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Sommaire: 13. BRAMBACH, Études sur la métrique de Sophocle. 14. MADVIG, Adversaria critica ad scriptores græcos et latinos.-15. DESCARTES, Euvres philosophiques, tr. p. De Kirchmann; Charpentier, Essai sur la Méthode de Descartes; MILLET, Descartes.

13. Metrische Studien zu Sophokles von Wilhelm BRAMBACH. Mit einer
Einleitung über die genetische Entwicklung der antiken Metrik und Rhythmik. Leipzig,
Teubner, 1870. In-8°, xl et 199 p. Prix :
S fr. 25.

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Les études sur la métrique des Grecs et des Latins ont pris un nouvel essor en Allemagne, depuis que MM. Rossbach et Westphal ont consacré à cette matière intéressante, mais obscure, un ouvrage considérable, dont les diverses parties, publiées d'abord à d'assez longs intervalles et abondant en doubles emplois et en disparates, ont été résumées d'une manière plus concise et plus homogène dans une seconde édition (1867-68). Cet ouvrage a mis en lumière un certain nombre de points qu'on peut regarder comme définitivement acquis à la science; sur d'autres points on y trouve des vues, des théories, trèscontestables. M. Brambach est de l'école de Rossbach et de Westphal il adopte leurs principes, il croit, comme eux, que c'est chose facile, mais vaine, d'imaginer d'après nos idées modernes un système de métrique plus ou moins applicable aux vers grecs et latins; comme eux, il pense que nous n'avons qu'à nous conformer à la tradition antique. Cette tâche, simple en apparence, est extrêmement difficile. Nous n'avons que des fragments de cette tradition, les uns plus purs, mais courts et généraux; les autres, plus détaillés, mais altérés, défigurés par les compilateurs et les faiseurs de manuels. La terminologie des anciens n'est pas facile à comprendre: on n'y est parvenu que peu à peu, après plusieurs tentatives malheureuses, et tout n'est pas encore éclairci. Les anciens disent les choses tout autrement que nous. Nous divisons tous les morceaux de musique d'après un système abstrait et uniforme, d'une extrême simplicité : chaque mesure commence par le frappé; et les subdivisions des mesures restent toujours les mêmes, soit que les notes s'y prêtent naturellement, soit qu'il faille couper en deux la durée d'une note. Les anciens prenaient pour point de départ de leurs divisions la phrase musicale, ce qui faisait que chez eux les mesures commençaient tantôt par un frappé, tantôt par un levé. Les subdivisions des mesures variaient aussi suivant l'arrangement des valeurs concrètes dont elles se composent, c'est-à-dire, dans la musique vocale, suivant l'arrangement des syllabes longues et brèves aucune de ces syllabes, de ces valeurs, n'était scindée par celui qui battait la mesure. De là une complication fort embarrassante et qui contraste singulièrement avec la simplicité de nos mesures abstraites; à côté des pieds (c'est-à-dire des mesures) simples ou homogènes, on rencontre une foule de

pieds composés, c'est-à-dire formés d'éléments hétérogènes, auxquels on ne comprend rien, tant qu'on ne possède pas à fond la grammaire de la langue musicale des anciens et qu'on n'a pas réussi à traduire leurs expressions dans la langue, qui nous est familière, des musiciens modernes. On a fait de notables progrès dans cette voie; quand on aura élucidé tout le système des métriciens grecs, quand on aura rendu intelligible toute leur terminologie, sans se payer de mots, mais en allant au fond des choses, et en ne se contentant que de notions claires et précises, la science de la versification antique sera établie.

