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les deux fossoyeurs, au moment d'accomplir leur funèbre office, regardèrent le cadavre, et quel fut leur étonnement lorsqu'ils virent sur la planche inférieure du cercueil, couché près du cadavre, un foetus du sexe féminin, dont les bras étaient étendus et qui tenait encore à la mère par le cordon !

Le docteur Meyer fut alors appelé; il ne put constater aucun signe de décomposition putride dans le corps de la personne qui allait être inhumée. Il fut donc sursis à l'enterrement. Toutefois, dans l'après-midi du même jour, des signes putrides s'étant révélés, qui annonçaient la mort d'une manière positive, on fit l'autopsie du corps.

D'après l'inspection cadavérique, la mort ne pouvait remonter, selon le docteur Meyer, à cinquante-neuf heures; elle paraissait, au contraire, avoir eu lieu bien plus tard. Pendant son accouchement ou plutôt son avortement à la maison mortuaire de Würtzbourg, cette femme n'était donc pas morte; elle se trouvait seulement dans un état de syncope ou de mort apparente. Les membranes se rompirent sans doute pendant les derniers accès de suffocation. L'enfant n'avait pas respiré, mais, d'après sa position, il avait dû exécuter quelques mouvements.

Dans les trois faits que nous venons de rapporter, il est établi d'une manière incontestable que c'est pendant l'état de mort apparente que la parturition s'est opérée. On peut donc, en généralisant ces observations, émettre hardiment cette assertion, que toutes les femmes qui sont devenues mères après leur décès n'ont accouché que pendant un état de mort apparente, et qu'elles ont passé ensuite de celle-ci à la mort réelle. Il est évidemment impossible que la matrice puisse se contracter après la mort réelle; mais cet organe, comme plusieurs autres organes de la vie intérieure, peut parfaitement exercer des mouvements contractiles pendant la mort apparente. Il est bien

établi, en effet, que, dans cet état extraordinaire qui constitue la mort apparente, la vie est refoulée dans les organes les plus profonds. L'individu ne sent plus et n'aperçoit plus les objets qui l'entourent; il ne réagit plus sur les impressions extérieures, et ne se meut plus volontairement mais les actes de la vie organique, certaines fonctions, et les contractions musculaires, peuvent persister, et c'est même là un des caractères de la mort apparente, si l'on s'en rapporte aux auteurs qui ont écrit sur cet important sujet.

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Production artificielle de l'urée: confirmation des vues physiologiques de la chimie moderne.

Introduite dans l'étude des actes qui s'opèrent chez les animaux et les plantes, la chimie a éclairé des plus vives lumières le mécanisme de leurs fonctions. La nutrition et les sécrétions principales ont été comprises et expliquées depuis que les chimistes en ont fait l'objet de leurs observations et de leurs recherches. De toutes les fonctions de l'économie animale, la respiration est, sans aucun doute, celle qui a reçu de la chimie l'explication la plus satisfaisante, à la fois dans son principe général et dans ses détails. On sait aujourd'hui, grâce aux travaux de Lavoisier, poursuivis et complétés par ceux de MM. Dumas et Liebig, que la respiration n'est qu'une lente et incessante combustion des éléments du corps des animaux par l'oxygène atmosphérique inspiré. On sait, à n'en point douter, que l'économie n'est qu'un vaste foyer d'oxydation. Tout ce qui s'introduit dans nos organes doit subir l'action de l'oxygène, qui circule continuellement dans l'intimité de nos appareils organiques: aussi, tout ce qui s'échappe, tout ce qui est rejeté de l'éco

nomie, n'est-il autre chose que les résidus ou les produits de la combustion qui s'opère dans l'intimité de nos tissus.

L'acide carbonique, qui se dégage du corps des animaux pendant l'expiration pulmonaire, est le produit principal et définitif de l'incessante combustion qui s'accomplit dans l'économie vivante. L'urée, matière solide qui, dissoute dans l'eau, constitue, avec quelques sels minéraux, l'élément essentiel de l'urine, est un autre résultat de cette oxydation opérée dans nos organes. Ces deux produits ont donc la même destination finale: seulement, l'un, l'acide carbonique, se dégage par les poumons; l'autre, l'urée, s'échappe au dehors par la voie de la sécrétion urinaire.

Cette explication de l'origine et de la destination physiologique de l'urée n'avait pu être considérée, jusqu'à ces derniers temps, que comme une vue théorique. Elle s'appuyait sur des considérations bien suffisantes, sans doute, pour se faire accepter, mais elle n'avait pas encore reçu de démonstration expérimentale directe. Cette confirmation vient d'être très-heureusement mise au jour par un chimiste de l'école de Strasbourg, par M. Béchamp, professeur à l'École de pharmacie de cette ville.

