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que j'ai exposés plus haut, il aurait obtenu trois types de conjugaison, 1o en joignant à la racine verbale, le sujet quel qu'il soit; 2° en accolant au verbe une ou plusieurs autres racines verbales qui jouent le rôle d'auxiliaires; 3° en intercalant entre l'auxiliaire et le verbe une préposition qui marque la direction de l'action accomplie ou subie par le sujet. La plupart des formes indiquées par M. Brugsch, et d'autres encore qu'il n'a pas cru devoir y joindre celles en h'â, en mâk, en xoper, seraient venues tout naturellement se ranger dans ce cadre. Peut-être, cette division l'aurait-elle conduit à retrancher certaines formes qui ne sont pas à proprement parler des formes verbales mais seulement des combinaisons syntactiques. La 11° par exemple, Ari pû ari-n-ew; ou d'autres qui ne sont que de simples variantes phonétiques, la 3° ar-n-ew qui n'est que la variante phonétique de la seconde ar-an-ew.

M. Brugsch fait remonter l'origine des deux futurs coptes en ɛ et en v: aux verbes Ei, aller, et AN, apporter. Je n'insisterais pas sur cette étymologie jetée en passant, si elle ne pouvait devenir par la suite la cause de graves erreurs. Les futurs coptes ne se forment pas au moyen de verbes de mouvement: ils sont dérivés, comme je l'ai prouvé ailleurs, des formes du futur antique et du futur démotique qui résultent de l'intercalation entre l'auxiliaire aù, copte a, e, conjugué avec les pronoms suffixes, et le verbe des prépositions, r et n. Les futurs coptes ἐϊεμέν, είναμέι, j'aimerai, ἐκεμέν, ἐκναμέϊ, tu aimeras, ne sont que la transcription exacte des futurs antiques AU-a R meï, AU-A N meï, j'aimerai, Aʊ-k Er meï, AU-k En méï, tu aimeras, etc.

Chapitres XVI-XX. —- - Syntaxe. C'est la première fois à ma connaissance qu'on essaie de réunir les notions acquises jusqu'à présent sur la syntaxe égyptienne. M. Brugsch s'est acquitté avec beaucoup de bonheur de la tâche difficile qu'il s'était imposée : les coupes de phrase qu'il a indiquées me paraissent en général fort bien expliquées. Je crois cependant que M. Brugsch n'aurait pas négligé certaines combinaisons syntactiques dans lesquelles les auxiliaires joue un grand rôle, si par suite d'une erreur dont j'ai relevé deux ou trois exemples plus haut, il n'avait enlevé ces combinaisons à la syntaxe pour les transporter à la conjugaison dont elles chargent inutilement le cadre.

Le défaut d'un article de critique, lorsqu'il porte sur un livre aussi complet que celui de M. Brugsch, est de ne signaler que les imperfections réelles ou présumées de l'œuvre. Le peu d'espace dont je dispose ici me prive d'indiquer tous les faits importants que M. Brugsch a consignés dans sa grammaire et qu'il a su prouver par de nombreux exemples. Il me suffira de dire que ce nouvel ouvrage est tout à fait digne des travaux qui l'ont précédé et dont il n'est que le complément. L'auteur de la Grammaire démotique, des Geographische Inschriften, des Nouvelles recherches sur le calendrier égyptien, du Dictionnaire et de tant d'autres chefs-d'œuvre a montré une fois de plus toute l'étendue de son érudition et toute la sûreté de son coup-d'œil. Il a agrandi pour nous les voies anciennes et ouvert mainte voie nouvelle c'est à nous de le suivre et de le dépasser, si nous pouvons.

G. MASPERO.

94.- Lexicon Rhetoricum Cantabrigiense. Recensuit et annotationibus instruxit E. O. HOUTSMA, phil. theor. et litt. doctor. Lugduni - Batavorum, S. C. van Doesburg. 1870. In-8, 78 p.

