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Berlin et deux de Leyde qui ne lui ont pas été, paraît-il, d'un grand secours. Le plan de l'éditeur était d'abord de joindre au texte un commentaire, dont il a fait usage, et qui est décrit dans sa préface (p. 16); mais il y a renoncé et s'est contenté d'en donner quelques fragments parmi les notes substantielles placées en tête du volume. Le style de la Durrah n'est d'ailleurs généralement pas obscur, et sa lecture ne présente de difficultés qu'en quelques endroits. Aucun ordre de matières n'ayant été suivi par Harîrî dans la composition de son ouvrage, M. Th. a dû ajouter à la fin du texte un index alphabétique de tous les mots expliqués, ainsi qu'une liste des noms propres. Ces deux index seront accueillis avec reconnaissance par tous les arabisants.

M. Fleischer a pris la peine de relire les épreuves et a pu de la sorte fournir à l'éditeur de précieuses remarques et des corrections que celui-ci a insérées dans les notes. On y trouvera également celles en petit nombre que S. de Sacy avait écrites en marge de son exemplaire de l'Anthologie grammaticale et qui ont été communiquées à l'éditeur par M. H. Derenbourg.

Quant à l'exécution matérielle, elle laisse peu à désirer. Les erreurs typographiques sont assez nombreuses, il est vrai, mais de peu de gravité, et sont, pour la plupart, relevées dans les notes. Nous en signalerons pourtant quelques-unes qui ont été omises dans l'errata. P. 4, note h, la leçon donnée comme appartenant à l'Anthologie grammaticale ne s'y trouve pas, mais bien dans la Chrestomathie arabe; p. 1o, 1. 2 et 3, lisez allotayyâ et allatayyâ avec le teshdid sur le yâ; p. 12, 1. 8, dans le mot Khâlafat, le point du khâ est tombé et l'élif et le lâm sont mal venus; pp. 13, l. 14, 20, l. 6, 114, l. 2, le hamza et le kesra du mot Khața'i sont placés au-dessus de l'élif au lieu de se trouver en dessous; pp. 30, 1. 11; 37, 1. 5, les mots shey'in et el-shey'i sont singulièrement orthographiés; p. 38, l. 14, l'élif de l'article est tombé dans en-naqli; p. 40, l. 15, le tanwin du mot ghadan est placé sur le ghaïn et un fatha perpendiculaire sur le dal; p. 42, 1. 4, il faut supprimer le djezmah qui surmonte le yâ de radhîti; p. 43, 1. 4, lisez yonbiyo, au lieu de bonbiyo; Ibid., 1. 7, l'élif de artabat est tombé; p. 48, 1. 6, vocalisez 'indi, au lieu de 'andi, qui est, à la vérité, la prononciation vulgaire; p. 97, l. 13, lisez wahiya, au lieu de wahya; p. 98, 1. 12, l'élif de anna est tombé; p. 100, l. 7, lisez motham : les deux points du tâ sont tombés; Ibid., 1. 16, lisez mokhayyiron: les deux points du yâ sont également tombés; p. 115, 1. 4, lisez avec la nunnation manshimon; p. 116, l. 13, lisez el-djazâ'i, au lieu de el-djazâ'in; p. 138, l. 12, le point du få est tombé dans fa-yarfa'a.

M. Th. a vocalisé le texte en entier et avec le plus grand soin; aussi n'auronsnous à appeler son attention que sur un ou deux points où il nous paraît s'être trompé. Le temps futur se nomme mostaqbil et non mostaqbal ainsi qu'a constamment vocalisé l'éditeur (pp. 39, 1. 15; 85, 1. 11 et 16; 91, l. 4; 104, l. 8); de même, il faut lire fi ma yastaqbilo (p. 14, 1. 1) et non yostaqbalo. A la page 17, 1. 10, nous aimerions mieux lire et-tamari 'llazi yokhradjo 'd-dohno minho « du >> fruit dont on extrait l'huile, » que yakhrodjo, etc., «< dont sort l'huile. » Page

125, 1. 15, on doit lire fa yoqâla et non fa yoqâlo, car le verbe est toujours sous la dépendance de la particule anna qui précède. Page 138, 1. 9, il ne nous paraît pas nécessaire de lire, au passif, lohhina man, etc. Le sens est «< celui-là commet une faute de langage qui, etc.; » par conséquent, on doit prononcer lahhana man.

