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ples croire sans raisonnement. Dieu leur donne l'amour de sa justice et la haine d'eux-mêmes. Il incline leur cœur à croire. On ne croira jamais d'une croyance utile et de foi, si Dieu n'incline le cœur ; et on croira dès qu'il l'inclinera. Et c'est ce que David connoissoit bien, lorsqu'il disoit : Inclina cor meum, Deus, in testimonia tua. (Ps. 118, 36.)

VII

Ceux qui croient sans avoir examiné les preuves de la religion, croient parce qu'ils ont une disposition intérieure toute sainte, et que ce qu'ils entendent dire de notre religion y est conforme. Ils sentent qu'un 'Dieu les a faits. Ils ne veulent aimer que lui. Ils ne veulent haïr qu'eux-mêmes. Ils sentent qu'ils n'en ont pas la force; qu'ils sont incapables d'aller à Dieu; et que, si Dieu ne vient à eux, ils ne peuvent avoir aucune communication avec lui. Et ils entendent dire dans notre religion qu'il ne faut aimer que Dieu, et ne haïr que soi-même mais qu'étant tous corrompus, et incapables de Dieu, Dieu s'est fait homme pour s'unir à nous. Il n'en faut pas davantage pour persuader des hommes qui ont cette disposition dans le cœur et cette connoissance de leur devoir et de leur incapacité.

VIII.

Ceux que nous voyons Chrétiens sans la connoissance des prophéties et des preuves ne laissent

pas d'en juger aussi bien que ceux qui ont cette connoissance. Ils en jugent par le cœur comme les autres en jugent par l'esprit. C'est Dieu lui-méme qui les incline à croire; et ainsi ils sont très efficacement persuadés.

J'avoue bien qu'un de ces Chrétiens qui croient sans preuves n'aura peut-être pas de quoi convaincre un infidèle qui en dira autant de soi. Mais ceux qui savent les preuves de la religion prouve ront sans difficulté que ce fidèle est véritablement inspiré de Dieu, quoiqu'il ne pût le prouver lui-même.

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ARTICLE VII.

Image d'un homme qui s'est lassé de chercher Dieu par le seul raisonnement, et qui commence à lire l'Écri

ture.

EN

1.

Ex voyant l'aveuglement et la misère de l'homme, et ces contrariétés étonnantes qui se découvrent dans sa nature; et regardant tout l'univers muet, et l'homme sans lumière, abandonné à lui-même, et comme égaré dans ce recoin de l'univers, sans savoir qui l'y a mis, ce qu'il est venu y faire, ce qu'il deviendra en mourant, j'entre en effroi comme un homme qu'on auroit portéendormi dans une isle 'déserte et effroyable, et qui s'éveilleroit sans connoître où il est, et sans avoir aucun moyen d'en sortir. Et sur cela j'admire comment on n'entre pas en désespoir d'un si misérable état. Je vois d'autres

personnes auprès de moi de semblable nature : je leur demande s'ils sont mieux instruits que moi, et ils me disent que non; et sur cela, ces misérables égarés, ayant regardé autour d'eux, et ayant vu quelques objets plaisants, s'y sont donnés et s'y sont attachés. Pour moi je n'ai pu m'y arrêter, ni me reposer dans la société de ces personnes semblables à moi, misérables comme moi, impuissantes comme moi. Je vois qu'ils ne m'aideroient pas à mourir je mourrai seul; il faut donc faire comme si j'étois seul : or, si j'étois seul, je ne bâtirois point des maisons, je ne m'embarrasserois point dans les occupations tumultuaires, je ne chercherois l'estime de personne; mais je tâcherois seulement de découvrir la vérité.

Ainsi, considérant combien il y a d'apparence qu'il y a autre chose que ce que je vois, j'ai recherché si ce Dieu, dont tout le monde parle, n'auroit pas laissé quelques marques de lui. Je regarde de toutes parts, et ne vois partout qu'obscurité. La nature ne m'offre rien qui ne soit matière de doute et d'inquiétude. Si je n'y voyois rien qui marquât une Divinité, je me déterminerois à n'en rien croire. Si je voyois partout les marques d'un Créateur, je reposerois en paix dans la foi. Mais, voyant trop pour nier, et trop peu pour m'assurer, je suis dans un état à plaindre, et où j'ai souhaité cent fois que, si un Dieu soutient la nature, elle le marquât sans équivoque; et que, si les marques qu'elle en donne sont trompeuses, elle les supprimât tout-à-fait ; qu'elle dit tout ou

rien, afin que je visse quel parti je dois suivre. Au lieu qu'en l'état où je suis, ignorant ce que je suis et ce que je dois faire, je ne connois ni ma condition, ni mon devoir. Mon cœur tend tout entier à connoître où est le vrai bien, pour le suivre. Rien ne me seroit trop cher pour cela.

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Je vois des multitudes de religions en plusieurs endroits du monde', et dans tous les temps. Mais elles n'ont, ni morale qui puisse me plaire, ni preuves capables de m'arrêter. Et ainsi j'aurois refusé également la religion de Mahomet, et celle de la Chine, et celle des anciens Romains, et celle des Egyptiens, par cette seule raison, que l'une n'ayant pas plus de marques de vérité que l'autre, ni rien qui détermine, la raison ne peut pencher plutôt vers l'une que vers l'autre.

Mais, en considérant ainsi cette inconstante et bizarre variété de mœurs et de croyance dans les divers temps, je trouve en une petite partie du monde un peuple particulier, séparé de tous les autres peuples de la terre, et dont les histoires précèdent de plusieurs siècles les plus anciennes que nous ayons. Je trouve donc ce peuple grand et nombreux, qui adore un seul Dieu, et qui se conduit par une loi qu'ils disent tenir de sa main. Ils soutiennent qu'ils sont les seuls du monde auxquels Dieu a révélé ses mystères; que tous les hommes sont corrompus et dans la disgrâce de Dieu; qu'ils sont tous abandonnés à leurs sens et à leur propre esprit; et que de là viennent les étranges égare ments et les changements continuels qui arrivent

entre eux, et de religion, et de coutume; au lieu qu'eux demeurent inébranlables dans leur conduite : mais que Dieu ne laissera pas éternellement les autres peuples dans ces ténèbres; qu'il viendra un libérateur pour tous; qu'ils sont au monde pour l'annoncer; qu'ils sont formés exprès pour être les hérauts de ce grand avénement, et pour appeler tous les peuples à s'unir à eux dans l'attente de ce libérateur.

La rencontre de ce peuple m'étonne, et me semble digne d'une extrême attention, par quantité de choses admirables et singulières qui y pa

roissent!

C'est un peuple tout composé de frères : et au lieu que tous les autres sont formés de l'assemblage d'une infinité de familles ; celui-ci, quoique si étrangement abondant, est tout sorti d'un seul homme; et étant ainsi une même chair et membres les uns des autres, ils composent une puissance extrême d'une seule famille. Cela est unique.

Ce peuple est le plus ancien qui soit dans la connoissance des hommes; ce qui me semble devoir lui attirer une vénération particulière, et principalement dans la recherche que nous faisons; puisque, si Dieu s'est de tout temps communiqué aux hommes, c'est à ceux-ci qu'il faut recourir pour en savoir la tradition.

Ce peuple n'est pas seulement considérable par son antiquité; mais il est encore singulier en sa durée, qui a toujours continué depuis son origine jusqu'à maintenant : car au lieu que les peuples de

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