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ARTICLE XVIII.

Pensées sur la mort, qui ont été extraites d'une lettre écrite par Pascal, au sujet de la mort de son père.

QUA

I.

UAND nous sommes dans l'affliction à cause de la mort de quelque personne pour qui nous avons de l'affection, ou pour quelque autre malheur qui nous arrive, nous ne devons pas chercher de la consolation dans nous-mêmes, ni dans les hommes, ni dans tout ce qui est créé ; mais nous devons la chercher en Dieu seul. Et la raison en est, que toutes les créatures ne sont pas la première cause des accidents que nous appelons maux ; mais que la providence de Dieu en étant l'unique et véritable cause, l'arbitre et la souveraine, il est indubitable qu'il faut recourir directement à la source, et remonter jusques à l'origine pour trouver un solide allégement. Que si nous suivons ce précepte, et que nous considérions cette mort qui nous afflige, non pas comme un effet du hasard, ni comme une nécessité fatale de la nature, ni comme le jouet des éléments et des parties qui composent l'homme (car Dieu n'a pas abandonné ses élus au caprice du hasard), mais comme une suite indispensable, inévitable, juste et sainte, d'un arrêt de la providence de Dieu, pour être exécuté dans la plénitude de son temps; et enfin que tout ce qui est arrivé a été de tout temps présent

ar

et préordonné en Dieu : si, dis-je, par un transport de grâce, nous regardons cet accident, non dans lui-même, et hors de Dieu; mais hors de lui-même, et dans la volonté même de Dieu; dans la justice de son arrêt, dans l'ordre de sa providence, qui en est la véritable cause, sans qui il ne fût pas rivé, par qui seul il est arrivé, et de la manière dont il est arrivé; nous adorerons dans un humble silence la hauteur impénétrable de ses secrets; nous vénérerons la sainteté de ses arrêts, nous bénirons la conduite de sa providence ; et unissant notre volonté à celle de Dieu même, nous voudrons avec lui, en lui, et pour lui, la chose qu'il a voulue en nous et pour nous de toute éternité..

II.

Il n'y a de consolation qu'en la vérité seule. Il est sans doute que Socrate et Sénèque n'ont rien qui puisse nous persuader et consoler dans ces occasions. Ils ont été sous l'erreur qui a aveuglé tous les hommes dans le premier : ils ont tous pris la mort comme naturelle à l'homme; et tous les discours qu'ils ont fondés sur ce faux principe sont si vains et si peu solides, qu'ils ne servent qu'à montrer par leur inutilité combien l'homme en général est foible, puisque les plus hautes productions des plus grands d'entre les hommes sont si basses et si puériles.

Il n'en est pas de même de Jésus-CHRIST, il n'en est pas ainsi des livres canoniques : la vérité y est découverte, et la consolation y est jointe aussi in

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failliblement qu'elle est infailliblement séparée de l'erreur. Considérons donc la mort dans la vérité que le Saint-Esprit nous a apprise. Nous avons cet admirable avantage de connoître que véritablement et effectivement la mort est une peine du péché, imposée à l'homme pour expier son crime, nécessaire à l'homme pour le purger du péché, que c'est la seule qui peut délivrer l'âme de la concupiscence des membres, sans laquelle les saintsne vivent point en ce monde. Nous savons que la vie, et la vie des Chrétiens, est un sacrifice continuel qui ne peut être achevé que par la mort : nous savons que JÉSUS-CHRIST, entrant au monde, s'est considéré et s'est offert à Dieu comme un holocauste et une véritable victime; que sa naissance sa vie, sa mort, sa résurrection, son ascension, sa séance éternelle à la droite de son père, et sa présence dans l'Eucharistie, ne sont qu'un seul et unique sacrifice : nous savons que ce qui est arrivé en JÉSUS-CHRIST doit arriver en tous ses membres. Considérons donc la vie comme un sacrifice; et

que

des accidents de la vie ne fassent d'impression dans l'esprit des Chrétiens qu'à proportion qu'ils interrompent ou qu'ils accomplissent ce sacrifice. N'appelons mal que ce qui rend la victime de Dieu victimè du diable; mais appelons bien ce qui rend la victime du diable en Adam victime de Dieu; et, sur cette règle, examinons la nature de la mort.