Pour terminer, il nous reste à ajouter quelques mots sur le choix de certaines leçons. P. 10, l. 12, il semble préférable d'insérer wâhidin après bima‘anan; cette leçon se retrouve plus loin, p. 16, l. 10, et bima‘anan wâhidin rend mieux la pensée de l'auteur «< dans un sens identique » qui bima‘anan tout seul. P. 12, 1. 12, il faut certainement conserver la leçon zill«< ombre de midi, » opposée à fey' « ombre du coucher du soleil, » que d'y substituer sarâb « mirage. » D'ailleurs, le commentaire a adopté cette leçon et, probablement, non sans raison (cf. la note, p. 21). P. 56, l. 12, il aurait mieux valu adopter la leçon donnée par l'édition de Boulaq lasta taʼrifoho que de conserver laïsa ta'rifoho. P. 65, 1. 2, en conservant litoûzina, la phrase a une tournure gauche. Le plus ancien manuscrit et l'édition de Boulâq lisent li yoûzana qui est bien préférable.

En somme, on voit qu'il est plus facile de signaler les mérites de l'excellente édition de M. Th. que d'en indiquer les défauts si légers, et si nous nous sommes arrêté à ces minuties, c'est uniquement pour rendre hommage à la scrupuleuse exactitude du professeur de Heidelberg.

83.

In-8°.

Stan. GUYARD.

Studien zu Eschylus, von N. WECKLEIN. Berlin, Weber. 1827. x-175 P

Ce livre contient une série d'observations sur un grand nombre de passages d'Eschyle. C'est tantôt le sens, tantôt la leçon, souvent l'un et l'autre, que l'auteur cherche à établir d'une manière plus satisfaisante. Quelquefois il généralise ces remarques: il discute la méthode des comparaisons d'Eschyle, certaines particularités de sa diction, de sa métrique, ou bien la filiation et l'importance relative des manuscrits et des scholies qu'ils renferment.

Dans les pages 23-33, M. Wecklein touche à certains points de la fable de Prométhée, et c'est là peut-être la partie la plus intéressante de son volume. Comment Eschyle a-t-il été amené à faire de Prométhée le fils de Thémis? Jupiter est menacé, s'il épouse Thétis, d'être détrôné par un fils plus fort que lui. En comparant les versions différentes de ce mythe chez Pindare et chez Eschyle, on découvre qu'Eschyle l'a modifié pour le besoin de sa trilogie, qu'il s'en est servi librement, afin de dénouer sa fable. Chez lui en effet Prométhée connaît ce mariage fatal: c'est là son secret, le gage de sa délivrance. Chez les poètes antérieurs à Eschyle c'était Thémis qui révélait à Jupiter le danger qui le menace (voir ma note sur Prom. 920 sq.). En substituant Prométhée à Thémis, Eschyle a cru, par respect de la tradition, devoir lui donner cette déesse pour mère. M. Wecklein dit avec raison que tel était pour le poète le motif déterminant de ce changement de généalogie. Il n'en est pas moins vrai, ce me semble, que

cette filiation nouvelle grandit et ennoblit singulièrement l'ancien fils de Japet et de quelque Océanine. Ce personnage appelé solennellement :

Τῆς ὀρθοβούλου Θέμιδος αἰπυμῆτα παι

est bien au-dessus du rusé Titan d'Hésiode. Aussi Eschyle lui prête-t-il ailleurs (v. 209 et les suiv.) la science et le rôle attribués anciennement à la Terre dans la Titanomachie, et à ce propos (nous l'avons fait remarquer dans notre édition) il identifie la Terre et Thémis, apparemment pour concilier jusqu'à un certain point son innovation avec la tradition. Nous pensons donc que si Prométhée est devenu le fils de l'être mythologique qui représente l'ordre immuable du monde et que l'on pourrait appeler la déesse Oracle, cela est conforme à la conception générale de la trilogie d'Eschyle.

M. W. établit aussi que la Fable 54 d'Hygin doit être considérée comme le sommaire du Prométhée délivré, et il insiste avec raison sur les mots : Prometheus Jovi pollicetur, se eum praemoniturum. si se vinculis liberasset. Itaque fide data monet Joyem..... Il en résulte qu'il y eut une convention conclue entre Jupiter et Prométhée, que les deux partis, qui étaient dans une certaine mesure l'un et l'autre dans leur droit, se faisaient des concessions mutuelles.

