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particuliers, et que les propriétaires voudront plus tard faire arroser par les eaux du canal d'alimentation exécuté aux frais de la Compagnie, payeront une redevance de.... par feddan cultivé 1, ou une redevance fixée amiablement entre le gouvernement égyptien et la Compagnie.

Art. 9. Il est enfin accordé à la Compagnie concessionnaire la faculté d'extraire des mines et carrières appartenant au domaine public, sans payer de droits, tous les matériaux nécessaires aux travaux du canal et aux constructions qui en dépendront, de même qu'elle jouira de la libre entrée de toutes les machines et matériaux qu'elle fera venir de l'étranger pour l'exploitation de sa concession.

Art. 10. A l'expiration de la concession, le gouvernement égyptien sera substitué à la Compagnie, jouira sans réserve de tous ses droits et entrera en pleine possession du canal des deux mers et de tous les établissements qui en dépendront. Un arrangement amiable ou par arbitrage déterminera l'indemnité à allouer à la Compagnie pour l'abandon de son matériel et des objets mobiliers.

Art. 11. Les statuts de la Société nous seront ultérieurement soumis par le directeur de la Compagnie, et devront être revêtus de notre approbation. Les modifications qui pourraient être introduites plus tard devront préalablement recevoir notre sanction. Lesdits statuts mentionneront les noms des fondateurs, dont nous nous réservons d'approuver la liste. Cette liste comprendra les personnes dont les travaux, les études, les soins ou les capitaux auront antérieurement contribué à l'exécution de la grande entreprise du canal de Suez.

Art. 12. Nous promettons enfin notre bon et loyal concours et celui de tous les fonctionnaires de l'Égypte pour faciliter l'exécution et l'exploitation des présents pouvoirs.

Caire, le 30 novembre 1854.

Ce firman produisit en Europe une sensation immense. On salua avec transport l'annonce de l'exécution prochaine d'une œuvre que les intérêts du monde réclamaient depuis des siècles.

M. de Lesseps s'occupa aussitôt de faire soumettre à des études approfondies les divers projets qui pou

1. Le feddan égyptien correspond à peu près à un demi-hectare.

vaient être présentés pour le percement de l'isthme de Suez.

Comme nous l'avons dit plus haut, il fallait décider entre le trajet direct, c'est-à-dire la création d'un canal entièrement maritime, et qui devait recevoir les eaux des deux mers, de manière à former un bosphore artificiel, et le trajet indirect, dans lequel le Nil était employé comme moyen de communication intermédiaire. M. de Lesseps. s'adressa donc aux ingénieurs les plus savants et les plus autorisés de l'Europe. Il les invita à composer une commission, qui devait se transporter sur les lieux, y vérifier les propositions de MM. Linant-bey et Mougelbey, et décider souverainement entre les deux tracés opposés.

M. de Lesseps fit appel à toutes les nations qui passaient pour les plus éclairées dans ce genre de travaux. L'Angleterre fournit MM. Rendel et Mac-Clean, ingénieurs illustres, et M. Ch. Manby, secrétaire de la Société des ingénieurs civils de Londres; sans compter le capitaine Harry-Hewet, mort depuis. L'Autriche fournit M. de Negrelli, conseiller de cour au ministère du commerce et inspecteur général des chemins de fer; le Piémont, M. Paleocapa, ministre des travaux publics à Turin; la Hollande, M. Conrad, ingénieur en chef du Water-Staat; la Prusse, M. Lentze, directeur des travaux de la Vistule; l'Espagne, don Cypriano Segundo Montesino, directeur général des travaux publics à Madrid; la France, MM. Renaud, inspecteur général et membre du conseil général des ponts et chaussées, et Lieusson, ingénieur-hydrographe de la marine. Une commission ainsi composée réunissait toutes les conditions exigées d'honorabilité et de haute compétence.

Le 30 et le 31 octobre 1855, cette commission se réunit à Paris. M. Rendel y était représenté par son fils et M. Pole, et outre les personnages nommés plus haut, MM. Linant

bey et Mougel-bey y assistaient, avec M. de Lesseps, vénérable M. Jomard et M. Barthélemy Saint-Hilaire.

le

Il fut résolu dans ces deux séances que la Commission partirait pour l'Égypte le 8 novembre; ou se donna rendez-vous à Marseille sur le paquebot français.

Le 8 novembre 1855, la Commission internationale prenait la mer; elle arriva à Alexandrie, et elle se mit à l'œuvre dès le débarquement. C'est alors que commença, sur tout le projet projeté, le travail décisif de l'étude des lieux, des mesures géodésiques, des sondages, des nivellements, des observations barométriques, de l'exploration des plages, de l'étude géologique du sol, etc.

Mais quelques détails sur les travaux auxquels s'est livrée la Commission pendant son séjour en Egypte ne paraîtront pas ici sans intérêt.

