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Le langage des fleurs va plus loin le caractère de leurs parfums et de leurs couleurs, plus solide qu'aimable dans celles-ci, plus délicat que constant dans celles-là, moins beau que méritant dans quelques autres, semble vouloir nous initier dans les mystères du monde moral en nous révélant tantôt la solide amitié des âmes vertueuses, tantôt l'égoïsme des beautés vaniteuses et superficielles. Aussi les passions humaines ont-elles toujours eu de fidèles interprètes dans ces différents caractères des fleurs. Amour, gaieté, respect, confiance, protection, mélancolie, douleur, aversion, tout est peint en émouvantes couleurs ou en parfums : si les plantes ne parlent pas, si elles n'articulent pas des mots, l'harmonie qui règne entre leurs racines et leur tige, entre leurs branches et leurs feuilles, entre leurs fleurs et leurs fruits, est un véritable concert qui chante la toute-puissance du Créateur: c'est une hymne sacrée qui exalte sa gloire.

Ce langage des fleurs émerveillait tellement un célèbre naturaliste, qu'il est allé jusqu'à dire qu'une fleur le charmait plus qu'une étoile, et le plus petit jardin plus que le firmament. Pour nous, nous pouvons affirmer que souvent nos regards se sont reposés plus délicieusement sur la luxuriante parure d'une prairie, pendant le mois de juin, que sur les tours d'une grande ville : souvent le paysage des vallons que nous traversions

nous intéressait plus que les habitants du pays que nous allions voir.

VII

De même que l'on distingue dans l'ensemble d'une nombreuse symphonie chaque instrument particulier dont les sons divers forment entre eux un concert parfait; ainsi l'on peut distinguer dans la collection des fleurs tantôt l'amour des unes pour la solitude ou leur attrait pour la vie de société, tantôt la délicatesse ou l'éclat majestueux des autres, le charmant feuillage de celles-ci, les fruits encore plus beaux de celles-là, et mêlant ainsi la beauté sans parfum des unes au mérite communicatif d'autres moins apparentes, il se fait dans notre esprit une fusion de toutes ces voix réciproques dont la raison sait tirer des accords de sentiments qui ont fait battre plus d'un cœur et qui ont arraché des larmes à des yeux moins habitués à pleurer que les

nôtres.

Tous les jours nous voyons des fleurs sans odeur, mais qui, réunies à la Rose ou au Réséda, finissent par en prendre le parfum et semblent compléter leur alliance en fraternisant aussi harmonieusement. Trouveriezvous un emblème plus parfait d'une bonne et hono

rable société que dans cette variété de nuances, de parfums, de port gracieux et de coupes élégantes que l'on remarque dans un seul vase de fleurs disposées avec intelligence? Quelle bouche habituée à la parole pourrait nous dire plus éloquemment que, dans le monde, il n'y a qu'à gagner en bonne compagnie?

Puisque la nature met ainsi les fleurs en rapport de langage et de sentiment avec les principaux épisodes de l'existence humaine, il est tout naturel qu'elles ne soient pas restées étrangères aux cérémonies religieuses en effet, les fleurs sont l'ornement indispensable de nos fètes et la parure de nos autels. Elles figurent à notre baptême et à notre mariage comme expression symbolique de la joie du présent et du bonheur qu'on nous souhaite dans l'avenir. Les fleurs entrent à propos de tout dans nos églises; elles se mêlent aux joies de l'enfance, aux espérances de l'âge mûr et même aux regrets qu'emporte la mort; ce sont elles qui parlent encore le plus éloquemment dans nos cimetières :

Là soupire à genoux la pieuse douleur,

Chaque tombe a sa croix, chaque croix a sa fleur.

Dans nos campagnes ces fleurs, dont la religion charge nos autels, sont les députées et les interprètes des mains vierges qui les ont cueillies. Ce que ces

bonnes filles de village ne peuvent pas ou ne savent pas dire, les fleurs y suppléent, et par une pieuse rivalité de zèle et d'amour, les unes semblent dire aux autres à l'honneur de Marie :

Aux fleurs que le printemps sème sur son passage,
Joignons les fleurs de nos vertus ;

Ce sont là les présents qu'elle attend de notre âge,
Et les fleurs qu'elle aime le plus.

Aussi, en hiver surtout, quand nous voyons nos temples embellis par quelques fleurs naturelles échappées à la rigueur de la saison, nous aimons à voir en elles d'autres fleurs vivantes qui sont autant d'heureuses exceptions préservées du mal par la protection de la Sainte Vierge. A la vue de ces fleurs d'hiver, vrais prodiges de la prudence chrétienne, nous nous sentons disposés à admirer les prodiges de la grâce, et, à défaut des parfums que la nature refuse aux fleurs à cette époque, nous croyons entendre les cœurs vertueux qui les imprègnent du parfum de leur foi, s'écrier avec reconnaissance :

Bourgeons naissants, arbres touffus,
Fruits des vallons, rose fleurie,

Après le saint nom de Jésus,

Bénissez le nom de Marie.

CHAPITRE II

VIE ANIMALE OU INSTINCTIVE DES FLEURS.

Que tout ce qui vit glorifie le Seigneur! (PSALM.)

Quoique l'antiquité païenne fût bien bornée dans lès sciences divines, cependant elle était tellement per-suadée qu'une sagesse supérieure présidait à tous les ordres du règne végétal que Platon, et avec lui d'autres célèbres penseurs, voyant les plantes s'élever jusqu'à la prudence humaine, n'ont pas craint de leur donner le nom d'animaux enracinés. Considérant que sans avoir étudié ni la dialectique, ni la géométrie, ni la mécanique, les plantes faisaient tout à point nommé, et que sans prendre conseil d'ailleurs que du cours des astres elles obéissaient avec une régularité plus sûre que toutes nos conjectures scientifiques, ils leur attribuèrent un certain esprit de sagesse et une espèce d'intelligence qu'ils appelèrent instinct. Émerveillés de l'art et surtout de la vie qui est dans les fleurs, et n'osant pour

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