La hardiesse toute lyrique des comparaisons et des tropes d'Eschyle a été quelquefois méconnue. Dans les Euménides (v. 403 sqq.) Minerve dit qu'elle est venue à travers les airs, sans ailes, en déployant au vent la voile de l'Égide, et elle ajoute : πώλοις ἀκμαίοις τόνδ' ἐπιζεύξασ' ἔχον. Quelques éditeurs, prenant ces mots au pied de la lettre, ont prétendu que Minerve arrive, comme à l'ordinaire, sur son char. D'autres, comprenant que cette explication était en contradiction avec ce qui précède, ont cherché à corriger le texte. Nous avons eu tort, les uns et les autres. Le texte est bon, et il ne donne à Minerve ni char ni chevaux M. W. l'a très-bien montré. Après avoir décrit la manière dont elle a traversé l'espace, la déesse poursuit : « ainsi de vigoureux coursiers étaient » attelés à mon char. » Tout cela est figuré; ajoutez comme, et tout le monde comprendra. - Dans les Suppliantes, v. 103 sqq., l'insolence des fils d'Ægyptus est appelée un jeune arbre qui verdit et se couronne de folies coupables, ve πυθμὴν δυσπαραβούλοισι φρεσίν. Le scholiaste et la plupart des éditeurs entendent à tort le mot prv du père ou de la source des Ægyptiades. J'accepte avec grand plaisir ces explications d'une justesse évidente. Il y en a d'autres qu'il me semble difficile d'approuver. Cassandre s'écrie dans ses visions prophétiques : "Aneye tãg Bobę tov taupov (Agam. 1125). Comme c'est Clytemnestre qui porte les coups, M. W. veut qu'elle soit le taureau, et que la vache désigne Agamemnon. Il n'est arrêté ni par le féminin Xxẞcaz, qui se lit dans le vers suivant et qui se rapporte évidemment à Clytemnestre, ni par le bizarre renversement des tropes. Son explication, inadmissible dans toute autre langue, me semble impossible en grec on sait en effet que les vieux poètes grecs, fidèles aux habitudes du langage primitif, disent couramment Boug pour «< femme. » Je ne goûte pas davantage l'étrange interprétation de μελαγκέρῳ μηχανήματι.

Parmi les nombreuses corrections de texte essayées par M. W., signalons celles qui nous semblent les meilleures. Prom. 113. Υπαιθρίοις δεσμοῖσι προυσελούμενος (pour πασσαλεύμενος, leçon du Mediceus). La même conjecture a été faite par M. Schmidt. - Sept. 402. (AűTMr ʼn vùỆ) Táy' âv yévoito μávtis èvvolą (pour † àvoía) tiví, « cette nuit pourrait bien être prophétique (être un présage), à en >> juger sainement. >> - Sept. 909. Διαλλακτῆρι δ ̓ οὖν (pour οὐκ) αμέμφεια φίλοις, οὐδ ̓ ἐπίχαρις Ἄρης, « l'arbitre qui a mis fin à la querelle des deux frères >> ne peut être accusé de partialité par leurs amis: Mars n'a favorisé ni l'un ni » l'autre. » Cela est tout à fait dans l'esprit général de ce morceau lyrique. Le sens du second membre de phrase, bien indiqué dans les vieilles scholies, conduit naturellement à la correction introduite dans le premier membre. - Suppl. 518. Ἐγὼ δὲ λαοὺς συγκαλῶν ἐγχωρίους στείχω. C'est ainsi que j'avais écrit, et Dindorf a adopté cette conjecture, qui répond à ce qu'exige le sens. Mais τ, proposé par M. W., est plus voisin de la leçon altérée eτ. - Suppl. 635. Ἄρη, τὸν ἀρότοις θερίζοντα βροτοὺς ἐναίμοις (pour ἐν ἄλλοις). — Suppl. 691. Πρόνομα δὲ βετὰ τοῖς (Turnebus: βοτὰ τως, Mediceus : βρότατος) πολύγονα τελέθοι. Agam. 664:

Τύχη δὲ σωτὴρ ναυστολοῦσ ̓ ἐφέζετο,

ὡς μήτ' ἐν ὅρμῳ κύματος ζάλην ἔχειν,
μήτ' ἐξοκεῖλαι πρὸς κραταίλεων χθόνα.

Le vaisseau d'Agamemnon est merveilleusement préservé d'une tempête qui vient d'être décrite, et qui n'a pas eu lieu dans un port. Au point où en est le récit (on le voit par ce qui suit), ce vaisseau n'est pas encore entré dans le port. Les mots év épp ne peuvent donc se justifier. M. W. écrit év ápp, et il en appelle aux vers de Virgile (Æn. I, 122): Laxis laterum compagibus omnes accipiunt inimicum imbrem, rimisque fatiscunt. Choëph. 344. Αντὶ δὲ θρήνων ἐπιτυμβιδίων παιὰν μελάθροις ἐν βασιλείοις φιάλην νεοκρᾶτα (pour νεοκρᾶτα φίλον) κομίζοι.