Quand on se trouve en face d'un texte lyrique, le problème qui se pose, c'est de diviser les strophes en périodes (comme Bockh l'a fait pour Pindare), et de subdiviser ces périodes en membres métriques, cola (tels qu'on les voit indiqués avec plus ou moins de succès dans la plupart des éditions). C'est ce que M. Thurot a parfaitement exposé dans cette Revue même, 1869, p. 380 suiv. Il faut dire que la valeur de ces divisions et de ces subdivisions ne pouvait bien frapper l'oreille et devenir vraiment sensible que lorsque le morceau était chanté. En effet le colon n'est autre chose qu'un membre de phrase vocal; la réunion de deux ou de plusieurs de ces membres forme la période musicale. Dans la re section de son livre M. Brambach a insisté avec raison sur ce point et sur l'illusion que se font ceux qui prétendent, au moyen d'une récitation cadencée, reproduire l'effet d'une strophe de Sophocle ou d'Eschyle. Cependant si l'on avait la division des périodes et des cola, si on pouvait déterminer la durée réelle de chaque syllabe, et la distribution des levés et des frappés dans chaque mesure, on aurait le dessin d'une strophe, dessin sans couleur, il est vrai, mais ce serait toujours quelque chose, c'est même tout ce que nous pouvons espérer d'atteindre. M. B. estime que pour ce problême en quelque sorte pratique, comme pour la théorie générale des mètres, il faut en revenir à la tradition antique. Il prend donc les lignes du meilleur manuscrit de Sophocle, le Laurentianus, sinon pour règle, du moins pour point de départ de la division des cola. Les copistes ont, dit-il, reproduit en général la division antique, établie par les grammairiens d'Alexandrie; ils ont commis, sans doute, des fautes de détail; mais ces fautes ne sont guère plus nombreuses que celles qui se sont glissées dans les mots du texte, et il est possible de les classer, comme ces dernières, sous certains chefs et d'en indiquer les causes les plus ordinaires. M. B. veut donc qu'on respecte cette tradition autant que possible et qu'on ne s'en écarte qu'à bon escient. Voilà des principes très-sages, et que M. B. nous semble avoir appliqués en plusieurs cas avec beaucoup de discernement. On comprend toutefois que les modifications qu'il introduit dans les lignes traditionnelles, quelque discrètes qu'elles soient, dépendent de ses vues sur la métrique, de sa manière de rendre compte des vers lyriques. Examinons donc quelques-unes des vues théoriques de M. Brambach.

Les mètres qui dominent dans les choeurs de Sophocle appartiennent à un genre qu'on désigne aujourd'hui, en étendant quelque peu le sens d'un terme ancien, par le nom de logaédique. Aussi M. B. s'occupe-t-il tout particulièrement des logaèdes. Pour simplifier, prenons pour représentant de ce genre de

mètre le vers glyconique. Exemple: Dianae sumus in fide. Dans le vers glyconique, ainsi que dans ses congénères, l'iambe initial peut alterner, non-seulement avec le spondée (ce qui s'explique par l'emploi si répandu dans la poésie antique de la longue irrationnelle), mais aussi avec le trochée, pied d'un mouvement opposé à l'iambe. Exemple: Magna progenies Jovis. G. Hermann considérait ce pied variable comme une espèce de prélude, et l'appelait la base. Ce nom était commode, parce qu'il indiquait l'identité d'une licence qui se retrouve dans une foule de mètres; mais il n'aidait pas à faire comprendre la nature de cette licence: c'était un nom, rien de plus. M. Westphal y a reconnu cette espèce de mouvement à contre-temps que les musiciens modernes appellent une syncope. M. B. adopte cette vue, et il fait bien. Quant à l'ensemble du glyconique, il prend pour point de départ et pour forme normale la forme : Magna progenies Jovis, et il croit que le deuxième pied est un dactyle ayant la valeur d'un trochée, c'est-à-dire, si on identifie la brève avec la croche, une durée de trois, et non de quatre croches. Le vers tout entier équivaut donc à quatre trochées dont le dernier, étant catalectique, se complète par un silence d'une croche. Dans les périodes de glyconiques liés, comme :

Quis deus magis est ama | tis petendus amantibus?
λύπας ἐγγυτέρω τὰ τέρ | ποντα δ' οὐκ ἂν ἴδοις ὅπου.

