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débarrasser nos organes de la vapeur d'eau qui leur est inutile, sans agir pourtant sur eux d'une manière pénible par sa trop grande sécheresse.

Ainsi, deux à trois millièmes d'acide carbonique et sept grammes de vapeur d'eau, par mètre cube, sont les limites. que l'altération de l'air ne doit pas dépasser. Des expériences qui furent faites à l'ancienne chambre des députés ont prouvé que ces conditions sont remplies quand on établit une ventilation faisant passer vingt mètres cubes d'air par heure et par individu.

En fournissant à une réunion de personnes en santé vingt mètres cubes d'air par heure et par individu, on satisfait donc complétement à toutes les exigences d'une bonne hygiène. Mais, hélas! combien peu de lieux publics présentent ces conditions hygiéniques!

Considérez, par exemple, nos salles de spectacle, où pour augmenter encore les causes de viciation de l'air, des centaines de becs de gaz versent sans cesse des torrents d'acide carbonique et de vapeur d'eau qui s'ajoutent à ceux que produisent les spectateurs. Aussi, avec quel plaisir, quelle avidité même, est-on empressé d'aller, par intervalles, respirer, à pleins poumons, un peu d'air frais au dehors? La question de la ventilation des théâtres a préoccupé, nous le savons, plusieurs directeurs de nos grandes scènes, qui ont cherché à donner aux spectateurs ce bienêtre qui dispose à goûter plus complétement les jouissances de l'esprit. Cependant, chacun de nous a pu s'assurer que souvent le but était bien loin d'être atteint.

Examinez les ateliers de beaucoup d'industries, et vous en trouverez encore bon nombre où l'atmosphère lourde, mal renouvelée, est continuellement chargée de poussières de toute nature. Si vous consultez alors les statistiques de la mortalité, vous ne serez plus surpris de voir les hygiénistes réclamer hautement des réformes dans les dispositions des locaux industriels, et vous comprendrez de quelle

importance il serait que le gouvernement cherchât à améliorer les conditions dans lesquelles se trouve encore aujourd'hui trop souvent placée cette partie de la classe laborieuse.

Mais si, au lieu de considérer une réunion de personnes bien portantes, nous cherchons ce qu'il faudrait faire pour une réunion de malades, pour une salle d'hôpital, où tant de malheureux viennent chercher la guérison de leurs maux, le problème se complique, les causes de viciation de l'air deviennent plus nombreuses et plus intenses. Au premier rang de ces causes d'altération, se placent, sans contredit, les émanations de matières animales.

Quel est le médecin, quel est l'élève, quel est le visiteur des hôpitaux, qui n'a pas été péniblement affecté par l'odeur qui s'exhale de certaines salles, quand on y entre le matin, ou seulement après quelques heures de clôture, et cela malgré les soins minutieux de propreté auxquels on a recours? C'est probablement à cette cause qu'il faut rapporter l'aggravation de certaines affections qui n'étaient que fort légères au moment de l'entrée du malade, comme aussi la longueur des convalescences, la facilité des rechutes, et le peu de réussite, dans les hôpitaux, de certaines opérations chirurgicales pour lesquelles on compte un nombre bien supérieur de succès dans la pratique civile. Les hôpitaux consacrés à l'enfance et aux femmes en couches sont certainement placés, sous ce rapport, dans les conditions les plus défavorables. Sur l'enfant, sur la nouvelle accouchée, ces aggravations d'un mal léger, à l'origine, se remarquent, dans nos hospices, avec une déplorable fréquence.

Les circonstances fâcheuses que nous venons d'énumérer ont frappé depuis longtemps les médecins et les administrateurs des hospices. On a cherché à les faire disparaître en appliquant à plusieurs établissements

un système de ventilation lié à celui du chauffage. L'hōpital Beaujon et l'hôpital Necker, à Paris, depuis plusieurs années déjà, ont été pourvus d'appareils de ce genre.

Il y a dans l'histoire de l'adoption générale des moyens de ventilation, une circonstance bien singulière et qui mérite d'être consignée ici. Ce qui a fait réaliser le premier emploi de la ventilation, ce qui en a fait, dans l'origine, prescrire l'usage, ce n'est pas l'humanité, c'est l'industrie. Ce n'est pas aux malades des hôpitaux que l'on a songé la première fois pour le renouvellement de l'atmosphère altérée, c'est.... aux vers à soie! L'observation démontra avec évidence l'utilité d'une ventilation active dans les magnaneries, et c'est là qu'elle reçut, au moins en France, sa première réalisation pratique.

