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viroit pas au peuple. La seule religion chrétienne est proportionnée à tous, étant mêlée d'extérieur et d'intérieur. Elle élève le peuple à l'intérieur, et abaisse les superbes à l'extérieur; et n'est pas parfaite sans les deux. Car il faut que le peuple entende l'esprit de la lettre, et que les habiles soumettent leur esprit à la lettre, en pratiquant ce qu'il y a d'extérieur.

IV.

Nous sommes haïssables: la raison nous en convainc. Or nulle autre religion que la chrétienne ne propose de se haïr. Nulle autre religion ne peut donc être reçue de ceux qui savent qu'ils ne sont dignes que de haine. Nulle autre religion que la chrétienne n'a connu que l'homme est la plus excellente créature, et en même temps la plus misérable. Les uns, qui ont bien connu la réalité de son excellence, ont pris pour lâcheté et pour ingratitude les sentiments bas que les hommes ont naturellement d'eux-mêmes; et les autres, qui ont bien connu combien cette bassesse est effective, ont traité d'une superbe ridicule ces sentiments de grandeur, qui sont aussi naturels à l'homme. Nulle religion que la nôtre n'a enseigné que l'homme naît en péché. Nulle secte de philosophes ne l'a dit. Nulle n'a donc dit vrai.

V.

Dieų étant caché, toute religion qui ne dit pas que Dieu est caché n'est pas véritable; et toute

religion qui n'en rend pas la raison n'est pas instruisante. La nôtre fait tou: cela. Cette religion, qui consiste à croire que l'homme est tombé d'un état de gloire et de communication avec Dieu en un état de tristesse, de pénitence et d'éloignement de Dieu, mais qu'enfin il seroit rétabli par un Messie qui devoit venir, a toujours été sur la terre. Toutes choses ont passé, et celle-là a subsisté pour laquelle sont toutes choses. Car Dieu voulant se former un peuple saint, qu'il sépareroit de toutes les autres nations, qu'il délivreroit de ses ennemis, qu'il mettroit dans un lieu de repos, a promis de le faire, et de venir au monde pour cela; et il a prédit par ses prophètes le temps et la manière de sa venue. Et cependant, pour affermir l'espérance de ses élus dans tous les temps, il leur en a toujours fait voir des images et des figures; et il ne les a jamais laissés sans des assurances de sa puissance et de sa volonté pour leur salut. Car, dans la création de l'homme, Adam étoit le témoin et le dépositaire de la promesse du Sauveur, qui devoit naître de la femme. Et quoique les hommes, étant encore si proches de la création, ne pussent avoir oublié leur création et leur chute, et la promesse que Dieu leur avoit faite d'un Rédempteur, néanmoins, comme dans ce premier âge du monde ils se laissèrent emporter à toutes sortes de désordres, il y avoit cependant des saints, comme Énoch, Lamech, et d'autres, qui attendoient en patience le CHRIST promis dès le commencement du monde. Ensuite Dieu a en

voyé Noé, qui a vu la malice des hommes au plus haut degré; et il l'a sauvé en noyant toute la terre, par un miracle qui marquoit assez et le pouvoir qu'il avoit de sauver le monde, et la volonté qu'il avoit de le faire, et de faire naître de la femme celui qu'il avoit promis. Ce miracle suffisoit pour affermir l'espérance des hommes; et la mémoire en étant encore assez fraîche parmi eux, Dieu fit des promesses à Abraham, qui étoit tout environné d'idolâtres, et il lui fit connoître le mystère du Messie qu'il devoit envoyer. Au temps d'Isaac et de Jacob, l'abomination s'étoit répandue sur toute la terre mais ces saints vivoient en la foi; et Jacob mourant et bénissant ses enfants, s'écrie, par un transport qui lui fait interrompre son discours : J'attends, ô mon Dieu, le Sauveur que vous avez promis; Salutare tuum expectabo, Domine. (Genes. 49, 18.)

Les Egyptiens étoient infectés, 'et d'idolâtrie, et de magie; le peuple de Dieu même étoit entrainé par leurs exemples. Mais cependant Moise et d'autres voyoient celui qu'ils ne voyoient pas, et l'adoroient en regardant les biens éternels qu'il leur préparoit.

Les Grecs et les Latins ensuite ont fait régner les fausses divinités; les poëtes ont fait diverses théologies; les philosophes se sont séparés en mille sectes différentes et cependant il y avoit toujours au cœur de la Judée des hommes choisis qui prédisoient la venue de ce Messie, qui n'étoit connu que d'eux.

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Il est venu enfin en la consommation des temps: et depuis, quoiqu'on ait vu naître tant de schismes et d'hérésies, tant renverser d'Etats, tant de changements en toutes choses; cette Église, qui adore celui qui a toujours été adoré, a subsisté sans interruption. Et ce qui est admirable, incomparable et tout-à-fait divin, c'est que cette religion, qui a toujours duré, a toujours été combattue, Mille fois elle a été à la veille d'une destruction universelle; et toutes les fois qu'elle a été en cet état, Dieu l'a relevée par des coups extraor dinaires de sa puissance, C'est ce qui est étonnant, et qu'elle s'est maintenue sans fléchir et plier sous la volonté des tyrans.

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Les Etats périroient, si on ne faisoit plier souvent les lois à la nécessité. Mais jamais la religion n'a souffert cela, et n'en a usé. Aussi il faut ces accommodements, ou des miracles. Il n'est pas étrange qu'on se conserve en pliant, et ce n'est pas proprement se maintenir; et encore périssentils enfin entièrement : il n'y en a point qui ait duré quinze cents ans. Mais que cette religion se soit toujours maintenue et inflexible, cela est divin.

уп.

Il y auroit trop d'obscurité, si la vérité n'avoit pas des marques visibles. C'en est une admi

rable qu'elle se soit toujours conservée dans une Eglise et une assemblée visible. Il y auroit trop

de clarté s'il n'y avoit qu'un sentiment dans cette Eglise; mais, pour reconnoître quel est le vrai, il n'y a qu'à voir quel est celui qui y a toujours été car il est certain que le vrai y a toujours été, et qu'aucun faux n'y a toujours été. Ainsi le Messie a toujours été cru. La tradition d'Adam étoit encore nouvelle en Noé et ea Moïse. Les prophètes l'ont prédit depuis, en prédisant toujours d'autres choses dont les événements, qui arrivoient de temps en temps à la vue des hommes, marquoient la vérité de leur mission, et par conséquent celle de leurs promesses touchant le Messie. Ils ont tous dit que la loi qu'ils avoient n'étoit qu'en attendant celle du Messie; que jusque-là elle seroit perpétuelle, mais que l'autre dureroit éternellement; qu'ainsi leur loi, ou celle du Mes sie, dont elle étoit la promesse, seroient toujours sur la terre. En effet elle a toujours duré: et JésusCHRIST est venu dans toutes les circonstances prédites. Il a fait des miracles, et les apôtres aussi, qui ont converti les païens; et par-là les prophé ties étant accomplies, le Messie est prouvé pour jamais.

VIII.

Je vois plusieurs religions contraires, .et par conséquent toutes fausses, excepté une. Chacune veut être crue par sa propre autorité, et menace les incrédules. Je ne les crois donc pas là. dessus; chacun peut dire cela, chacun peut se dire prophète. Mais je vois la religion chrétienne

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