(Catulle, LXI, 46; Ed. à Col. 1216), la longue finale du premier membre (ma, tép) prend une durée de trois croches. Ici encore M. B. s'accorde avec Westphal et avec la plupart des métriciens récents; mais, fidèle à ses principes généraux, il s'efforce d'appuyer cette doctrine moderne sur une autorité ancienne, et il la trouve dans un passage d'Aristide Quintilien (p. 39 Meibom) où il est question d'une espèce de dochmiaque composée d'un iambe, d'un dactyle et d'un péon. Mais est-il bien sûr qu'il s'agisse dans ce passage controversé du mètre glyconique? On peut en douter avec d'autant plus de raison que le même auteur donne un peu plus haut (p. 37 suiv.) la division d'une série de mesures de douze temps dans lesquelles on reconnaît avec la dernière évidence et le glyconique et les mètres auxquels le glyconique est le plus souvent associé dans les strophes des poètes grecs. Là les éléments du glyconique sont indiqués de la manière suivante : un iambe, un trochée, un iambe, un iambe; et tous les rhythmes analogues sont de même décomposés en iambes et trochées. Ce qu'Aristide indique d'une manière générale se trouve appliqué à des exemples particuliers dans beaucoup de vieilles scholies métriques et confirmé par Héphestion. Ceux qui prétendent rompre une bonne fois avec l'arbitraire qui a présidé jusqu'ici aux doctrines métriques et qui n'ont d'autre ambition que de restaurer la doctrine des anciens, ne sauraient donc éluder, sans démentir leurs propres principes, cet important passage d'Aristide. Cependant M. B. ne s'en préoccupe pas autrement. M. Westphal, qui accepte et regarde comme précieuses les autres données fournies par la même section de l'ouvrage d'Aristide, lui refuse toute créance sur ce point, et pense qu'il dissèque ici les mètres d'après une division purement théorique et mauvaise. Mais on n'a qu'à lire un endroit du second livre d'Aristide (p. 78 suiv.) pour se convaincre que cette division du glyconique ne repose pas sur une vue théorique, mais qu'elle est conforme à la

manière dont les anciens battaient la mesure. Aristide y peint l'effet que produit sur l'auditeur l'exécution des rhythmes composés de pieds divers, et en particulier de ceux où il entre des iambes et des trochées. Il serait trop long d'entrer ici dans le détail de ces deux passages d'Aristide Quintilien je les ai expliqués ailleurs (Neue Jahrbücher für Philologie, 1862, p. 346 suiv., et 1865, p. 650 suiv.), et j'ai demandé de quel droit nos métriciens modernes les négligeaient. Je suis plus affirmatif aujourd'hui : je crois qu'il faut tout simplement adopter un témoignage confirmé par tous les métriciens anciens de quelque autorité, et que la seule chose qui nous reste à faire, c'est de traduire les expressions antiques dans le langage des musiciens modernes. Disons que les glyconiques sont des mesures à douze-huit, qui admettent au commencement de chaque membre de phrase vocal une syncope facultative et plus loin une syncope régulière.

12

τὸν ἀργῆτα

Κολωνόν ἔνθ', ά

λίγεια

μινύρεται

م

verre cirer perccirer

On voit qu'il y a trois syncopes dans ces deux mesures : nous avons mis un point sous les notes qui ont une moitié de leur valeur dans un temps et l'autre moitié dans le temps suivant. Mais les anciens, nous l'avons dit, ne scindaient pas ainsi les valeurs concrètes: aussi trouvaient-ils ici un assemblage de pieds contraires (avtalet), iambes et trochées, et ils battaient la mesure de manière à faire sentir la marche à contre-temps: système compliqué et qui dérouterait singulièrement un chanteur moderne. La rhythmique est fort développée chez les anciens, et on peut voir dans Aristide Quintilien combien ils étaient sensibles aux effets de rhythme: il ne faut donc pas s'étonner que les syncopes aient été multipliées dans leurs compositions musicales. Les Grecs appelaient ces syncopes ὑπερθέσεις ou bien, dans les mètres ioniques et anacréontiques, ἀνακλάσεις. Μ. Β. reconnaît (p. 41) la fréquence des syncopes chez les anciens et, s'il n'avait pas été sous l'empire de certaines idées préconçues, rien ne l'aurait empêché, ce me semble, de mesurer les glyconiques et les mètres analogues d'après la tradition antique.

