Le tems , d'une aile promte & d'un vol infengible;
Fuit & revient sans cesse à ce * Palais terrible ; Ec de-là sur la terre il verse à pleines mains , Et les biens , & les maux destinés aux humains. Sur un autel de fer un livre inexplicable , Concient de l'avenir l'histoire irrévocable. La main de l'Eternel y marqua nos désirs
Le Palais des Deftins, Tome II,
A
Ec nos chagrins cruels , & nos foibles plaisirs. On voit la Liberté , cette esclave si fiére , Par d'invisibles næuds en ces lieux prisonniere. Sous un joug inconnu que rien ne peut briser , Dieu fait l'assujercir sans la tyranniser ; A ses suprêmes loix d'autant mieux attachée, Que la chaîne à ses yeux pour jamais est cachée ; Qu'en obéissant même elle agit par son choix, Et fouvent aux Destins pense donner des loix.
Voltaire , Henri. ch. VIII
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SUIS-je libre en effet ? ou mon ame & mon corps Sont-ils d'un autre Agent les aveugles ressorts ? Enfin, ma volonté qui me meut , qui m'entraîne Dans le palais de l'ame est-elle Esclave ou Reine Obscurément plongé dans ce doute cruel, Mes yeux chargés de pleurs se tournoient vers le ciel, Lorsqu'un de ces esprits , que le souverain Etre , Plaça près de son trộne , & fic pour le connoître, Qui respirent dans lui , qui brulent de ses feux, Descendit jusqu'à moi de la voûte des cieux ; Car on voit quelquefois ces fils de la lumiére, Eclairer d'un inondain l’aine simple & grossiére ; Et fuir obstinément tout Docteur orgueilleux , Qui dans sa chaire assis pense être au deslus d'eux ; Et le cerveau troublé des vapeurs d'un système, Prend ses brouillards épais pour le jour du ciel même. Ecoute , me dit-il, prome à me consoler , Ce que tu peux entendre & qu'on peut révéler. J'ai pitié de ton trouble, & ton ame sincére, Puisqu'elle fait douter , mérite qu'on l'éclaire. Oui, l'homme sur la terre eft libre ainsi que moi ; C'est le plus beau présent de notre cominun Roi, La liberté qu'il donne à tout Etre qui pense, Fait des moindres esprits & la vie & l'essence. Qui conçoit , veut , agit, est libre en agillant,
C'est l'attribut divin de l'Etre Tout-puissant, Il en fait un partage à ses enfans qu'il aime. Nous sommes ses enfans , des ombres de lui-même. Il connut , il voulut , & l'univers naquit. Ainsi lorsque tu veux la matiére obéit. Souverain sur la terre & Roi par la pensée', Tu veux, & sous tes mains , la nature est forcée ; Tu commandes aux mers , au souffle des zéphirs A ta propre pensée , & même à tes défirs. Ah! fans la liberté que seroient donc nos ames ! Mobiles agités par d'invisibles flammes , Nos vaux, nos a&ions , nos plaisirs, nos dégoûts, De notre être en un mot rien ne seroit à nous. D'un Artisan suprême impuissantes machines , Automates penfans, mûs par des mains divines, Nous serions à jamais de mensonge occupés, Vils instrumens d’un Dieu qui nous auroit trompés. Comment sans liberté serions-nous ses images Que lui reviendroit-il de ses brutes ouvrages? On ne peut donc lui plaire , on ne peut l'offenser ; Il n'a rien à punir , rien à récompenser. Dans les cieux, sur la terre , il n'est plus de justice, Caton est sans vertu , Catilina sans vice. Le Destin nous entraîne à nos affreux penchans , Et ce cahos du monde est fait pour les méchans. L'opprefleur insolent , l'usurpateur avare , Cartouche , Miriwis, ou cel autre barbare , Plus coupable enfin qu'eux le calomniateur Dira : Je n'ai rien fait , Dieu seul en est l'auteur : Ce n'est pas moi, c'est lui qui manque à ma parole, Qui frappe par mes mains , pille, brule, viole; C'est ainti que le Dieu de justice & de paix Seroit l'Auteur du trouble & le Dieu des forfaits. Les tristes partisans de ce dogine effroyable, Diroient-ils rien de plus s'ils adoroient le diable.
Voltaire , Difc. Il, de la Liberté.
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POURQUOI si l'homme est libre a-t-il tant de foiblesse : Que lui sert le flambeau de sa vaine sagesse ? Il le suit , il s'égare , & toujours combattu , Il embrasse le crime en aimant la vertu. Pourquoi ce Roi du monde, & fi libre, & li fage ; Subit-il si souvent un si dur esclavage ? L'Esprit consolateur à ces mots répondit : Quelle douleur injuste accable con esprit ! La Liberté , dis-tu , c'est quelquefois ravie : Dieu te la devoit-il immuable , infinie , Egale en tout état , en tout tems , en tout lieu ! Tes destins sont d'un homme,& tes veux sont d'un Dieu, Quoi ! dans cet Océan, cet atome qui nage, Dira : L'immensité doit être mon partage. Non , tout est foible en toi, changeant & limité ; Ta force, ton esprit , tes talens , ta beauté. La nature , en tout sens , à des bornes prescrites , Er le pouvoir humain seroit seul sans limites ! Mais , dis-moi , quand con caur formé de passions Se rend malgré lui-même à leurs impreffions ; Qu'il sent dans ses combats sa liberté vaincue, Tu l'avois donc en toi puisque tu l'as perdue ? Une fiévre brulance attaquant tes ressorts , Vient à pas inégaux miner ton foible corps. Mais quoi par ce danger répandu sur ta vie • Ta santé pour jamais n'est point anéantie. On te voit revenir des portes de la mort Plus ferme , plus content , plus tempérant, plus fort. Connois mieux l'heureux don que ton chagrin reclame. La liberté dans l'homme est la santé de l'ame. On la perd quelquefois : la soif de la grandeur, La colère, l'orgueil, un amour suborncur , D'un désir curieux les trompeuses saillies ; Hélas ! combien le cour a-t-il de maladies ? Mais contre leur assaut tu seras raffermi į
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