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plus haut. On trouve bien çà et là dans le fascicule quelques jugements; mais combien timides et insuffisants! Rapprocher yeλog de avwya c'est trop audacieux (audacius). Rapprocher ἄεθλον de θλᾶν, de ἀείρεσθαι, de ἐθέλω, de τλάν, de Xiv, c'est moins bien (minus bene) que de le rapprocher du lat. va(d)-s, vadi-monium, du goth. vadi, du mha. Wette.

En résumé, le Lexicon homericum est un catalogue d'opinions enregistrées par un érudit qui a dépouillé quantité de livres en se bornant presque toujours au rôle de greffier. C'est un ouvrage tout impersonnel. J'y ai cherché en vain une étymologie ou une interprétation qui fût propre à l'auteur ou au réviseur. Mais si ce livre n'a pas tous les mérites qu'il prétend avoir, ceux qu'il a en font une œuvre des plus utiles. Ce sera un avantage pour ceux qui s'occupent d'études grecques de savoir où trouver un conspectus de toutes les étymologies et de toutes les interprétations qui existent chez les anciens ainsi que chez nos voisins sur chaque mot homérique. Le tableau de tant d'erreurs, mêlées de quelques vérités, forme un enseignement des plus instructifs.

91.

F. MEUNIER.

Leopoldi Schmidtii de tractandae syntaxis graecae ratione commentatio (Programme des cours de l'Université de Marburg pour le semestre d'été de 1870). Marburgi, Elwert. In-4°, 15 p.

Cette dissertation de M. L. Schmidt sur la manière de traiter de la syntaxe grecque est une réponse aux objections qui avaient été adressées à une dissertation du même auteur sur l'emploi de la particule av; voir la Revue critique, 1868, I, p. 371-374.

On avait représenté à M. S. que la langue grecque n'a pas une subtilité particulière qui autorise à lui attribuer des distinctions raffinées que le langage ne comporte pas d'ordinaire. C'est ce que Madvig a déjà avancé, Syntax der attischen Sprache. M. S. persiste à penser que «< Graecis..... quaecunque maxime pecu» liaria erant, ea inde fere fluebant quod natura eos ad acute discriminandum >> pronos reddiderat. Hinc laetissima illa copia divinorum numinum quibus Homeri » Olympus repletur et quorum unumquodque suis propriis rationibus suaque » specie a reliquis discernitur; hinc poetarum humanae naturae infinitam varie>> tatem mirifice depingentium ars prorsus singularis; hinc illa oculorum acies, » qua figurae, motus, affectus per pictores et statuarios exprimebantur, expressa >> a spectantibus percipiebantur; hinc illud aurium fastidium, quo scenae atticae » spectatores ut versus minus eleganter conformatos ita singulas voces ab his>> trionibus incaute pronuntiatas respuebant; hinc ipsorum philosophorum in >> disputando acumen et in seiungendis diversorum systematum placitis sollertia. ...Quocirca permirum foret, nisi idem distinguendi studium apud Graecos >> in eo quoque cerneretur, quod tamquam primum peculiaris indolis documentum >> unaquaeque natio progignit...., linguae dico rationem » (p. 1-2). M. S. me semble rapprocher ici des choses qui n'ont guères de rapport, la finesse des artistes dans la représentation de la nature humaine, la délicatesse d'oreille qui nous avertit immédiatement d'une prononciation insolite, la subtilité des philo

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sophes de profession, la perception des nuances que l'usage d'une langue offre dans l'emploi des mots et des constructions. Ces diverses applications de nos facultés sont trop différentes pour qu'on puisse les rapporter à un même chef. Ensuite toutes les langues ont leurs délicatesses que l'indigène, si grossier qu'il soit d'ailleurs, perçoit mieux que l'étranger le plus cultivé. Le Français est plein de finesses, et de finesses qui pour la plupart remontent aux temps où la nation étaient le moins civilisée et les esprits le moins cultivés. Une langue est à ceux qui la parlent et l'écrivent ce que l'instrument est aux artistes qui en jouent. Les qualités et les défauts d'une littérature peuvent être tout à fait indépendants de ceux d'une langue. Le français du XIIe siècle était une langue beaucoup plus belle que le français du xvII; mais il n'a pas été aussi bien manié.