On trouve en marge d'un manuscrit d'Harpocration appartenant à la Bibliothèque de Cambridge (D d. 4. 63) des gloses qui ont été publiées en 1822 à la suite du lexique de Photius édité par Dobree, et rééditées par M. H. E. Meier dans le programme des cours de l'Université de Halle (semestre d'été 1844) et par Nauck en 1867 à la suite du « lexicon Vindobonense. » M. Houtsma réédite ces gloses connues sous le nom de « lexicon rhetoricum Cantabrigiense » avec un commentaire critique et exégétique. Le texte est fort corrompu, et malgré les travaux des précédents éditeurs il restait encore beaucoup à faire à M. H. qui paraît avoir fait bon nombre de restitutions heureuses. Il y a encore à glaner. Ainsi dans ἀγνιά, ἡ ἄμφοδος, ἡ κοινῶς ῥύμη il me semble qu'il faut ἢ κοινῶς ἡ ῥύμη. Dans ἄγροικος, ὁ ἀμαθής ἀγροῖκος, ὁ ἐν τῷ ἀγρῷ αὐλιζόμενος · Πλάτων δὲ τὸ ἐναντίον τούτου, καὶ ἀγροιώτης, ὁ γεωργικός λαός, il faudrait mettre entre parentheses Πλάτων..... τούτου. Dans Διαγραφή. καὶ ὅταν ἀπαλλαγῇ τοῦ ἐγκλή ματος ὁ φεύγων ἢ κατὰ συγχώρησιν τοῦ διώκοντος ἢ κατὰ διάγνωσιν τοῦ τυχόντος, le mot tuyévros est certainement altéré et ne peut s'entendre d'un arbitre. Dans Μεσοκρινεῖς· οὕτω δὲ λέγονται οἱ ἐν τοῖς ὑπὸ γῆν ἔργοις στῦλοι, οἳ ὑποβαστάζουσι τὰ βάρη τὰ ἐπάνω τῶν μετάλλων, les mots τὰ βάρη n'offrent pas de sens satisfaisant et pourraient etre supprimés. La substitution de πρατῆρα ὰ πωλήσαντα Trépa dans la glose (Miller, mélanges de litt. grecque, p. 103-104) avait déjà été proposée par M. Heitz (Fragmenta Aristotelis, 1869, p. xv). Mais cette glose présente beaucoup d'autres fautes que M. Houtsma a corrigées heureusement (p. so).

X.

95.- Canti populari siciliani, raccolti ed illustrati da Giuseppe PITRÉ, preceduti da uno studio critico dello stesso autore. Palermo, Pedone Lauriel, 1870-71. 2 voll. in-18, x-450 et x-496 p. (plus seize pages de musique). Prix : fr. 9

On possède déjà deux recueils considérables de poésie populaire sicilienne, celui de Lionardo Vigo (1857) et celui de S. Salomone-Marino (1867). Le peuple sicilien est si extraordinairement fécond en chansons que M. Pitré n'a pas eu de peine à recueillir plus de mille pièces que ses prédécesseurs n'avaient pas connues et qui ne le cèdent en rien aux premières, soit pour leur intérêt historique, soit pour leur valeur poétique. Il a fait précéder son recueil d'une longue introduction, qui n'est qu'une seconde édition, mais refondue et considérablement augmentée, de son petit livre intitulé: Saggio sui Canti popolari siciliani (1868), dont la Revue critique a rendu compte (1870, art. 9). Ce que nous disions de la première édition s'applique naturellement à celle-ci avec plus de raison encore: on ne peut trop recommander la lecture de ce travail à tous ceux qui s'intéressent, soit à la poésie populaire en général, soit au peuple sicilien. Les observations

