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pensé que ce fût lui. Après sa mort, saint Paul est venu apprendre aux hommes que toutes ces choses étoient arrivées en figures; que le royaume de Dieu n'étoit pas dans la chair, mais dans l'esprit; que les ennemis des hommes n'étoient pas les Babyloniens, mais leurs passions; que Dieu ne se plaisoit pas aux temples faits de la main des hommes, mais dans un cœur pur et humilié; que la circoncision du corps étoit inutile, mais qu'il falloit celle du cœur, etc.

IV.

Dieu n'ayant pas voulu découvrir ces choses à ce peuple qui en étoit indigne, et ayant voulu néanmoins les prédire, afin qu'elles fussent crues, en avoit prédit le temps clairement, et les avoit même quelquefois exprimées clairement, mais ordinairement en figures; afin que ceux qui aimoient les choses' figurantes, s'y arrêtassent, et que ceux qui aimoient les 2 figurées, les y vissent. C'est ce qui a fait qu'au temps du Messie les peuples se sont partagés : les spirituels l'ont reçu, et les charnels, qui l'ont rejeté, sont demeurés pour lui servir de témoins.

V.

Les Juifs charnels n'entendoient ni la grandeur,

1 C'est-à-dire, les choses charnelles qui servoient de figures.

2 C'est-à-dire, les vérités spirituelles figurées par les choses charnelles.

ni l'abaissement du Messie prédit dans leurs prophéties. Ils l'ont méconnu dans sa grandeur, comme quand il est dit que le Messie sera seigneur de David, quoique son fils; qu'il est avant Abraham, et qu'il 1 l'a vu. Ils ne le croyoient pas si grand, qu'il fût de toute éternité. Et ils l'ont méconnu de même dans son abaissement et dans sa mort. Le Messie, disoient-ils, demeure éternellement, et celui-ci dit qu'il mourra. Ils ne le croyoient donc ni mortel, ni éternel : ils ne cherchoient en lui qu'une grandeur charnelle.

Ils ont tant aimé les choses figurantes, et les ont si uniquement attendues, qu'ils ont méconnu la réalité, quand elle est venue dans le temps et en la manière prédite.

VI.

Ceux qui ont peine à croire, en cherchent un sujet en ce que les Juifs ne croient pas. Si cela étoit si clair, dit-on, pourquoi ne croyoient-ils pas? Mais c'est leur refus même qui est le fondement de notre croyance. Nous y serions bien moins disposés, s'ils étoient des nôtres. Nous aurions alors un bien plus ample prétexte d'incrédulité et de défiance. Cela est admirable, de voir des Juifs grands amateurs des choses prédites, et grands ennemis de l'accomplissement, et que cette aversion même ait été prédite?

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il y

Il falloit que, pour donner foi au Messie, eût des prophéties précédentes, et qu'elles fussent portées par des gens non suspects, et d'une diligence, d'une fidélité et d'un zèle extraordinaire, et connu de toute la terre.

Pour faire réussir tout cela, Dieu a choisi ce peuple charnel, auquel il a mis en dépôt les prophéties qui prédisent le Messie comme libérateur et dispensateur des biens charnels que ce peuple aimoit; et ainsi il a eu une ardeur extraordinaire pour ses prophètes, et a porté à la vue de tout le monde ces livres où le Messie est prédit : assurant toutes les nations qu'il devoit venir, et en la manière prédite dans leurs livres, qu'ils tenoient ouverts à tout le monde. Mais étant déçus par l'avénement ignominieux et pauvre du Messie, ils ont été ses plus grands ennemis. De sorte que voilà le peuple du monde le moins suspect de nous favo

riser, qui fait pour nous; et qui, par le zèle qu'il

a pour sa loi et pour ses prophètes, porte et conserve avec une exactitude incorruptible, et sa condamnation, et nos preuves.

VIII.

Ceux qui ont rejeté et crucifié Jésus-CHRIST, qui leur a été en scandale, sont ceux qui portent les livres qui témoignent de lui, et qui disent qu'il sera rejeté et en scandale. Ainsi ils ont marqué que c'étoit lui en le refusant; et il a été également

prouvé, et par les Juifs justes qui l'ont reçu, et par les injustes qui l'ont rejeté : l'un et l'autre ayant été prédits.

C'est pour cela que les prophéties ont un sens caché, le spirituel, dont ce peuple étoit ennemi, sous le charnel qu'il aimoit. Si le sens spirituel eût été découvert, ils n'étoient pas capables de l'aimer; et ne pouvant le porter, ils n'eussent pas eu de zèle pour la conservation de leurs livres et de leurs cérémonies. Et s'ils avoient aimé ces promesses spirituelles, et qu'ils les eussent conservées incorrompues jusqu'au Messie, leur témoignage n'eût pas eu de force, puisqu'ils en eussent été amis. Voilà pourquoi il étoit bon que le sens spirituel fût couvert. Mais, d'un autre côté, si ce sens eût été tellement caché, qu'il n'eût pont du tout paru, il n'eût pu servir de preuve au Messie. Qu'at-il donc été fait? Ce sens a été couvert sous le temporel dans la foule des passages, et a été découvert clairement en quelques-uns outre que le temps et l'état du monde ont été prédits si clairement, que le soleil n'est pas plus clair. Et ce sens spirituel est si clairement expliqué en quelques endroits, qu'il falloit un aveuglement pareil à celui que la chair jette dans l'esprit quand il lui est assujetti, pour ne pas le reconnoitre.

:

Voilà donc quelle a été la conduite de Dieu. Ce sens spirituel est couvert d'un autre en une infinité d'endroits, et découvert en quelques-uns, rarement, à la vérité, mais en telle sorte néanmoins, que les lieux où il est caché sont équivo

ques et peuvent convenir aux deux : au lieu que les lieux où il est découvert sont univoques, et ne peuvent convenir qu'au sens spirituel.

De sorte que cela ne pouvoit induire en erreur, et qu'il n'y avoit qu'un peuple aussi charnel que celui-là qui pût s'y méprendre.

Car quand les biens sont promis en abondance, qui les empêchoit d'entendre les véritables biens, sinon leur cupidité, qui déterminoit ce sens aux biens de la terre? Mais ceux qui n'avoient des biens qu'en Dien les rapportoient uniquement à Dieu. Car il y a deux principes qui partagent les volontés des hommes, la cupidité et la charité. Ce n'est pas que la cupidité ne puisse demeurer avec la foi, et que la charité ne subsiste avec les biens de la terre. Mais la cupidité use de Dieu et jouit' du monde; et la charité, au contraire, use du monde et jouit de Dieu.

Or la dernière fin est ce qui donne le nom aux choses. Tout ce qui nous empêche d'y arriver est appelé ennemi. Ainsi les créatures, quoique bonnes, sont ennemies des justes, quand elles les détournent de Dieu; et Dieu même est l'ennemi de ceux dont il trouble la convoitise.

Ainsi le mot d'ennemi dépendant de la dernière' fin, les justes entendoient par-là leurs passions, et les charnels entendoient par-là les Babyloniens: de sorte que ces termes n'étoient obscurs que pour les injustes. Et c'est ce que dit Isaïe: Signa legem in discipulis meis (Is. 8, 1'5); et que JESUS-CHRIST sera pierre de scandale. (Ibid, 8, 14.) Mais bien

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