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M. S. se défend d'avoir suivi Hermann qui, d'après lui, abuse de la logique dans la distinction des tours synonymes, quand il devrait avoir recours à la psychologie, en d'autres termes, qui prétend établir entre les tours synonymes des différences de pensée, tandis qu'ils ne diffèrent que par la force avec laquelle ils signifient la même pensée. M. S. croit en trouver un exemple « .....in vetandi >> formulis .....in quibus aoristi coniunctivus aut severe interdicentis et modo >> non minantis aut cum affectu metuentis est, praesentis autem imperativus >> lenius dehortantis..... scilicet od. XI, 251 Neptunus Tyro Nympham a se » compressam sic compellat : νῦν δ ̓ ἔρχει πρὸς δῶμα καὶ ἴσχεο μηδ ὀνομήνῃς, quod prope a minatione abest at unus quisque sentit quanto suaviora et pla»cidiora illa verba sint, quibus in hymno in Venerem v. 290-Anchises, cum quo >> Venus rem habuerat, ab ea commonetur : ayeo, p.ŋò '¿vépaive, leŵv d'èñoníÇeo » μñviv » (p. 4). Mais il me semble que dans une telle situation une déesse doit craindre l'indiscrétion beaucoup plus qu'un dieu; et j'interpréterais ces deux vers dans un sens tout opposé à celui qu'adopte M. S. L'exemple de Platon, Leg. VIII, 849 α τῶν δὲ ἐν ἄστει κατὰ τὰ αὐτὰ ἐπιμεληθῆναι καὶ ἐπιμελεῖσθαι τὴν τῶν ἀστυνόμων ἀρχήν, ne semble pas heureusement choisi pour montrer << quam firme hominum mentibus insederit » la différence entre le présent et l'aoriste de l'infinitif. Je ne vois pas du tout laquelle des différences qu'on a cru reconnaître entre ces deux temps serait ici applicable; et je ne saurais être de l'avis de Stallbaum qui dit qu'ici «< aoristus significat curationem rei in singulis » casibus identidem obvenientem, praesens autem perpetuam universamque >> curam designat : » comme si cette distinction avait en ce passage la moindre valeur. Quant aux nuances que M. S. croit apercevoir entre l'aoriste et le parfait dans Isocrate de Pace, 19, Eschine, Ctesiph. 203, Demosthène contra Theocr. 51, in Mid. 192, Dinarque advers. Demosth. 29, contra Philocl. 1, 2, Platon de Rep. X, 615 b, 615 c, elles me paraissent absolument illusoires: tous ces textes établissent que les Grecs pouvaient employer et employaient souvent l'aoriste à la place du parfait, quand ils ne jugeaient pas à propos de marquer la nuance attachée au parfait. Mais c'est y mettre trop de finesse que de trouver que dans in Mid. 193, ὁ γὰρ τὰ ἔργα παρεσχηκώς δικαίοτατ 'ἂν ταύτην ἔχει τὴν αἰτίαν, οὐχ ὁ ἐσκεμμένος οὐδ ὁ μεριμνήσας τὰ δίκαια λέγειν νῦν, Démosthène a évité de répéter le participe parfait «< ne molestius illud inculare velle auditoribus videre

» tur, se non domi modo meditatum esse, sed nunc ipsum bene praeparatum in » iudicio loqui» (p. 7).

M. S. maintient que dans les propositions interrogatives, l'optatif sans av a plus de force que l'optatif accompagné de xv. Mais il est contestable que les passages des tragiques où l'optatif est ainsi employé sans av soient corrects (voir Madvig, Adversaria, I, 189 et l'édition de Dindorf). Ensuite M. S. confond-deux espèces de propositions interrogatives très-différentes, les unes qui sont réellement interrogatives, comme quand nous disons «< quel peut-être l'homme qui est >> assis là-bas? >> les autres qui expriment sous forme interrogative, c'est-à-dire avec plus de vivacité une affirmation ou une négation, comme «< qui oserait le >> soutenir? qui ne refuserait son consentement? » Or dans cette seconde espèce de propositions le français emploie le conditionnel, le latin le subjonctif, et ce n'est pas certainement dans l'intention d'affaiblir l'expression de la pensée, puisque le tour interrogatif est précisément destiné à la renforcer; et ces formes du français et du latin répondent tout à fait à l'optatif accompagné de žv dans les mêmes propositions, comme on le rencontre constamment dans les écrivains attiques. Je ne sais ce que veut dire M. S., quand il prétend qu'ils emploient l'optatif avec av dans ces propositions, «< ut plenius quid sonantem..... fere indi>> cativi vice. » Il a beaucoup plus de force que l'indicatif, comme notre conditionnel dans les mêmes propositions.