importantes, justes et fines sur l'un et l'autre de ces deux sujets y abondent, et on doit louer l'esprit impartial avec lequel l'auteur les a traités. Il n'a pas cru que le patriotisme consistât à exalter toujours, en tout et contre tous, le peuple auquel on appartient, ni qu'un éditeur de poésies populaires fût contraint de trouver sublime tout ce qu'il publie. En même temps il a fait preuve, à l'endroit de la Sicile et de sa poésie, de la sympathie la plus intelligente et la plus délicate: son introduction est un excellent guide pour aborder et comprendre ce domaine peu connu et si curieux. Nous l'aurions seulement désirée plus complète encore l'auteur parle bien de la poésie populaire des autres parties de l'Italie, mais il ne caractérise pas suffisamment, en opposition avec elle, celle de la Sicile; au reste, comme il le remarque lui-même, il faut attendre pour porter sur la poésie populaire italienne un jugement suffisant et motivé; il y a un trop grand nombre de ses productions qui ne sont pas encore connues'. -Les notes donnent en général tous les renseignements nécessaires et permettent dans la plupart des cas à l'étranger de surmonter les difficultés souvent assez grandes que la bizarrerie des altérations dialectales et aussi l'originalité, parfois l'obscurité des conceptions, opposent à l'intelligence des chants siciliens. Un glossaire recueille les mots particulièrement intéressants et inconnus aux dictionnaires siciliens. La provenance de chaque pièce est soigneusement indiquée. En un mot toutes les exigences de la critique sont ici satisfaites et elle n'a qu'à le constater. Le second volume est, non pas plus intéressant, mais plus nouveau que le premier : celui-ci contient uniquement des canzuni, genre populaire par excellence, mais déjà largement représenté dans les recueils précédents. Au contraire dans le second volume la poésie sicilienne se présente sous un aspect moins connu. Nous trouvons d'abord les Ninni-Nanne, puis les Canti Fanciulleschi, un recueil curieux d'Indovinelli, des Arie (chansons sur un rhythme très-différent des Canzuni), des Contrasti (genre fort en faveur au moyen-âge et dont quelques traces sont restées dans la poésie populaire d'autres pays), des satires et des chants religieux. La série qui porte le titre de Leggende e Storie attire particulièrement la curiosité, mais ne la satisfait guère. Tandis que la poésie lyrique n'offre le plus souvent, dans les différents pays, qu'un parallélisme général dû à l'identité des sentiments et des circonstances, la poésie populaire épique est, comme le savent les lecteurs de cette Revue, la matière d'une branche importante de la littérature comparée, à laquelle elle soumet des problèmes aussi intéressants que compliqués. Mais la poésie italienne offre un caractère général qui a déjà été plus d'une fois signalé, c'est qu'elle est presque exclusivement lyrique; l'élément épique n'est considérable que dans les provinces du nord, où la race est sensiblement différente de celle du centre et du sud. La Sicile ne fait pas exception à

1. On peut espérer que bientôt ces lacunes seront comblées. MM. Comparetti et d'Ancona ont entrepris la publication générale des Canti e racconti del popolo italiano; le premier volume a paru; il contient les chants du Montferrat. Voy. sur ce volume Romania, I, p. 255 ss.

2. Cf. Revue critique, t. I, art. 106.

cette règle: ses chants épiques sont peu nombreux, et n'ont pas un caractère bien franchement populaire. Le plus beau et le plus célèbre, la Principessa di Carini, est, au moins en partie, l'œuvre d'un lettré: nous reviendrons incessamment à ce curieux poème à propos d'une publication spéciale de M. SalomoneMarino. Quant aux autres morceaux qui composent ce chapitre du recueil de M. Pitré, ce sont pour la plupart des complaintes, sur les crimes fameux, les brigands célèbres, le choléra, les inondations, etc., que chantent les aveugles en demandant l'aumône. A peine une ou deux de ces chansons, comme la Comare et Minni-Spartiti, offrent-elles quelque valeur poétique. Ce résultat de l'étude de la poésie sicilienne épique est, comme on le voit, purement négatif, mais il ne laisse pas d'avoir un certain intérêt.

Nous terminerons en félicitant de nouveau M. Pitré de son excellente publication; nous aurions voulu choisir dans son recueil quelques échantillons qui pussent donner à nos lecteurs une idée des chansons amoureuses siciliennes, les plus originales et les plus charmantes de toutes; mais bien que toutes ces chansons soient parfaitement isolées et indépendantes l'une de l'autre, il est difficile d'en apprécier une à part. La jouissance que donne la lecture de ce recueil est surtout une impression générale, qui ressort du milieu où l'esprit est transporté beaucoup plus que de tel ou tel passage spécial. Pour faire comprendre et goûter la poésie du peuple sicilien, il faudrait en soumettre aux lecteurs un tableau complet, dont la place ne serait pas ici. Au reste, ce tableau a été tracé avec un grand bonheur par M. Pitré dans son Introduction, à laquelle nous renvoyons ceux qui désireraient connaître cette poésie et qui seraient arrêtés par les difficultés qu'elle présente.

96.- Grammatica storica della lingua italiana, estratta e compendiata dalla grammatica romana di Federico Diez per opera di Raffaello FORNACCIARI. Parte prima. Morfologia. Roma, Torino, Firenze, E. Loescher, 1872. In-16, vj-128 p.

