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les individus pour les uns, quelques minutes suffisent pour éprouver une action; chez d'autres malades, il faut une demi-heure, ou même une heure. Les personnes à la peau blanche et délicate, d'une constitution lymphatique, en ressentent très-promptement les effets.

La première impression que l'on éprouve en pénétrant dans ce gaz, c'est une sensation de chaleur douce et agréable, analogue à celle que produirait un vêtement épais de laine fine. A cette sensation de chaleur succède un picotement, un fourmillement particulier, et plus tard une sorte d'ardeur que l'on a comparée à celle qui est produite par un sinapisme commençant à mordre la peau : les douleurs anciennes, spécialement celles des vieilles blessures, se réveillent, la peau rougit, et il s'établit une transpiration abondante à la surface des parties du corps exposées à l'action du gaz. La sensation de chaleur et la transpiration se maintiennent plusieurs heures après que l'on est sorti du bain.

Dans les premiers moments, les mouvements du cœur ne sont que faiblement accélérés par l'influence du bain de gaz; mais lorsque la durée du bain se prolonge, on observe une période de surexcitation, le pouls est plein, vif et accéléré; la chaleur devient brûlante, il y a turgescence et rubéfaction de la peau, céphalalgie, oppression de la poitrine, etc. Prolongé pendant trop longtemps (plusieurs heures), le bain de gaz carbonique détermine un état de stupeur et presque de paralysie; le sang veineux prend une couleur noire. Mais quand on a pris ce bain dans les conditions convenables, on se sent plus léger et plus dispos. Il est arrivé quelquefois que des malades qui avaient eu beaucoup de peine à se rendre jusqu'à l'établissement des bains ont pu, après avoir pris un bain de gaz carbonique, faire de longues courses.

L'administration du gaz carbonique est facile, commode et agréable pour les malades; elle n'exige point de prépa

ratifs particuliers; on peut prendre ces bains tout habillé, car le gaz traverse facilement les vêtements.

Jusqu'à présent, il n'existe en France aucun établissement consacré à l'administration de bains de gaz carbonique. M. le docteur Herpin, qui a adressé à ce sujet une communication spéciale à l'Académie des sciences, pense néanmoins qu'un grand nombre de nos sources minérales fourniraient des quantités de gaz carbonique qui seraient suffisantes pour former des établissements de bains et de douches de gaz. Ce serait une addition utile et en même temps profitable pour nos thermes.

L'intéressante communication adressée à l'Académie des sciences par M. le docteur Herpin a amené M. Boussingault à faire connaître certains faits du même genre qu'il a eu l'occasion d'observer pendant son voyage en Amérique, et à confirmer ainsi les faits annoncés par ce médecin. Voici comment M. Boussingault fut conduit à constater ces effets.

Le savant voyageur explorait dans la Nouvelle-Grenade, au milieu des Cordillères, un gisement de soufre. Le 30 décembre 1826, il se trouvait pour la première fois près d'une soufrière qui existe dans la vallée de la Magdalena, près la petite ville d'Hagué, dans le Quindiu (Nouvelle-Grenade). Le gisement de soufre est situé dans une gorge profonde creusée dans un schiste. Près d'un torrent, s'élevait un hangar où se trouvaient tous les ustensiles nécessaires pour la fusion et la purification du soufre. Cette exploitation se faisait dans les nombreuses fissures de la roche: elle avait lieu à ciel ouvert, en raison de l'odeur d'acide sulfhydrique qui se dégageait de ces fissures. Quelquefois elle se faisait par galeries dont la longueur n'atteignait jamais plus de deux mètres, parce qu'une fois engagé dans ses travaux, le mineur était obligé de retenir sa respiration pour échapper à l'influence méphitique du

gaz. On voyait, dans les excavations faites à la surface du sol, des insectes, des serpents, des oiseaux qui avaient été tués par les vapeurs dégagées de la grotte.

Dans le but de recueillir le gaz qui remplissait cette cavité, M. Boussingault porta un tube gradué et un thermomètre dans une ancienne fouille de 1 m, 7 de profondeur. En descendant, et pendant le temps très-court qui fut employé à établir les instruments, l'expérimentateur ressentit une chaleur suffocante qu'il évalua à 40 degrés centigrades, et un picotement très-vif dans les yeux. Un jeune botaniste, mort il y a quelques années victime de son dévouement à la science, M. Goudot, qui accompagnait M. Boussingault dans cette expédition, était resté au bord de la crevasse; il remarqua que son visage était devenu fortement coloré, et qu'au moment de sa sortie il transpirait abondamment. Mais on crut pouvoir attribuer ce premier effet à la gêne de la respiration, et quant à la transpiration, elle paraissait la conséquence toute naturelle de la température du milieu dans lequel l'opérateur avait séjourné.

Après que les instruments eurent demeuré pendant une heure dans l'excavation, dit M. Boussingault, je redescendis pour les retirer. J'éprouvai précisément la même sensation pénible occasionnée par la chaleur, le même picotement dans les yeux; mais quelle ne fut pas ma surprise lorsque je reconnus que le thermomètre indiquait seulement 19o,5. Au même instant, sur un thermomètre exposé à l'air libre et à l'ombre, M. Goudot lisait 22o,2. Ainsi, l'atmosphère dans laquelle, d'après mes dernières sensations, j'avais éprouvé une chaleur accablante, était, en réalité, moins chaude que l'atmosphère extérieure.

