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circonstances malheureuses, une épidémie, par exemple, exigeaient une ventilation plus énergique et une augmentation du nombre des lits contenus dans les salles.

Le générateur de vapeur sert encore à chauffer l'eau nécessaire aux malades; il dessert le service des bains. ordinaires et des bains de vapeur, et fournit l'eau chaude qui alimente la buanderie de l'hôpital. Des dispositions particulières permettent d'augmenter l'humidité de l'air injecté quand il est trop sec par les grands froids, ou de le rafraîchir pendant les chaleurs de l'été. On peut, à volonté, ouvrir ou fermer les croisées, sans troubler la ventilation : la même quantité d'air pur entre toujours par la partie centrale de la salle.

Le chauffage, dans ce dernier système, se produit avec une régularité parfaite. On réunit ainsi l'avantage du chauffage à la vapeur, qui résulte de l'instantanéité de l'effet, à celui du chauffage à l'eau, où l'on met en réserve, dans les poêles, de 'grandes quantités de chaleur qui se dissipent lentement et à mesure des besoins.

Dans la suite de son mémoire, M. Grassi passe en revue les objections qui ont été faites à chacun de ces deux systèmes opposés que nous venons de décrire. C'est une étude expérimentale dans laquelle nous ne le suivrons pas, afin d'éviter de trop longs détails.

M. Grassi conclut que la ventilation produite par un agent mécanique doit être préférée toutes les fois que l'on peut utiliser, pour des chauffages divers, la vapeur qui sert à faire marcher le ventilateur.

Pour terminer cet exposé des nouveaux procédés de ventilation et de chauffage des lieux publics, nous parlerons d'un système vraiment remarquable par l'économie de ses résultats, et qui est dû à un médecin belge, M. le docteur Van Hecke, de Bruxelles. L'appareil construit d'après les plans de M. Van Hecke fonctionne, depuis plusieurs

années, dans quelques édifices publics de Bruxelles. L'administration des hôpitaux de Paris, en ayant été informée, a fait établir, par l'inventeur, un de ses appareils dans un des pavillons de soixante lits de l'hôpital Beaujon, où il a été soumis à diverses expériences.

Le système de M. Van Hecke a pour base la ventilation mécanique, moyen dont la supériorité est à nos yeux définitivement jugée. C'est donc là un point de départ dont la valeur absolue nous semble acquise. Mais il présente encore une supériorité marquée, au point de vue de l'économie, sur les moyens mécaniques de ventilation qui sont employés par MM. Thomas et Laurens. On peut dire qu'avec ce système, la dépense est réduite à la plus faible proportion possible. Voici, d'ailleurs, l'ensemble des dispositions qui le composent.

M. le docteur Van Hecke se sert de calorifères à air chaud comme moyen de chauffage. Il les combine avec un système de ventilation mécanique, dans lequel l'air est mis en mouvement par un ventilateur particulier de son invention, mû par une petite machine à vapeur. La vapeur qui a servi à faire marcher la machine est employée au chauffage de l'eau nécessaire aux besoins des malades.

Le principe de cet appareil est bon, et ses effets pouvaient être prévus d'avance. Aussi, les expériences qui ont été faites par ordre de l'administration des hospices ontelles fait constater, dans la cheminée d'évacution, un débit de 60 mètres cubes d'air par heure et par malade. Ce résultat est surtout remarquable par la force très-minime qui le produit, car la machine n'emploie, dans ces circonstances, qu'un quart de cheval-vapeur, et ne brûle pas une quantité de combustible plus grande que celle que consommaient les fourneaux de cuisine qui existaient avant son établissement.

L'appareil de M. Van Hecke est muni d'un dynamomètre dont le cadran, visible à tous les étages de l'hôpital, indique

à tout moment l'état de la ventilation, et permet ainsi une vérification instantanée de ses résultats. Un compteur spécial permet de déterminer le volume d'air qui a été extrait par la machine pendant plusieurs mois consécutifs, et cela au moyen de deux observations seulement.

Une des différences de ce dernier système avec celui que MM. Thomas et Laurens ont établi à l'hôpital Lariboisière réside en ceci : le ventilateur de MM. Thomas et Laurens pousse l'air dans la salle, tandis que celui de M. Van Hecke, placé au haut de l'édifice, l'aspire par la partie supérieure. Cette dernière disposition n'est pas bonne, selon nous. Elle présente, en effet, une partie des inconvénients que nous avons reprochés, avec M. Grassi, à la ventilation par appel. Mais rien ne serait plus facile que de les éviter. Il suffirait de placer le ventilateur de M. Van Hecke au bas de l'édifice, à l'origine du conduit qui apporte l'air, au lieu de le laisser installé, comme il l'est en ce moment, au sommet de l'hôpital.

