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très-ingénieuse d'une prohibition athénienne qui cause quelque surprise, la défense d'exporter des figues. D'après lui, les historiens ont confondu l'arbre producteur et l'objet produit. De même que les Hollandais ont interdit l'exportation des muscadiers, des poivriers, des girofliers, tout en permettant celle des épices, de même Solon avait défendu l'exportation des figuiers, et autorisé celle des figues. - Malheureusement toute notre sagesse, toutes nos habiletés d'interprétation ne peuvent pas prévaloir contre les témoignages formels des anciens: Plutarque dit très-nettement que, de tous les produits du sol, l'huile seule pouvait être transportée à l'étranger : τῶν δὲ γινομένων διάθεσιν πρὸς ξένους ἐλαίου μόνον čowxev 8 Σ6λwv (Solon, 24); le poète comique Alexis et Philomneste parlent des figues, tà cuxa, et non pas des figuiers; et, s'il pouvait y avoir encore quelque incertitude, elle disparaîtrait devant le témoignage d'Ister qui déclare que la prohibition porte sur les figues sèches : οὐδ ̓ ἐξάγεσθαι τῆς Ἀττικῆς τὰς ἀπ' αὐτῶν (Ἀττικῶν) γινομένας ἰσχάδας (Athénée, III, Sect. 6, C. 74). Si, nonobstant ces défenses, les figues de l'Attique étaient servies sur la table des rois de Perse, c'est que, indépendamment des contraventions qui échappaient à toute pénalité, les infractions révélées par les délateurs furent si nombreuses que le titre de sycophante devint une expression générique par laquelle on désigna tous les délateurs.

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3o Voici la troisième grande découverte de M. Du Mesnil-Marigny : «< dans » l'Attique, les unités de mesure qui servaient à apprécier les longueurs, les >> poids, les capacités, ainsi que les monnaies, dérivaient toutes d'une longueur primitive et d'un cube d'eau distillée ayant cette longueur pour côté, système » métrologique dont cependant bien des personnes font honneur au génie de la » France » (I, p. 10). Ainsi, l'amphore, mesure de capacité, était un cube ayant un pied sur chaque côté; le talent, mesure de pesanteur, représentait le poids d'un cube d'eau de pluie ayant les dimensions de l'amphore; enfin, le talent d'argent, mesure de valeur, était une quantité d'argent pesant exactement un talent. Toutes nos mesures dérivent du mètre; toutes les mesures athéniennes dérivaient du pied.

Puisque le pied attique formait la base de tout le système, il est très-important de connaître avec certitude sa longueur. Jusqu'ici tous les métrologistes ont enseigné que le pied grec et le pied italique différaient l'un de l'autre et que leurs longueurs étaient entre-elles dans le rapport de 25 à 24. Il y a, il est vrai, quelques divergences dans les évaluations métriques. Stuart donne au pied grec om.3083; Leroy, om. 3048; M. Vasquez-Queipo, om. 3086; M. Aurès, 0.307. Mais, comme l'écart ne dépasse pas quatre millimètres, il n'a pas une trèsgrande importance, tout le monde étant d'accord sur le principe. M. Du Mesnil-Marigny rompt l'harmonie en affirmant que le pied romain et le pied attique ne différaient en aucune façon et qu'ils équivalaient tous les deux à 0.2971.

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Le principal argument de tous les métrologistes se trouve dans les cent pieds ('Exaτópлecos) du Parthénon. Seulement, les uns les mesurent sur le gradin supérieur du stylobate (Stuart); d'autres sur le développement de la frise. (Leroy); d'autres sur la base des colonnes angulaires de dehors en dehors

(Aurès). M. Du Mesnil-Marigny les cherche dans la longueur de l'area du naos, qui seul est appelé dans les inscriptions Hécatompédon. Nous n'osons pas juger d'une façon tranchante cette innovation; nous dirons toutefois que, s'il faut en juger par les plans du Parthénon publiés par M. Beulé, la longueur du naos serait plus grande que celle du gradin supérieur du stylobate, ce qui ruinerait immédiatement tout le raisonnement. Nous ajouterons que, soit dans les historiens, soit dans les lexicographes, le mot Hécatompédon désigne habituellement le temple tout entier: Ο Παρθενὼν ὑπό τινων Εκατόμπεδος ἐκαλεῖτο (Harpocration); Εκατόμπεδος νεὼς ἐν τῇ Ἀκροπόλει παρθένοις κατασκευασθείς (Hé sychius). Or, il nous semble peu naturel que les Athéniens aient caractérisé un temple en indiquant la longueur d'une des salles intérieures au lieu de s'attacher à une des dimensions extérieures frappant tous les yeux.