Une analyse, faite sur place, a donné pour la composition du gaz que j'avais puisé dans l'excavation:

Acide carbonique...
Air atmosphérique.
Acide sulfhydrique..

95

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traces.

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A peu de distance du lieu où cette première observation avait été faite, je remarquai, continue M. Boussingault, une autre fouille dirigée sur une fissure d'où sortait du gaz acide carbonique. Dans l'espèce de tranchée pratiquée par les azufreros, il y avait beaucoup de soufre déposé sur la roche, et sur des feuilles sèches des débris de branches que le vent avait poussées en cet endroit. Lorsqu'on plongeait le bras dans cette cavité, on ressentait une chaleur de 40 degrés. Cependant, au fond de la tranchée, la température ne dépassait pas 18o,2, tandis qu'à l'air libre et à l'ombre, un thermomètre indiquait 23o,3.

A 30 ou 40 mètres plus haut, sur un point où la roche n'a plus le brillant du graphite, elle est en couches verticales, et ses feuillets sont contournés autour de nombreux nodules de quartz blanc. La crevasse où j'étais parvenu est ouverte dans le plan de la stratification du schiste; elle avait alors 1 mètre de hauteur, 0,65 de largeur, et 2m,6 de profondeur. En pénétrant par cette étroite ouverture, j'eus la même sensation de chaleur, le même picotement dans les yeux que j'avais éprouvés dans la première excavation; l'effet était même plus prononcé lorsque l'on tenait seulement la partie inférieure du corps dans la crevasse; on s'imagine alors prendre un bain d'air chauffé à 45 ou 48 degrés. Mais je ne ressentis pas, et M. Goudot ne ressentit pas davantage cette sorte d'ardeur que M. Herpin compare à celle qui accompagne les désagréables commencements d'un sinapisme. Peut-être le bain n'avait-il pas été suffisamment prolongé; peut-être aussi, et c'est là le plus probable, que la vie des forêts et des Cordillères, que les habitudes que l'on contracte en résidant au milieu d'un monde très-intéressant sans doute, mais chez lequel le vêtement le plus indispensable est considéré comme un objet de luxe, font perdre à la peau une partie de sa sensibilité.

Le 26 mai 1826, nous dit enfin M. Boussingault, j'étais de nouveau à l'azufral. Dans deux des excavations que n'avaient pas bouleversées les travaux des mineurs, le thermomètre marqua 180,3 et 19°,4, la température de l'air étant de 20 degrés. Pour arriver à la soufrière, j'avais été obligé de traverser, non sans peine, le torrent de l'étroite vallée; les eaux, très-hautes en ce moment, étaient à 14 degrés, température relativement froide si on la rapporte à celle de la vallée de la Magdalena (27 à 28 degrés), que je venais de parcourir. En sortant du torrent, je m'empressai de me réchauffer en prenant

un bain froid de gaz acide carbonique ; j'en éprouvai l'effet le plus agréable.

En janvier 1830, je retournai à l'azufral du Quindiu pour en faire une étude toute spéciale au point de vue géologique. Après une heureuse tentative qui néanmoins exigea huit jours de pénibles efforts, j'eus le bonheur d'atteindre les neiges éternelles du pic de Tolina, et de constater que le volcan qu'elles recouvrent est encore en pleine activité.... Près du volcan, j'ai observé une production très-abondante de soufre que les azufreros se sont empressés d'exploiter, circonstance heureuse en ce qu'elle a mis les ouvriers à l'abri des inconvénients graves qui paraissent les assaillir lorsqu'ils travaillent dans une atmosphère de gaz acide carbonique. En effet, les azufreros du Quindiu m'ont assuré qu'ils finissent, pour la plupart, par éprouver un affaiblissement des organes de la vue, qui, chez quelques-uns, va jusqu'à la cécité. J'ai, en effet, rencontré plusieurs aveugles parmi les anciens mineurs de l'azufral de Quindiu.

Les faits constatés par M. Boussingault, pendant ce petit épisode de son voyage, confirment les résultats annoncés par M. le docteur Herpin d'après les médecins de l'Allemagne. Il est probable qu'avant peu nos établissements thermaux essayeront de mettre en pratique le nouvel agent thérapeutique en usage chez nos voisins, et que l'expérience clinique permettra de prononcer, parmi nous, sur l'efficacité de ce mode d'emploi de nos ressources minérales.

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Sur l'accouchement posthume. Explication de ce fait par l'état de mort apparente. Exemples d'accouchement pendant la mort apparente. Fait rapporté par Valère Maxime. La baronne -d'Armfeld. Cas observé par Rigaudeaux. — La maison mortuaire de Würtzbourg.

Les journaux ont raconté, au mois de février 1856, le fait relatif à une jeune femme du faubourg du Temple, morte des suites d'une fièvre typhoïde, et qui aurait ac

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