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pour communiquer rapidement au loin. Elle est mobile et peut s'improviser partout. Elle peut se pratiquer dans presque tous les lieux, dans les alternatives de jour et de nuit; la nuit lui est même très-favorable, par suite du silence qu'elle étend sur la terre. Ainsi, ni la diversité de lieux, ni les vicissitudes, ni les changements subits du temps, n'arrêtent son essor. Ajoutons que les instruments de la téléphonie, à part le canon, sont très-portatifs; ils servent en outre à d'autres usages, condition d'une haute importance dans la pratique : c'est le clairon, c'est-à-dire un instrument qui est, pour un autre objet, entre les mains du soldat, qui constitue son agent essentiel. Ainsi, la téléphonie l'emporte sur la télégraphie dans toutes les situations où l'on n'a ni le temps de choisir les lieux, ni l'alternative du choix.

A la mer, la téléphonie présenterait peu de supériorité sur les signaux visuels; mais on sait, d'un autre côté, que les signaux maritimes ne peuvent être employés que dans la transmission d'ordres prévus et arrêtés d'avance. La téléphonie suppléerait à cette insuffisance, car elle permet d'exprimer toute sorte d'idées, de transmettre tous les ordres possibles. En même temps, elle peut ajouter beaucoup à la puissance des signaux de nuit, et rendre praticables jusqu'aux signaux de brume.

Nous pensons, d'ailleurs, avec M. Lissajous, qui a exprimé cette idée dans son rapport à la Société d'encouragement, que la téléphonie peut trouver son application, non-seulement à la guerre, mais même dans l'industrie, en particulier pour le service des chemins de fer, où l'emploi d'un mode de communication simple et rapide présenterait un grand nombre d'avantages.

Aux doutes qui sont exprimés dans la dernière partie de la notice que l'on vient de lire, M. Sudre a répondu par

une lettre qui a été insérée dans la Presse le 8 septembre 1856, et qu'il nous paraît utile de reproduire ici comme le complément explicatif ou l'éclaircissement de ce qui précède. Voici donc la lettre de l'honorable inventeur :

Au Secrétaire de la rédaction.

<< Monsieur,

« Je lis dans le feuilleton de votre estimable journal un article très-détaillé sur la téléphonie ou télégraphie musicale, dont je suis l'inventeur. Le savant critique paraît être surpris, avec juste raison, que ce système de correspondance, tant de fois expérimenté, tant de fois approuvé par différentes commissions, ne soit pas encore en pratique dans toute l'armée! M. Louis Figuier serait peut-être bien plus étonné s'il savait que trois ministres de la guerre, y compris M. le maréchal de Saint-Arnaud, ont donné leur complète approbation aux rapports faits par les généraux qui n'ont cessé de signaler cette méthode au gouvernement comme une invention utile et avantageuse à l'art militaire.

« Les expériences les plus concluantes et les plus décisives sont celles qui furent faites en 1850, du Champ de Mars à Rueil, à l'aide de trois sons seulement : sol, ut, sol; et si j'en crois le récit d'un grand nombre d'officiers et soldats-clairons revenant de l'armée d'Orient, un usage absolument semblable aurait été fait dans un but utile, afin d'éviter à nos travailleurs d'être surpris par les sorties nocturnes que faisaient les Russes. (Voir, à ce sujet, la Presse du 28 février 1855.)

<< Mais voici qui est plus explicite; j'écris ce qui suit sous la dictée d'un capitaine d'état-major :

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« A mesure, dit-il, que nos travaux se rapprochaient de « Sébastopol, les Russes faisaient de temps en temps des sor<< ties nocturnes, pour attaquer nos travailleurs; il en est « résulté du retard dans l'exécution de nos travaux. Alors un grand nombre d'officiers pensèrent qu'il était urgent d'éta<< blir des lignes de clairons, afin de prévenir, d'un bout à « l'autre des tranchées, que l'ennemi attaquait sur tel ou tel « point. Une fois ces lignes établies, les clairons de chaque « compagnie répétaient les signaux convenus, et l'armée de « réserve, située à un endroit qu'on appelait le Clocheton,

« était prévenue de se tenir prête à marcher, par un poste << intermédiaire, du Clocheton à la première parallèle. Après << un signal donné, on faisait entendre quelques notes isolées << pour indiquer si l'on s'adressait à la droite, à la gauche ou << au centre; et, chose remarquable, ajoute cet officier, c'est «que, pendant la fusillade et même la canonnade, le son du << clairon dominait entièrement. >>

« Cette correspondance téléphonique, semblable en tout point à celle qui fut pratiquée en 1850, du Champ de Mars à Rueil, au moyen de plusieurs postes de clairons, rendit un très-grand service, puisque nos travailleurs ne furent plus inquiétés.