M. Béchamp vient, en effet, de prouver que l'urée dérive de substances albuminoïdes, et que l'albumine peut être directement transformée en urée au moyen de la combustion lente produite par le permanganate de potasse.

Pour déterminer la formation de l'urée avec les matières albuminoïdes sous l'influence d'un corps oxydant, M. Béchamp dissout 10 grammes d'albumine sèche dans trente fois son poids d'eau, et il y ajoute peu à peu 75 grammes de permanganate de potasse. On chauffe à la température de 40 degrés, et de temps en temps on sature la liqueur par l'acide sulfurique étendu, mais en la maintenant constamment un peu alcaline. On filtre ensuite, et l'on sature exactement le liquide par l'acide

sulfurique étendu. On évapore la dissolution au bainmarie, on y ajoute ensuite de l'alcool concentré. La dissolution alcoolique est à son tour évaporée en consistance de miel, et reprise à chaud par l'alcool absolu. Ce dernier liquide, évaporé, laisse un résidu qui renferme de l'urée. En effet, ce résidu, traité à chaud par la potasse caustique, dégage de l'ammoniaque; il produit un dégagement d'azote et d'acide carbonique sous l'influence du nitrate de protoxyde de mercure; enfin, l'acide azotique, ajouté, donne naissance à des cristaux d'azotate d'urée, signe certain de la présence de cette matière. M. Béchamp a, d'ailleurs, retiré l'urée de ce dernier produit, ce qui ne laisse aucun doute sur sa formation dans la réaction que nous venons de faire connaître. Nous ajouterons que M. Béchamp a obtenu, avec la fibrine du sang et avec le gluten, les mêmes résultats qu'avec l'albumine : il a pu transformer ces deux produits en urée.

L'expérience avait déjà appris aux chimistes que l'urée peut prendre naissance par la décomposition de différentes substances; mais personne n'avait encore établi que l'albumine peut, par une oxydation directe, se transformer en urée. Là est la véritable importance de la découverte de M. Béchamp. Elle démontre que les substances albuminoïdes peuvent directement se changer en urée. Cette transformation, qui s'opère si aisément dans nos verres à réactifs, au moyen d'un corps oxydant, peut évidemment s'exécuter aussi dans l'économie vivante, au moyen de l'oxygène atmosphérique. Ainsi, la théorie générale des chimistes, sur le phénomène de la respiration, est pleinement confirmée. L'urée est donc, comme l'acide carbonique, un produit d'oxydation formé dans le sang par l'action lente et continue de l'oxygène atmosphérique : seulement, tandis que ce dernier produit, à l'état de gaz, se dégage hors de l'économie par les poumons, l'urée s'en échappe, à l'état de substance dissoute, par les reins et

l'appareil urinaire. Dans quelques cas seulement l'urée peut être remplacée dans cette excrétion par des produits représentant une combustion moins avancée.

Nous venons de dire que la chimie était déjà en possession de plusieurs moyens de préparer artificiellement l'urée à l'aide de diverses substances organiques azotées. L'urée est, en effet, la première substance de l'économie animale que l'on ait réussi à fabriquer artificiellement dans les laboratoires. Le chimiste Vöhler est l'auteur de cette belle observation, qui remonte à l'année 1828. M. Vöhler a découvert que le cyanate d'ammoniaque se transforme en urée quand on expose ce sel à l'action du calorique. Le cyanate d'ammoniaque et l'urée ont tous deux la même. composition chimique; par la seule action de la chaleur on provoque entre les éléments du cyanate d'ammoniaque une rupture d'équilibre moléculaire qui fait passer ce composé à l'état d'urée. La préparation de l'urée au moyen du cyanate d'ammoniaque est un procédé auquel on a fréquemment recours dans les laboratoires pour obtenir ce produit.

On obtient encore facilement l'urée en abandonnant à elle-même une solution du gaz cyanogène dans l'eau. La liqueur s'altère bientôt, elle se trouble, et on trouve de l'urée parmi les divers produits auxquels cette décomposition a donné naissance. L'uréthane se transforme, à la température de 180 degrés, en urée, par l'action d'un excès d'ammoniaque. Si on met l'acide chloroxycarbonique en contact avec l'ammoniaque, on obtient un mélange de diverses substances parmi lesquelles existe l'urée. On a constaté également que la créatine et l'acide urique se transforment très-facilement, en dehors de l'organisme, en urée et en d'autres composés. M. Williamson, conduit par des considérations théoriques, a converti l'oxamide en urée au moyen du bioxyde de mercure. M. Liebig a obtenu de l'urée et de l'acide oxalique avec l'acide oxalu

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