L'auteur de ce livre utile et bien fait a indiqué avec une sincérité complète, sur le titre même, le caractère de son ouvrage. Nous avons ici la partie italienne de la Grammaire de Diez, traduite et détachée de l'ensemble. Cette opération, qui semble bien simple, n'était pas sans avoir ses difficultés, que l'auteur a généralement surmontées avec bonheur. En supprimant du livre allemand tout ce qui est comparaison et considération générale, il a certainement donné au sien beaucoup de clarté et de simplicité; mais il a un peu trop réduit la grammaire à une suite de faits mis presque mécaniquement les uns au bout des autres. L'esprit qui anime de la première page à la dernière le livre de Diez s'est ici évaporé ; on n'y trouve que des faits, commodément mais un peu sèchement rangés. Malgré cet inconvénient, qui était peut-être inévitable, nous croyons que M. Formacciari rend à ses compatriotes un service très-réel. La grammaire italienne qu'il a isolée du livre de Diez se présente avec une lucidité, une méthode, une évidence qui sont de nature à faire irrésistiblement pénétrer dans les esprits les doctrines de la science moderne; nous ne doutons pas que ce petit livre n'ait en Italie la plus heureuse influence et n'y féconde la philologie nationale; il empê

chera les savants italiens de se livrer aux fantaisies systématiques ou au dilettantisme étroit qui ont trop souvent marqué les études entreprises sur l'histoire de leur langue.

M. Fornacciari, tout imbu qu'il est des saines méthodes, n'est pas encore parvenu lui-même à se soustraire complétement à l'influence de certaines théories hasardées. Les additions ou modifications peu nombreuses qu'il a faites à son original sont là pour le témoigner. Ainsi p. 62 l'auteur rejette en note l'explication donnée par Diez des parfaits en etti, et préfère la più probabile congettura del Nannucci, qui est absolument insoutenable. — P. 60, l'auteur suit le même guide aventureux dans son explication de la 3o pers. du parf. de la re conj., amò, et admet l'existence d'une ancienne forme amà qui est plus que problématique : il suffit de faire remarquer que l'archaïque amão est plus contraire que favorable à cette hypothèse, et que l'existence d'amó en espagnol démontre que cette forme, dans les deux langues, vient d'amauit pour amavit (cf. afr. amot de amáu(e)t pour amabat). - P. 37, nous lisons: « Le pluriel, à l'origine, prenait >> aussi ses formes de l'accusatif, en retranchant l's finale: de sagittas se fit le » saetta, de servos i servo, de patres i patre, comme il ressort de tant d'exemples >> que Nannucci, dans la Teorica dei nomi della lingua italiana, a tirés des » livres anciens. Mais ensuite, par amour de la distinction, on prit les terminai>> sons du nominatif pluriel latin, eae dans la première déclinaison, i = i et » es dans la 2o et la 3o (corone, figli, fiori). » Nous n'avons pas sous la main l'ouvrage de Nannucci sur les noms, qui, à en juger par cet échantillon, est aussi peu judicieux que sa Teorica dei verbi, mais nous doutons beaucoup de la force probante des exemples qu'il a cités; quant à la théorie, elle se réfute d'ellemême. Comment admettre que la langue, après une période où elle ne distinguait pas les nombres, fût revenue emprunter des procédés de distinction à la déclinaison latine, sûrement bien morte? - L'explication des pluriels féminins en a, donnée p. 38, est influencée par le même système; celle que fournit Diez est cependant bien simple et bien claire.

Toutes les additions de M. F. ne sont pas mauvaises; il distingue parfois des nuances intéressantes, et surtout signale à propos l'usage de la lingua parlata, si différente souvent de la langue littéraire. Il aura sans doute un plus grand nombre de remarques de ce genre à ajouter à la seconde partie de son louable travail, qu'il annonce comme prochaine, et qui comprendra la Syntaxe.

97..

Monographie du sonnet. Sonnettistes anciens et modernes, suivis de quatrevingts sonnets, par M. Louis DE VEYRIERES. Paris, Bachelin - Deflorenne, 2 vol. in12. 1869-1870.

M. Louis de Veyrières, qui aime beaucoup le sonnet et qui le cultive avec amour, comme le prouvent ceux dont il a composé la dernière partie de son livre, a voulu raconter l'histoire de ce genre de poésie tant vanté par Boileau, et que l'on a vu, depuis quelques années, refleurir de plus belle parmi nous. On s'était déjà souvent occupé, en France, de cette histoire depuis le milieu du xvii siècle (Guillaume Colletet) jusqu'à notre temps (M. Asselineau,

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