M. S. persiste aussi à soutenir que dans les propositions relatives le subjonctif sans av est employé «< ut sub generalis sententiae involucro certae sive personae »sive res fere non sine acerbitate oblique tangantur » (p. 10). » J'avais opposé Æschyle Prom. 35, ἅπας δὲ τραχὺς ὅστις ἂν νεὸν κρατῇ. Μ. S. répond (ibid.) :

Egregie..... falsus est Thurotius, cum hanc opinionem verbls Eschyleis..... >> refelli contenderet, quia in eis quoque Iovis exemplum respiceretur; ibi enim >> tantum abest ut lovem non appellatum oblique tangere Vulcanus velit, ut potius, >> postquam de eo verbum fecit, idem quod in eo in unoquoque recens dominante >> observari affirmet eoque orationem dedita opera a re speciali ad universi >> generis ambitum traducat, quod genus dicendi non tam acerbitatis plenum est >> quam mitigando iudicio inservit. » Les paroles de Vulcain sont sans doute exemptes d'amertume; on ne peut pas dire pourtant qu'il énonce une maxime purement générale, comme on en trouverait dans la Politique d'Aristote; il fait allusion à Jupiter, sans amertume; mais il le désigne; et cela suffit pour que cette proposition soit rangée parmi celles auxquelles M. S. assigne le subjonctif sans ἄν.

Ces distinctions subtiles et arbitraires faussent la grammaire et la critique. Elles conduisent à défendre des textes altérés et à chercher des interprétations forcées telles que celles que propose M. Schmidt et dont il a abandonné lui– même quelques-unes. Les grands philologues du xvre siècle qui ne connaissaient la grammaire des langues anciennes que par la pratique assidue des auteurs avaient un sentiment beaucoup plus juste et plus délicat de la correction que les philologues de l'école de G. Hermann qui se sont trop souvent perdus dans de vaines théories. Charles THUROT.

92.

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Dramaturgie de Hambourg, par G. E. LESSING, traduction de M. Ed. de Suckau, revue et annotée par M. L. Crouslé avec une introduction par W. Alfred Mézières. In-8°. Paris, Didier et C'. Prix: 7 fr.

Les événements de l'année dernière nous avaient empêché de rendre compte. de cette traduction de la Dramaturgie; nous n'avons pas cru toutefois que ce fût une raison de la passer sous silence, et les lecteurs de la Revue nous sauront peut-être gré de leur rappeler aujourd'hui un livre, qui, comme tant d'autres, a été oublié au milieu de la guerre civile et étrangère.

Il est à peine nécessaire de rappeler quelle est l'importance de l'œuvre traduite par M. de Sukau. Écrite en 1767-1768, au plus fort de la lutte engagée en Allemagne, vers le milieu du siècle dernier, contre l'influence française, la dramaturgie est le monument le plus considérable de cette longue hostilité; c'est une protestation énergique contre notre supériorité littéraire, à une époque où l'Europe l'acceptait encore presque sans conteste; c'est un effort suprême pour renverser un système dramatique, qui régnait alors sur toutes les scènes du continent. La guerre ne connaît pas de ménagements; il ne faut point en attendre de Lessing; l'exagération de la critique, la sévérité excessive dans l'appréciation de notre théâtre, entraient dans son plan; il ne s'est pas fait faute d'y recourir, et il ne faut pas trop nous en étonner. Ce sont là des défauts sans doute, et on les a depuis longtemps reconnus même en Allemagne; mais ils ne doivent pas nous faire oublier ce que la Dramaturgie renferme de vues nouvelles et fécondes. Lessing, en l'écrivant, se proposait un double but; ruiner le crédit dont jouissait alors notre système dramatique, fonder ou préparer en Allemagne un théâtre national. Pour y parvenir, il ne se borne pas à faire la critique de la tragédie, telle que la concevaient les poètes de l'école classique; il présente à ses compatriotes pour modèles le théâtre grec et le drame de Shakspeare; et mettant ainsi le remède à côté du mal, il hâta la révolution qui devait affranchir la scène allemande. C'est par là que la Dramaturgie offre un intérêt si puissant; elle sert à expliquer le changement profond qui s'opéra vers 1770 dans la littérature d'Outre-Rhin; en même temps qu'elle offre un des exemples les plus frappants de l'influence qu'un écrivain supérieur peut avoir sur le goût de ses contemporains. Lessing ne dut celle qu'il a exercée qu'à la justesse, à la sûreté de ses jugements; il y a aujourd'hui encore à profiter de ce qu'il dit de la poétique d'Aristote et du théâtre de Shakspeare, et après un siècle la Dramaturgie n'a point cessé d'être un livre indispensable à quiconque s'occupe de critique théâtrale. On ne peut donc que se féliciter d'avoir enfin une traduction qui réponde à l'importance de l'œuvre de Lessing. Celle de Cacault, inexacte et incomplète, et qu'il serait d'ailleurs fort difficile de se procurer aujourd'hui, rappelle trop par ses défauts l'époque où elle a paru. C'est dans un tout autre esprit que M. de Suckau a entrepris son travail; sa traduction à la fois élégante et fidèle, d'une lecture agréable et facile, reproduit souvent avec bonheur et ce n'est pas là un mérite médiocre, le style ferme et concis de l'original, et nous paraît digne des plus grands éloges.