Si l'on admet le point de départ et les raisonnements de M. Du Mesnil-Marigny, les conséquences sont naturellement indiquées: l'amphore attique valait 26 litres 22; le talent attique pesait 26 kilogrammes 22; la drachme d'argent pesait 4 gr. 37. Cependant toutes ces évaluations s'écartent notablement de celles qui sont généralement adoptées par les savants. Pour les monnaies notamment, il est très-rare de rencontrer des drachmes dépassant 4 gr. 30, M. Le Normant fixe la moyenne à 4 gr. 25; M. Beulé à 4 gr. 30 pour l'ancien style seulement, à 4 gr. 15 pour le nouveau. - Il n'y a donc rien de moins démontré que la nouvelle théorie de M. Du Mesnil-Marigny.

Par la critique à laquelle nous venons de soumettre les points que l'auteur nous indique comme les plus saillants de son œuvre, les lecteurs pourront juger si M. Du Mesnil-Marigny a été bien inspiré lorsqu'il a reproché « à tous les >> interprètes des auteurs anciens, à Bœckh lui-même, de n'avoir fait que des » études superficielles de la science économique ou même d'avoir négligé de s'en >> occuper » (II, 288). Il faut les louer, au contraire, de ce qu'ils n'ont pas fait abstraction des textes pour nous présenter comme admises par les anciens des doctrines purement fantaisistes et n'ayant aucune base sérieuse.

On ne devra pas maintenant s'étonner, si l'on rencontre dans les deux volumes de M. Du Mesnil-Marigny beaucoup de propositions très-contestables, au milieu de renseignements utiles sur l'organisation territoriale, sociale et politique des anciens, sur leur agriculture, leur industrie, leurs arts, leur commerce, leur crédit, etc. Nous allons prendre au hasard quelques exemples parmi ceux qui nous ont le plus frappé. Homère s'est proposé « d'immortaliser, non pas le soi>> disant héros, poussé par le démon des combats à opprimer et à fouler les » peuples, mais bien seulement le défenseur du citoyen paisible » (1, 18).-Les sculptures du Parthénon «< ne sont pas de nature à pouvoir immortaliser l'artiste » de notre temps auquel on les devrait » (II, 183). Les œuvres de Phidias et de Praxitèle sont «< d'une faiblesse insigne » et constituent de «< graves atteintes >> aux règles du goût» (II, 182 et 183). <«< Les taureaux sacrés, Apis et >> Mnévis, n'étaient que de superbes étalons, choisis avec beaucoup de soin, dans » le but d'obtenir des extraits d'un ordre supérieur» (I, 228).-<< Peu de temps » avant la sortie de l'Égypte, l'anthropophagie, cette honte de l'humanité, était >> encore dans les mœurs des Israélites » (1, 370).— Les lois juives autorisaient

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la castration (I, 373).—Le prêt à intérêt était permis entre israélites (I, 422)'. Le vol était l'objet des sympathies de Moïse (1, 435)2. « La législation >> indienne permettait dans les transactions une plus grande liberté que celle >> dont nous jouissons, puisque les immeubles pouvaient, ainsi que les objets >> mobiliers, être donnés en gage au prêteur » (I, p. 143); proposition qui, pour le dire en passant, démontre qu'on peut prendre le titre d'économiste sans avoir lu le Code civil, notamment les articles 2072, 208, et s., etc.