« Qu'avaient dit, au surplus, les trois commissions de généraux qui avaient examiné sérieusement la téléphonie? Ils avaient dit «< qu'ils pensaient qu'il était facile d'employer avec << avantage la téléphonie pour faire correspondre les troupes << d'une même armée qui occuperait divers points d'une posi<tion stable et étendue, etc., etc. » Ce cas était absolument la situation de notre armée devant Sébastopol.

« Je me bornerai donc aujourd'hui à constater que la téléphonie a toujours obtenu l'approbation des hommes d'art, de science et de guerre, et que le retard qu'on a apporté jusqu'à présent à en faire une application générale ne doit être attribué à aucun argument sérieux, ni à aucune raison valable pour repousser son emploi: craintes qui, du reste, disparaissent entièrement en présence de la volonté si bien exprimée par trois ministres de la guerre dont j'ai conservé les lettres, et qui tous ont adopté ce moyen de communication. Et, pour ne citer qu'un fait assez rapproché, il me suffira de dire qu'au mois de mars 1853, M. le maréchal de Saint-Arnaud, ayant appris que la Russie m'offraft de m'acheter mon système, me fit écrire « qu'il trouvait bonnes les décisions des diverses << commissions qui avaient examiné et approuvé cette méthode « et qu'il les acceptait. »

« Au surplus, à part les doutes qu'a manifestés M. Louis Figuier sur la bonté de ma méthode, je me plais à reconnaître que le savant critique n'a dit que l'exacte vérité.

« J'ose croire que ce ne sera pas inutilement que j'ai désiré, en tout temps, conserver à mon pays le fruit de mes tra

vaux.

« Veuillez agréer, etc.

F. SUDRE. D

Le télégraphe solaire.

Un employé de l'administration des télégraphes, M. Leseurre, a imaginé un nouveau moyen de correspondance télégraphique qui repose sur la réflexion des rayons solaires, projetant à des distances très-considérables des éclairs lumineux. La répétition de ces éclairs, leur longueur ou leur brièveté, forment un alphabet particulier, qui sert à composer une écriture de convention. Le télégraphe solaire est destiné à établir une correspondance rapide dans les pays où l'installation de la télégraphie électrique présenterait des difficultés; il s'appliquera spécialement avec de grands avantages en Afrique, pour le service de notre armée. Les expériences auxquelles ce nouveau système de télégraphie a été soumis en présence du ministre de la guerre, M. le maréchal Vaillant, ont donné d'excellents résultats.

Comment concevoir que deux observateurs puissent correspondre entre eux par l'envoi réciproque d'éclairs dus à la réflexion des rayons solaires?

Un faisceau de lumière solaire, réfléchi par un miroir dans une direction déterminée, se transmet, en rase campagne, à une si prodigieuse distance, que toute la difficulté ne peut consister qu'à composer un appareil susceptible de recevoir commodément les éclairs lumineux et pouvant fonctionner pendant toute la durée du jour. Un tel appareil doit pouvoir réfléchir un faisceau lumineux dans une direction quelconque, et l'y maintenir malgré le déplacement du soleil. Il faut ensuite que les éclairs, alternativement provoqués et éteints, constituent des signaux auxquels un sens soit attaché.

Pour obtenir la fixité du faisceau réfléchi, M. Leseurre emploie deux miroirs : l'un est mobile, et suit les mouvements du soleil; l'autre est fixe. Exposé au soleil, le miroir mobile est incliné sur un axe parallèle à l'axe du monde, et tourne autour de cet axe d'un mouvement uniforme et exactement égal au mouvement de rotation de la terre sur elle-même; il produit donc l'effet de l'instrument de physique qui a reçu le nom d'héliostat, c'est-à-dire qu'il maintient immobile et dans la même direction le faisceau lumineux, quelle que soit l'inclinaison du soleil sur l'horizon. Le miroir fixe reçoit le faisceau lumineux réfléchi par ce miroir mobile, et il l'envoie dans la direction d'une lunette et d'un écran, qui sont disposés pour le recevoir à la station opposée.

Pour produire un signal lumineux sur l'écran placé à l'une des stations, on imprime au miroir réflecteur un léger mouvement, au moyen d'une simple pression de la main, qui fait agir un petit ressort d'acier. Par ce léger déplacement produit par la main sur le miroir réflecteur, et selon la rapidité de ce déplacement, la station opposée peut recevoir sur son écran des éclairs brefs ou prolongés.

On a donné à ces éclairs, brefs ou prolongés, la même signification que les lignes et les points reçoivent dans le vocabulaire du télégraphe électrique de Morse. On sait que le vocabulaire du télégraphe Morse, aujourd'hui adopté dans toute l'Europe, se compose simplement de lignes et de points; il a été décidé que les éclairs brefs, dans le télégraphe solaire, représenteraient les points, et que les éclairs prolongés représenteraient les lignes avec ces lignes et ces points, on compose un alphabet et une écriture, qui suffisent parfaitement à tous les besoins de la correspondance.

Il reste à dire comment, avec le télégraphe solaire, deux

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