La ventilation, employée d'abord dans les magnaneries, dans un but d'intérêt privé, fut réclamée bientôt par les assemblées délibérantes. Les premiers essais de ce genre que l'on ait faits en Angleterre, eurent pour théâtre la chambre des lords et celle des communes. En France, la ventilation fut appliquée, pour la première fois, au palais de l'ancienne chambre des pairs, et la nécessité de cette mesure hygiénique n'était que trop réelle. Quand on se plaçait dans la proximité d'un conduit par où se dégageait l'air qui venait de traverser la salle des séances de nos respectables législateurs, on sentait une odeur si méphitique, qu'il était impossible de la supporter plus de quelques secondes. La tige en cuivre d'un paratonnerre pássait dans le voisinage de cette partie du bâtiment : on était obligé de la renouveler chaque année en raison de sa prompte altération par le gaz hydrogène sulfuré contenu dans l'air balayé de la salle.

Après la chambre des pairs, c'est à la chambre des députés, ensuite au conseil d'Etat, que furent appliqués les appareils de ventilation.

Vinrent ensuite les théâtres.

Après les théâtres on s'occupa des prisonniers : dans les nouvelles prisons cellulaires, on s'empressa d'établir un système complet de ventilation.

Les hôpitaux ne vinrent qu'après les prisons! Ainsi, ce n'est qu'après avoir pourvu à la salubrité des condamnés que l'on s'est préoccupé de celle des malades. Cet ordre de succession est assez singulier pour qu'on le note en passant. Sans doute, les améliorations dont il s'agit étaient excellentes en principe, et dans les deux cas, mais il nous semble que, dans une question de philanthropie, les honnêtes gens malades auraient dû passer avant les coupables bien portants.

L'administration de l'assistance publique a fait construire, il y a quelques années, dans le clos Saint-Lazare, un hôpital magnifique, l'hôpital Lariboisière, où tous les soins et presque toutes les recherches du luxe ont été réunis, et que l'on pourrait, à bon droit, nommer le palais du pauvre. Elle a voulu mettre à profit les résultats les plus récents de la science, pour améliorer les conditions hygiéniques de ses malades. On a donc fait établir, à grands frais, dans cet hôpital, les deux systèmes de chau ́fage et de ventilation réputés jusqu'ici les meilleurs. Ces deux systèmes y fonctionnent aujourd'hui simultanément, et l'on peut les juger tous les deux par comparaison. L'étude comparative des effets produits devait donc fournir des données utiles pour se prononcer sur la valeur relative des procédés employés pour la ventilation, et pour résoudre cette grande question d'hygiène.

Cette étude a été faite par M. le docteur Grassi, alors pharmacien en chef de l'hôpital Lariboisière, aujourd'hui pharmacien de l'Hôtel-Dieu. Nous allons donner à nos lecteurs une idée des deux systèmes de chauffage et de ventilation établis à l'hôpital Laroiboisière, et passer en

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revue quelques-uns des faits renfermés dans le mémoire de M. Grassi.

Disons d'abord que l'hôpital Lariboisière contient six pavillons destinés à contenir chacun cent malades : trois pavillons pour les hommes, et trois pour les femmes.

L'un des systèmes de ventilation établi à Lariboisière a été imaginé et établi par M. Léon Duvoir, habile constructeur de ce genre d'appareils : il chauffe par la circulation d'eau chaude et ventile par appel d'air. Dans le second système, établi d'après les plans de MM. Thomas, Laurens et Grouvelle, la ventilation est produite par un agent mécanique, par une machine à vapeur. Quant au chauffage, il s'obtient au moyen de poêles pleins d'eau, chauffés par la vapeur qui sort des machines après avoir produit son action mécanique.

M. Léon Duvoir avait à chauffer et à ventiler, à l'hôpital Lariboisière, les trois pavillons occupés par les femmes il a établi un appareil distinct pour chaque pavillon.

Pour bien comprendre le principe sur lequel repose le système de chauffage de M. Léon Duvoir, représentonsnous une chaudière fermée, donnant issue, à sa partie supérieure, à un tube qui monte verticalement à une certaine hauteur, se recourbe horizontalement, marche dans cette direction, puis descend, après avoir parcouru un circuit plus ou moins long, et revient en définitive pénétrer dans la partie inférieure de la chaudière. Si la chaudière et le tube sont remplis d'eau à la même température, ce liquide restera en équilibre et en repos. Mais si l'on vient chauffer un point du circuit, la chaudière par exemple, à l'instant l'équilibre sera rompu : la couche d'eau chauffée, devenant plus légère, s'élèvera dans le tube vertical, et sera bientôt suivie par d'autres couches, qui s'élèveront à leur tour: elles seront, à leur départ, remplacées, dans la chaudière, par des couches d'eau froide venant du tube inférieur. Il se produira donc dans la masse liquide un mouvement

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