Nous terminerons par une critique qui s'adresse, non-seulement à M. Du Mesnil-Marigny, mais encore à beaucoup d'autres historiens. On affirme généralement, sur la foi de Diodore, I, 80, que le vol était autorisé par les lois égyptiennes. Les voleurs, dit-on, formaient, en Égypte, une association à la tête de laquelle était placé un chef, dont la mission était de recevoir tous les objets dérobés et toutes les réclamations formées par les propriétaires. Ceux-ci étaient admis à reprendre leurs biens en payant à l'association le quart de leur valeur. Institution étrange, mais qui, d'après M. Du Mesnil-Marigny, «< repose sur des >> témoignages si nombreux, si authentiques, qu'il ne peut y avoir une ombre de » doute à son égard » (I, 210). — A l'exception de Diodore et du jurisconsulte Ariston (Gellius, XI, 18, 16),— que l'auteur a le tort de confondre avec Aristote 4, nous ne connaissons aucun de ces témoins authentiques, si nombreux que toute hésitation doit disparaître. Il eût été prudent de les citer. Car Diodore et Ariston ne nous inspirent pas une confiance absolue. Dans les rituels funéraires, l'âme du mort qui comparaît devant son juge et qui veut obtenir justice, se confesse en ces termes : « Je n'ai pas blasphémé; je n'ai pas trompé; je n'ai » pas volé..... » Dans la prière solennelle que les prêtres au nom du défunt adressaient aux dieux, ils disaient : « Je n'ai jamais été un dépositaire infidèle, >> je n'ai jamais fait le mal; je me suis soigneusement abstenu de toute injustice... » Le vol était donc prohibé par la religion. Or, les lois de l'Égypte n'autorisaient pas habituellement les actes que la religion défendait. Comment croire d'ailleurs que le vol fût licite dans un pays où chacun devait justifier de moyens d'existence, où ceux qui vivaient de gains injustes étaient punis de mort, où ceux qui falsifiaient les titres, les poids ou les mesures perdaient les deux mains? Aussi nous lisons dans Hérodote qu'Amasis fut plusieurs fois condamné comme voleur, ¿λíoxeto (II, 174); d'après la Genèse, 44, 9 et 16; 43, 18, les lois égyptiennes soumettaient le voleur à la servitude ou à la mort; on connaît enfin l'histoire dramatique des deux frères dont parle Hérodote, II, 121; l'un d'eux, pris au piége dans le trésor de Rhampsinite, dit à l'autre : « Si je suis vu et reconnu, »je te perds en même temps que moi. » — Il est donc permis de soutenir, avec de Pauw et M. Thonissen, que Diodore a pris pour une loi égyptienne une sorte

1. Deuteronome, 23, 19-20: « Non foenerabis fratri tuo ad usuram pecuniam..... sed >> alieno. >>

2. Exode, 19, 15: « Non furtum facies. » Cf. eod. loc. 21, 16: « Qui furatus fuerit » hominem..... morte puniatur » eod. loc. 22. 1; Lévitique, 19, 11; Deuteronome, §, 19, etc.

3. Titus Aristo, auteur de Notes sur Labéon, fut conseiller de l'empereur Trajan (L. §, D Si a parente, 37, 12) et ami de Pline (Epist. I, 22; VIII, 14).

4. Ailleurs, t. I, p. 73, M. Du Mesnil-Marigny attribue à Lycurgue un propos qui appartient à Solon (Cicéron, pro Roscio Amerino, XXV, § 70).

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REVUE CRITIQUE D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE.

de traité conclu avec un chef d'Arabes nomades, qui, moyennant une redevance, restituait aux légitimes propriétaires les objets volés par les Arabes placés sous ses ordres. E. CAILLEMER.

126.- Sanct Gallische Geschichtsquellen, neu herausgegeben durch G. MEYER VON KNONAU (Extrait des Mittkeilungen zur vaterländischen Geschichte de la Société historique de Saint-Gall). St. Gallen, Huber u. Comp. 1870. In-8°, xxxij-150 p.

