sur la cause des mouvements du cœur, et il a lu sur ce sujet, au mois d'octobre 1856, un nouveau mémoire à l'Académie des sciences. L'exposé des recherches de M. le docteur Hiffelsheim sur la cause des battements de cœur, à part l'intérêt que tout le monde peut y attacher, nous donnera l'exemple d'une méthode et de procédés que l'on voit trop rarement mis en usage en médecine.

Précisons bien d'abord le point de physiologie qu'il s'agit d'éclaircir.

Lorsque, chez l'homme et chez beaucoup d'animaux, on applique la main sur le côté gauche de la poitrine, on perçoit un choc d'une intensité variable. Chez les personnes atteintes de palpitations, ce choc est bien plus prononcé. Cette exagération des mouvements normaux du cœur provient, tantôt du cœur seul, tantôt de l'influence des nerfs et du sang, tantôt de lésions des gros vaisseaux. Les émotions arrêtent les battements du cœur chez quelques personnes, et les activent chez la plupart. Mais en général,

les émotions fortes, surtout chez la femme, arrêtent les battements de cet organe, qui est alors paralysé, stupéfié, glacé de là la syncope ou évanouissement.

La promptitude, la constance avec laquelle les émotions agissent sur les battements du cœur, firent penser à Bichat que les passions siégeaient dans cet organe musculeux et creux que l'on nomme cœur. Cette idée était bien ancienne, et on la trouve encore, au sens figuré, dans la bouche de tout le monde, bien qu'il soit hors de doute que le cerveau est l'intermédiaire obligé de tout ce qui est action, sentiment ou pensée. On peut, par divers moyens, ralentir les battements du cœur : tel est l'effet de l'administration de la poudre de digitale ou de la digitaline; on peut aussi les activer telle est l'action qu'exerce le quinquina, comme aussi les divers stimulants, les cordiaux (du mot latin cor, cordis, cœur).

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Si l'on applique l'oreille sur la poitrine, au niveau du cœur, on sent qu'elle est soulevée par l'impulsion de cet organe; en même temps, on perçoit des bruits, des tons particuliers, dont la signification est extrêmement importante à connaître, car, dans de nombreuses maladies, ces bruits sont modifiés de mille manières. Skoda, médecin de Vienne, et avec lui la plupart des médecins allemands, admettent que, dans les maladies, on retrouve toujours les bruits ou les tons ordinaires qui sont propres au cœur en état de santé, mais avec accompagnement de tons accessoires ou morbides. Les médecins français professent, au contraire, que, dans l'état de maladie, les tons ordinaires des bruits du cœur sont entièrement modifiés; qu'ils le sont en étendue, en durée, en hauteur. Ces bruits sont quelquefois si singulièrement transformés qu'on en a fait l'objet des comparaisons les plus étranges. On les a assimilés au miaulement, au jappement, au sifflement, au chant du coucou, au murmure d'un insecte, etc.; on a encore admis des bruits de frólement, de scie, de tempête, etc.

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