Dès son arrivée à Alexandrie, la Commission, qui avait choisi pour président M. Conrad, et pour secrétaire M. Lieusson, examina, pendant trois jours, la rade et les environs de cette ville. Le 23, elle était reçue au barrage du Nil, par le vice-roi Mohammed-Saïd, qui ne cessa de la combler des marques de sa munificence, pour bien témoigner au monde de la haute importance qu'il attachait à ses travaux.

La Commission dut se transporter d'abord dans la haute Egypte, pour étudier, sur le cours même du Nil, diverses questions qui se rattachaient soit au régime du futur canal de Suez, soit à des travaux hydrauliques que médite le vice-roi pour l'irrigation de l'Egypte. Elle était de retour de cette excursion le 12 décembre; et le 15, elle partait du Caire pour Suez, où elle arrivait dans la matinée du 16.

La Commission consacra cinq jours à l'examen de la rade de Suez elle y étudia le régime des eaux, des vents, des marées et des courants. Elle trouva cette rade excellente, et, d'après les sondages qu'elle y fit exécuter,

elle put reconnaître que les jetées pour le débouché du canal devraient avoir, tout au plus, 16 000 mètres de long.

Le 21 décembre, la Commission internationale commençait son exploration de l'isthme; cette exploration exigea dix jours pour les 30 lieues qui s'étendent de Suez à Péluse. On y vérifia tous les forages qui avaient été ordonnés et exécutés depuis près d'un an, et l'on reconnut toute la constitution géologique de l'isthme sur le tracé du canal maritime. Ces forages, y compris ceux des deux rades dans la mer Rouge et la Méditerranée, étaient au nombre de 19.

Pendant les deux premiers jours de marche dans le désert, la Commission suivit le lit de l'antique canal des pharaons, dont les berges subsistent encore en certains endroits, jusqu'à 25 pieds de haut, et dont la largeur est parfois de 40 à 50 mètres. Le 23, elle était au lieu nommé Scheik-Ennedek, sur les bords du lac Timsah. Se dirigeant alors à l'ouest par l'Ouadée-Toumilat, elle examinait la vallée où doit passer le canal d'eau douce qui se rendra du Caire au lac Timsah, et qui de là se bifurquera sur Péluse et sur Suez. Elle retrouvait dans l'Ouadée-Toumilat les vestiges du canal de Nécos; et le 25 décembre, elle campait sur les ruines de la ville que la Bible appelle Rhamsès, et que les Grecs nommaient Heroopolis. Le 28 décembre, la Commission atteignait Péluse et les bords de la Méditerranée.

L'examen de l'isthme avait prouvé qu'il n'y aurait aucune difficulté sérieuse à y creuser le futur canal. Le sol, qui est partout excellent, est aussi partout à peu près complétement uni. Les instruments de nivellement y révèlent pourtant, à de grands intervalles, des ondulations qui échapperaient à l'oeil nu. Tantôt le sol s'abaisse audessous du niveau des deux mers, tantôt il s'élève un peu au-dessus. Le point culminant est à El-Guiss, au seuil du

Sérapéum; et là, sur une étendue très-limitée d'ailleurs, les déblais pourront avoir 14 ou 15 mètres. Un tel travail n'est rien pour l'art de l'ingénieur, et comme le sous-sol est en général assez compacte, les levées et les berges seront parfaitement solides sous la seule inclinaison naturelle des terres. Les prétendus sables mobiles, dont on se faisait une si redoutable idée, n'existent pas, ou, s'ils existent, leur action est tellement faible, que les futurs travaux n'ont rien à en redouter.

Une question qui avait vivement préoccupé avant l'examen des lieux par la Commission internationale, c'était l'établissement d'un port sur la Méditerranée. On avait élevé de sérieuses critiques contre le projet de creuser un port sur la côte de Péluse. L'examen des localités révéla bientôt un fait capital, une véritable bonne fortune que la nature semble avoir préparée tout exprès pour la réalisation de cette admirable entreprise. C'est l'existence, vers le milieu de l'isthme, d'une immense excavation connue sous le nom de lac Timsah, et qui servira de port intérieur aux navires engagés dans le canal maritime.

Dans le bassin du lac Timsah, qui communique déjà naturellement par l'Ouadée-Toumilat avec le Nil, on pourra en effet créer un port intérieur aussi vaste qu'on le voudra, puisqu'il a presque l'étendue de la rade de Toulon. Ce port servira de point de ravitaillement aux navires, et, de plus, il reliera le grand canal maritime au reste de l'Égypte, au Caire, au Delta, à Alexandrie.

Le 28 décembre, la Commission explorait la rade de Péluse en tous sens, et elle y demeurait jusqu'au 31. Ce jour-là, elle y montait à bord de la frégate égyptienne le Nil, pour rentrer dans le port d'Alexandrie le 1er janvier 1856.

L'étude de la rade de Péluse a fait voir qu'elle offrait presque autant de facilités que celle de Suez. M. Labrousse,

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