La société historique du canton de Saint-Gall a décidé naguère la publication des plus anciennes sources de son histoire locale et a confié cette tâche à un jeune professeur de Zurich que nous avons eu plusieurs fois déjà l'occasion de mentionner dans la Revue comme un des plus savants connaisseurs du passé de son pays. C'est la première partie de son travail que M. Meyer de Knonau présente aujourd'hui au public, avec une courte introduction qui en fait ressortir le but et les résultats généraux. On connaît la haute importance du monastère de Saint-Gall et le mérite de ses nombreux chroniqueurs, surtout pour l'histoire de la Suisse et de l'Allemagne méridionale, pendant les premiers siècles du moyenâge. Le premier fascicule de M. de K. ne s'occupe guère que de l'époque légendaire de l'histoire de la puissante abbaye. Nous y trouvons la vie de son patron, et celle de son premier abbé régulièrement élu. La Vita S. Galli comme la Vita S. Otmari, telles que nous les lisons ici, sont dues à la plume exercée du savant Walafrid Strabon, qui les rédigea à la demande de l'abbé Gozbert, au 1x s., d'après des récits anonymes plus anciens, des notes du diacre Gozbert, neveu de l'abbé du même nom, et un récit de la translation de S. Otmar, due à un moine du couvent, nommé Iso. Ces deux biographies avaient été publiées pour la dernière fois en 1829 dans le deuxième volume des Monumenta de Pertz, par M. Ildephonse d'Arx, avec quelques autres pièces, sous le titre de Scriptores rerum Sangallensium. Malgré les soins consacrés à cette publication, M. M. de K. a pu corriger de nombreuses erreurs de lecture, en collationnant encore une fois les manuscrits originaux. Mais le principal mérite de l'édition nouvelle consiste dans les notes nombreuses et très-détaillées qui partout accompagnent et commentent le récit. C'est là surtout qu'il faut chercher ce qui surnage de faits historiques au milieu des pieuses légendes qui fixaient principalement l'attention du narrateur, trop éloigné d'ailleurs de l'époque où avait vécu le principal héros de ses récits'. Qu'il nous soit permis d'exprimer un regret; le savant éditeur aurait dû résumer lui-même dans un paragraphe spécial de son introduction, les données historiques sérieuses que fournissent les textes, afin de faciliter la tâche aux lecteurs plus pressés et de leur fournir une esquisse rapide de l'existence d'un des apôtres les plus intéressants de l'Allémanie, au début du viie siècle. La seconde livraison devra contenir les Casus S. Galli de Ratpert, la troisième, la Continuatio casuum S. Galli d'Ekkehard. Espérons qu'elles ne se feront pas trop longtemps attendre. Rod. REUSS.

1. Une grande incertitude règne sur la chronologie de la vie de S. Gall. Les historiens de l'Église les plus compétents varient d'un quart de siècle pour la date de sa mort; Héfélé, le savant évêque de Rottenbourg, la place en 627. Comp. aussi Gelpke, Kirchengeschichte der Schweiz, I, p. 275. Quant à Otmar, sa biographie est mieux connue, parce qu'il vivait bien plus tard; il n'est mort qu'en 759.

Nogent-le-Rotrou, imprimerie de A. Gouverneur.

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et à Paris à la librairie A. FRANCK (F. Vieweg propriétaire), 67, rue Richelieu.

Pour paraître le 1er Juillet 1872

RIVISTA

DI

FILOLOGIA E D'ISTRUZIONE CLASSICA

Direttori

Prof. Giuseppe MÜLLER, Prof. Domen. Pezzi.

Ce journal paraîtra les premiers jours de chaque mois en fascicules de 3 feuilles in-8°.

Prix d'abonnement pour toute l'année : 12 fr.

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En vente à la librairie WEBER, à Berlin, et se trouve à Paris, à la librairie A. FRANCK (F. Vieweg' propriétaire), 67, rue de Richelieu. "

F. EICHELKRAUT

riser Handschriften herausgegeben. In-8°.

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Der Troubadour Folquet

de Lunel. Nach den Pa1 fr. 65

En vente chez VANDENHŒck et RUPRECHT, à Goettingue, et se trouve à Paris, à la librairie A. FRANCK (F. Vieweg propriétaire), 67, rue de Richelieu.

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