A côté de ces corrections dignes d'être admises dans le texte, il y en a d'autres qui resteront toujours problématiques. Je n'oserais introduire dans le vers 355 des Suppliantes le verbe vaústv, qui ne se trouve que dans le lexique d'Hésychius, et dont je ne connais ni le sens exact, ni le régime. - Sept. 146. Kai où, Aúxet' Λύκει ἄναξ, Λύκειος γενοῦ στρατῷ δαίῳ στένων αϋτᾶς. D'après la scholie : Ὥσπερ λύκος αὐτοῖς ἐφόρμησον ἀνθ' ὧν ἡμεῖς νῦν θρηνοῦμεν, Μ. W. écrit στόνων ἀντίτας. Comme ce mot est inconnu, j'aimerais autant stóvwv avtuta, locution autorisée par Homère. Ce serait l'accusatif de l'effet produit, et la traduction très-exacte en langage lyrique de la prose du scholiaste. On trouve dans ce volume d'autres conjectures, qui peuvent sembler jolies, ingénieuses, sans offrir rien de bien probable. On en trouve d'improbables, d'inutiles, d'impossibles même. Nous ne les relèverons pas.

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Quelquefois l'auteur entreprend l'explication suivie d'un morceau difficile d'une certaine étendue. Nous signalons les pages 124 et suiv. où se trouvent de bonnes observations sur le quatrième grand choeur de l'Agamemnon. Mais nous ne saurions admettre ce que M. W. dit (p. 149 et suiv.) sur le premier chœur

des Choëphores. Il est vrai que son exposition est très-méthodique, parfaitement raisonnée; mais ces beaux raisonnements aboutissent à un résultat des plus étranges. Le chœur dirait que la Justice punit promptement les crimes commis à la lumière du jour, que les crimes voilés par une espèce de demi-jour sont châtiés tardivement par elle, que d'autres enfin se cachent dans une nuit si profonde que la Justice, qui ne peut les découvrir, les laisse impunis. Or il est bien entendu qu'il s'agit ici, non de la justice humaine, mais de la déesse Aix. Le vieil Eschyle proteste contre une doctrine qui n'a jamais été la sienne, ni celle d'aucun autre poète grec.

En somme, ces Études renferment un assez grand nombre d'observations bonnes et utiles. L'auteur possède bien son Eschyle, il a cherché à entrer dans son esprit, il s'est surtout familiarisé avec les procédés d'expression et d'exposition particuliers au vieux poète. Nous ne lui reprocherons pas trop de s'être souvent trompé, fourvoyé : quand on s'occupe du texte d'Eschyle, il est difficile de ne pas commettre toutes sortes d'erreurs.

Henri WEIL.

84. Ueber den Vortrag der chorischen Partieen bei Aristophanes, von Christian MUFF. Halle, Mühlmann. 1872. In-8°, 175 p.

Dans les manuscrits et les éditions des drames grecs on voit des morceaux de nature diverse indistinctement attribués au chœur. Tout le monde sait qu'à proprement parler le chœur ne prenait jamais part au dialogue iambique, mais que le coryphée portait la parole pour lui dans ce cas, ainsi que dans tous les autres où les vers devaient être simplement récités : il tombe sous le sens que quinze ou vingt-quatre personnes (ce dernier nombre était celui du chœur comique) ne sauraient débiter ensemble que des morceaux chantés. Cependant, si tous les chorentes ne parlaient jamais à la fois, le coryphée pouvait quelquefois chanter seul. Quand parlait-il? quand chantait-il? quand chantait tout le choeur ? quand chantaient les demi-chours? quels sont les vers dont le débit marquait les pas d'une marche ? quels chants accompagnaient les danses? Ces questions et quelques autres sont discutées dans le travail de M. Muff par rapport aux comédies d'Aristophane.

Prenons pour exemple la première entrée (ápodos) du chœur dans la comédie des Acharniens, v. 204 sqq. Les rudes vieillards qui forment ce choeur sont à la poursuite de Dicéopolis: ils arrivent en courant, ou tout au moins en s'efforçant de courir. Voici ce qu'ils disent d'après la traduction de M. Poyard: «< Par ici, » tous, poursuivons notre homme; demandons-le à tous les passants: l'intérêt >> public exige qu'on se saisisse de lui. Hé! indiquez-moi quel chemin a suivi le » porteur de la trève; il nous a échappé, il a disparu. Ah! maudite vieillesse, » quand j'étais jeune, au temps où, un sac de charbon sur le dos, je suivais » Phaÿllus en courant, ce misérable ne se serait pas soustrait à ma poursuite, si » léger qu'il soit à la course. » Ce morceau se compose dans l'original de quatre tétramètres trochaïques et d'un système péonique. Les péons commencent aux

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