La mort avait empêché le traducteur de mettre la dernière main à son travail,

M. Crouslé, que ses études sur Lessing préparaient si bien à cette tâche, s'est chargé de lui donner ce qui lui manquait encore pour être publié. Si nous ne pouvons juger de la part qui lui revient dans la révision de la traduction de M. de S., nous ne pouvons du moins que louer les soins qu'il a apportés à l'édition qu'il en a donnée. La division par soirées qu'il a adoptée nous paraît une heureuse innovation, et de beaucoup préférable à la division par numéros de l'édition originale. Les notes qu'il a jointes au texte seront aussi d'un secours utile aux lecteurs peu familiers avec la littérature allemande. Enfin un index étendu facilite les recherches dans un ouvrage dont l'auteur n'a suivi d'autre plan que l'ordre des représentations dont il rendait compte. Le volume s'ouvre par une préface, où M. Mézières, avec les qualités de style et d'exposition qu'on lui connaît, examine les théories de Lessing, et les soumet à une appréciation aussi fine que juste, quoique parfois un peu sévère.

Je relèverai en terminant quelques inexactitudes qui m'ont frappé. «< El conde » de Sex (Le comte d'Essex) » n'est point, comme M. Crouslé l'affirme (p. 284) d'après Cacault, de Don Juan Matos Fregoso, mais bien de Don Antonio Coello. Ce n'est point non plus l'auteur de la Dramaturgie, comme le dit encore M. Crouslé dans une note de la page 73, mais son frère Karl, qui a été l'éditeur du Brutus de Brawe (Voir Danzel, Lessing, etc., I, p. 343). Quant à l'indication donnée dans la note de la page 387, et qui fait commencer en 1774 au lieu de 1744 les articles de Brême, il n'y faut voir sans doute qu'une faute d'impression.

En terminant, je reprocherai à M. Crouslé d'avoir parfois retranché les citations de Lessing, au lieu de les rejeter en note, et d'avoir fait des suppressions trop longues, en particulier dans le dernier article, qui perd ainsi en partie le caractère polémique qu'il a dans l'original.

Charles JORET.

VARIÉTÉS.

Corrigé de thèmes provençaux.

Le Kutschkelied.

A fort peu d'intervalle ont paru en Allemagne différents exercices de composition ou de traduction en ancien provençal et en ancien français. Nous voyons avec plaisir se produire ces exercices qui attestent le zèle de leurs auteurs tout en nous mettant en état d'apprécier leurs progrès. On ne sait bien une langue qu'à condition de savoir l'écrire correctement, sinon avec élégance. Nous serons heureux de contribuer pour notre part au perfectionnement des auteurs de ces petites compositions en leur offrant le corrigé, comme on dit au collége, de leurs thêmes.

Le 30 décembre dernier a été célébré à Bonn le cinquantième anniversaire du jour où le titre de docteur en philosophie a été conféré au professeur Diez. A cette occasion, M. Ad. Tobler, le professeur de langues romanes de l'Université de Berlin, a présenté à l'illustre auteur de la grammaire des langues romanes

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