M. Van Hecke, qui avait d'ailleurs prévu ces inconvénients, se placera très-aisément dans les conditions que nous venons d'indiquer. Il sera très-intéressant, alors, d'étudier les effets produits par son appareil dans sa nouvelle situation.

Disons, pour terminer, que l'administration de la guerre, qui fait construire en ce moment, à Vincennes, un hôpital de quatre cents lits, et qui s'occupe avec un zèle éclairé du bien-être de ses malades, a récemment ouvert un concours auquel ont pris part les principaux inventeurs des systèmes de chauffage et de ventilation. Comme les appareils de ces divers constructeurs fonctionnent tous aujourd'hui dans un des hôpitaux de Paris, ils seront jugés d'après leurs œuvres, et leur invention pourra être étudiée sur place par l'observation et l'expérience directes. Le résultat du concours ouvert par le ministre de la guerre

pourra donc fixer l'état actuel de la science sur l'importante question d'hygiène publique que nous venons d'exa

miner.

Accidents que développe chez les ouvriers en caoutchouc l'inhalation du sulfure de carbone.

L'industrie du caoutchouc a été longtemps à la recherche d'un dissolvant qui permît de traiter manufacturièrement cette substance. L'huile empyreumatique obtenue par la distillation du caoutchouc lui-même fut le premier liquide que l'on reconnut propre à cet usage; mais elle était d'un emploi dispendieux, puisqu'il fallait, pour l'obtenir, sacrifier une grande quantité de caoutchouc, c'est-à-dire de la matière même qu'il s'agissait de traiter. L'essence de térébenthine, la benzine-Colas, furent ensuite employées avec quelques avantages; mais on a reconnu plus tard que le sulfure de carbone, c'est-à-dire la combinaison chimique qui résulte de l'union du soufre et du charbon, est un dissolvant parfait du caoutchouc. Le sulfure de carbone est donc entré largement et tout d'un coup dans l'industrie manufacturière du caoutchouc. Ce composé s'obtient au moyen de deux produits d'une bien faible valeur, le charbon et le soufre, et on le prépare sans la moindre difficulté, par la seule action de la chaleur sur le mélange de ces deux corps. Aussi peut-on le livrer à un prix trèsbas dans le commerce, et son introduction dans les manufactures de caoutchouc a-t-elle imprimé à cette branche de fabrication une impulsion considérable. Les emplois du caoutchouc en ont été très-multipliés, en même temps que le prix des objets confectionnés avec cette matière s'est abaissé sensiblement.

Mais si le sulfure de carbone offre de grands avantages pour l'usage industriel, il a l'inconvénient de provoquer

des accidents graves chez les ouvriers qui le manient, et qui sont forcés d'en respirer les vapeurs. L'étude des phé nomènes pathologiques que provoque chez les ouvriers l'inhalation, c'est-à-dire la respiration de l'air mêlé de vapeurs de sulfure de carbone, a été l'objet d'un mémoire intéressant lu à l'Académie de médecine, et qui vient d'être livré à l'impression 1. L'auteur de ce mémoire est M. A. Delpech, un des jeunes agrégés les plus distingués de la Faculté de médecine de Paris.

L'observation fortuitement faite sur les animaux avait déjà donné l'éveil sur les propriétés toxiques du sulfure de carbone. Dans les fabriques, sous les hangars où ce liquide se prépare en grandes masses, on avait déjà remarqué que les oiseaux nichés sous le toit tombaient souvent à terre dans un état d'insensibilité, ou du moins d'immobilité complète. Les chats, habitants de la fabrique, avaient paru aussi présenter quelques phénomènes pathologiques. Mais ce sont surtout les troubles graves, et de plus en plus alarmants, qui sont survenus chez les ouvriers des fabriques de caoutchouc, qui ont mis hors de doute les propriétés positivement vénéneuses du sulfure de carbone respiré à l'état de vapeurs.

Voici, d'après l'étude attentive et les observations publiées par M. Delpech, l'action qu'exerce le sulfure de carbone sur les ouvriers qui le respirent.

On observe d'abord chez l'ouvrier qui travaille le caoutchouc par l'intermédiaire de ce liquide, de légers troubles de la digestion, tels que la diminution de l'appétit, des nausées et des vomissements. A une période plus avancée, surviennent des désordres du système nerveux. M. Delpech a noté un affaiblissement des sens chez la plupart des travailleurs les uns, comme enveloppés d'un brouillard

1. Mémoire sur les accidents que développe chez les ouvriers en caoutchouc l'inhalation du sulfure de carbonne en vapeur, lu à l'Académie de médecine, par M. A. Delpech. Paris, 1856.

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