Conformément à cette tradition nous conservons à toutes les syllabes du mètre glyconique leur valeur naturelle : nous n'y admettons pas de dactyle équivalant à un trochée, ni de longue finale de trois temps. Ce n'est pas que nous contestions l'emploi de ces dactyles irrationnels et de ces longues prolongées dans la musique des anciens: les uns et les autres existaient certainement, mais ils avaient leur place ailleurs. Conformément à la même tradition nous regardons comme la forme primaire du glyconique celle qui commence par un iambe, et nous considérons ce mètre, ainsi que plusieurs mètres analogues, comme une transformation, au moyen de syncopes, de la tétrapodie iambique. On peut en quelque sorte toucher la chose du doigt dans un morceau d'Anacréon (fr. 21 Bergk), dont voici une strophe :

Νήπλυτον εἵλυμα κακῆς | ἀσπίδος, ἀρτοπώλισιν
καθελοπόρνοισιν ὁμι | λῶν ὁ πονηρὸς Ἀρτέμων
κίβδηλον εὑρίσκων βίον.

Cette strophe renferme cinq membres, cola. Le premier et le troisième sont

composés de deux choriambes, le deuxième et le quatrième sont ce que nos métriciens récents appellent premiers glyconiques, le cinquième est un dimètre iambique. Dans les autres strophes les mêmes éléments se suivent dans un ordre différent, quelquefois les iambes dominent, et le dernier membre, qui est toujours iambique, marque, si je ne m'abuse, le caractère général de la strophe. On ne voit pas ici, il est vrai, de glyconique proprement dit; mais on voit plusieurs des mètres qu'Aristide rapproche du glyconique, et qui dans d'autres strophes se combinent et alternent avec lui.

Après ce qui précède il est inutile d'insister sur une singularité introduite par M. B. dans la théorie des glyconiques. Des douze temps de ce mètre, lesquels semblent se décomposer naturellement en six et six, trois forment, suivant lui, le levé, et neuf, le frappé. M. B. a imaginé cette bizarrerie, parce qu'il range le glyconique parmi les dochmiaques, et que le propre des rhythmes dochmiaques est de se diviser en parties dont les proportions diffèrent des proportions usitées dans la musique grecque celles de l'égalité (à deux temps), du double (à trois temps) et du sesquialtère (à cinq temps). Mais il ne faut pas oublier une chose : les dochmiaques ne se divisent pas en levé et frappé ; ils se divisent en pieds (mesures) ayant chacun son levé et son frappé. M. B. le sait si bien qu'il essaye de ramener le dochmiaque proprement dit à une mesure tout à fait régulière, la mesure à trois temps. Pour cette autre espèce de mètre qu'il identifie avec le glyconique, le nom de dochmiaque s'explique donc suffisamment par la division en pieds hétérogènes; et d'après les principes même de l'auteur la singularité que je relève était, ce semble, gratuite.

Je n'examinerai pas en détail les vues de M. B. sur la nature du dochmiaque proprement dit. Elles sont ingénieuses et valent certainement les hypothèses que d'autres ont avancées au sujet de ce rhythme fort obscur pour nous. Bornonsnous à deux observations. M. B. professe un grand respect pour la tradition : je crains cependant qu'il ne l'élude en donnant au dochmiaque neuf temps au lieu de huit. M. B. traite ce rhythme différemment, suivant qu'il trouve un dochmiaque isolé ou qu'il en trouve deux ou trois réunis ensemble: je suis étonné de cette inégalité.

En somme le livre de M. B. est bien fait. L'auteur prend son point de départ dans la double tradition des rhythmiciens antiques et des meilleurs manuscrits; il procède avec méthode et sagesse, et il expose clairement les résultats de ses recherches. S'il est vrai toutefois, comme nous le croyons, que malgré ces principes excellents et ces qualités incontestables, l'auteur a commis quelques erreurs fondamentales, il faudra dire que son système repose sur une base trompeuse et que son livre a besoin d'être complétement modifié.

14.

Henri WEIL.

Io. NIC. MADVIGII, professoris Hauniensis, adversaria critica ad scriptores graecos et latinos. Vol. I. De arte coniecturali. Emendationes graecae. Hauniae, Gyldendal, 1871. In-8°, iv et 741 p.

M. Madvig publie les observations critiques sur les auteurs grecs et latins, que lui a suggérées une étude de quarante ans. Ce premier volume contient les

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