Pour cela il faut recourir à la personne de JéSUS-CHRIST; car, comme Dieu ne considère les hommes que par le médiateur de JÉSUS-CHRIST,

les hommes aussi ne devroient regarder ni les autres, ni eux-mêmes, que médiatement par JésusCHRIST.

:

Si nous ne passons par ce milieu, nous ne trouverons en nous que de véritables malheurs, ou des plaisirs abominables mais si nous considérons toutes ces choses en JÉSUS-CHRIST, nous trouverons toute consolation, toute satisfaction, toute édification.

Considérons donc la mort en JÉSUS-CHRIST, et non pas sans JÉSUS-CHRIST. Sans JÉSUS-CHRIST elle est horrible, elle est détestable, et l'horreur de la nature. En JÉSUS-CHRIST elle est toute autre, elle est aimable, sainte, et la joie du fidèle. Tout est doux en JÉSUS-CHRIST jusqu'à la mort, et c'est pourquoi il a souffert et est mort pour sanctifier la mort et les souffrances et, comme Dieu et comme homme, il a été tout ce qu'il y a de grand et tout ce qu'il y a d'abject; afin de sanetifier en soi toutes choses, excepté le péché, et pour être le modèle de toutes les conditions.

Pour considérer ce que c'est que la mort, et la mort en JÉSUS-CHRIST, il faut voir quel rang elle tient dans son sacrifice continuel et sans interruption, et pour cela remarquer que, dans les sacrifices, la principale partie est la mort de l'hostie. L'oblation et la sanctification qui précèdent sont des dispositions; mais l'accomplissement est la mort, dans laquelle, par l'anéantisssement de la vie, la créature rend à Dieu tout l'hommage dont elle est capable, en s'anéantissant devant les yeux

de sa majesté, et en adorant sa souveraine existence, qui existe seul essentiellement. Il est vrai qu'il y a encore une autre partie après la mort de l'hostie, sans laquelle sa mort est inutile; c'est l'acceptation que Dieu fait du sacrifice. C'est ce qui est dit dans l'Ecriture: Et odoratus est Dominus odorem suavitatis ( Genes. 8, 21): Et Dieu a reçu l'odeur du sacrifice. C'est véritablement cellelà qui couronne l'oblation; mais elle est plutôt une action de Dieu vers la créature, que de la créature vers Dieu; et elle n'empêche pas que la dernière action de la créature ne soit la mort.

Toutes ces choses ont été accomplies en JésusCHRIST. En entrant au monde, il s'est offert : Obtulit semetipsum per Spiritum sanctum. (Hebr.9, 14.) Ingrediens mundum dixit : Hostiam et oblationem noluisti: corpus autem aptasti mihi. (Hebr. 10, 5, 7) Tunc dixi, Ecce venio. In capite libri scriptum est de me, ut facerem voluntatem tuam : Deus meus volui, et legem tuam in medio cordis mei. (Psalm. 39.) Il s'est offert lui-même par le Saint-Esprit. Entrant dans le monde, il a dit: Seigneur, les sacrifices ne vous sont point agréables; mais vous m'avez formé un corps. Alors j'ai dit: Me voici, je viens selon qu'il est écrit de moi dans le livre, pour faire, mon Dieu, votre volonte: c'est aussi, mon Dieu, ce que j'ai voulu, et votre loi est dans le milieu de mon cœur. Voilà son oblation. Sa sanctification a suivi immédiatement son oblation. Ce sacrifice a duré toute sa vie, et a été accompli par sa mort. Il a fallu qu'il ait passé par les souffrances pour entrer en sa gloire. (Luc, 24,

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