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>> écrivains ont pu répliquer en termes trop sévères aux attaques qu'ils ont crues » dirigées contre eux. » Le texte porte simplement : « I am willing to admit >> that the language of Dr Harry and others may have been too severe.»>

Comme on a pu le voir, la traduction de M. Harris péche plutôt par surabondance que par omission. Aussi avons-nous été surpris de voir une omission dans le piquant morceau où M. Max Müller dépeint la foi robuste avec laquelle les Parsis modernes acceptent des traditions religieuses dépourvues de toute garantie d'authenticité. Nous avons mis en italiques les mots qui manquent dans la traduction française: « La difficulté de concilier la foi plus éclairée de la généra» tion présente avec la phraséologie mythologique de leurs antiques écritures » sacrées est résolue par les Parsis d'une manière fort simple. Ils n'essaient pas de >> faire cesser l'embarras soit en défendant la lecture du Zend-Avesta [comme » les catholiques romains], soit en encourageant l'étude critique de leurs livres » sacrés [comme les protestants]. Ils se contentent de rester absolument étran» gers à l'étude du texte original de leurs écritures. » Le traducteur a-t-il pensé qu'il valait mieux laisser deviner quelque chose au lecteur ?

Nous arrêtons là ces observations. Si nous avons de loin en loin trouvé M. Harris en défaut, il nous serait difficile de dire combien de fois nous avons été charmé du tour ferme, net, sûr et élégant de sa traduction. Ce volume est destiné, comme ses aînés, à populariser parmi nous des études et des connaissances qui ne doivent rester étrangères à aucun esprit cultivé.

M. B.

75. Coutumes de la Haute-Alsace, dites de Ferrette, publiées pour la première fois avec introduction, traduction en français et notes, par E. BONVALOT, conseiller à la Cour impériale. Colmar, Barth; Paris, Durand et Pedone-Lauriel. 1870. In-8°, XXX-292 p. Prix fr.

On a rendu compte autrefois dans la Revue (1867, I, p. 47) de plusieurs publications analogues de M. Bonvalot sur les coutumes de la Haute-Alsace; le lecteur sait donc que c'est à l'un des plus zélés connaisseurs de la vieille législation alsacienne que nous devons le volume dont je viens de transcrire le titre et qui forme le dernier chaînon d'une série d'intéressantes études.

Ferrette (en allemand Pfirt), aujourd'hui chef-lieu obscur d'un canton du Haut-Rhin, perdu dans les ramifications septentrionales du Jura, était au moyenâge le centre d'une seigneurie et d'un comté du même nom, embrassant Altkirch, Thann, Delle, etc. et qui a joué un certain rôle dans l'histoire d'Alsace. Elle passa vers le commencement de l'ère moderne des mains des comtes de FerretteMontbéliard entre celles des Habsbourgs d'Autriche et quand l'Alsace fut devenue française en 1648, elle devint un fief de la famille des Mazarin. Ce sont les coutumes de ce petit coin de terre, découvertes, il y a une vingtaine d'années par M. Grandschamps, notaire à Ferrette, parmi les papiers de son étude, que M. B. communique aujourd'hui dans son nouveau volume aux amis de la vieille législation du moyen-âge et à tous ceux qui s'intéressent à l'histoire de l'Alsace. Le manuscrit qui sert de base à son travail a été compilé vers la fin du xvi° siècle

par deux fonctionnaires de la chancellerie habsbourgeoise et se compose de quatre parties distinctes, d'un prologue, d'un urbaire ou terrier, description de la seigneurie, qui forme le gros du volume, d'un recueil des usages civils et judiciaires alors en vigueur et d'un procès-verbal des usages forestiers du bailliage. M. B. a complété ces textes à l'aide de quelques autres manuscrits, tirés des archives de Colmar, etc.; il les a fait suivre de notes très-détaillées qui forment un véritable commentaire perpétuel et nous donnent un traité complet du droit provincial d'alors. Les textes allemands sont accompagnés d'une traduction revue par M. l'abbé Hanauer et qui, dans son ensemble, mérite l'éloge d'une exactitude scrupuleuse. Les quelques observations, recueillies à ce sujet, en parcourant le travail de M. B. ne devront prouver qu'une chose à l'éditeur ainsi qu'au traducteur, l'attention consciencieuse avec laquelle nous avons parcouru leur travail.

P. 29. Les mots « schier in hosen und wammest » nous semblent trop librement traduits par ceux de « les mains dans les poches. >>

P. 76. Au Ss du règlement de boucherie, le traducteur a rendu le mot « lumbel » par « tripes et boyaux; » il est question de ces dernières parties au $ 6. Le lumbel (équivalent à l'expression lummel encore aujourd'hui usitée à Strasbourg) nous semble être le filet de bœuf.

P. 143. Le mot « schnutzworten » est rendu par «< farces. » Je pense qu'il faudrait le rendre plutôt par «< grossièretés, insolences. » Encore aujourd'hui on dit en allemand anschnautzen brutaliser quelqu'un en paroles.

P. 216. « One den Kas und obs » par suite d'une inadvertance momentanée du traducteur est rendu « outre le fromage et le pain; fruit, ici, en général, le dessert.

=

(obst) est le

Nous exprimons en terminant le vœu que l'auteur, appelé, par les circonstances politiques, loin de l'Alsace, continue à consacrer à l'étude de son passé, quelques-uns de ses loisirs et qu'il prouve de cette manière, à ses anciens compatriotes, que la science ne reconnaît pas plus les frontières politiques nouvelles que ne les admet la conscience politique de ceux qui se sentaient frères autrefois et que rien n'empêchera de se sentir frères encore, maintenant que la frontière de la France a reculé jusqu'au Vosges, au lieu d'être sur le Rhin.

76.

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- Les Gayetez d'Olivier de Magny, texte original, avec notice par E. COURBET. Paris, Lemerre, 1871. In-8, xxij-110 p. (Bibliothèque d'un curieux). — Prix :

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fr.

Olivier de Magny n'a pas été, de son vivant, compris dans la Pleïade; aujourd'hui son nom en est devenu inséparable, tandis que parmi les Sept, plus d'un est tombé dans l'oubli. Cependant il ne pouvait entrer dans la belle édition réservée par M. Marty-Lavaux aux membres de l'heptade officielle. L'éditeur de cette collection lui a accordé une place à part; il se conformait ainsi au désir exprimé par Sainte-Beuve dans une lettre que reproduit M. Courbet et que nous donnons à notre tour, parce que dans sa brièveté elle contient un jugement complet et suffisant sur Olivier de Magny, et ajoute une autorité considérable à

l'opinion de ceux (M. Courbet en est) qui pensent que Magny n'aima pas en vain Louise Labé :

« Ce 24 janvier 1866.

» Je vous demande de vouloir bien adjoindre aux sept poètes de la Pléiade un huitième, Olivier de Magny, un poète dont les recueils, toujours très-rares, se vendent au poids de l'or, et qui est un charmant esprit; d'un côté l'ami intime de Du Bellay qu'il complète, de l'autre l'amant favorisé de la Belle Cordière dont il raille le crasseux mari, Il est du vrai groupe central de la Pléiade du xvio s., et comme mérite et talent il y tiendrait bien le quatrième rang, sinon le troisième. Vous voyez, Monsieur, comme je prends à cœur ces choses.

» SAINTE-Beuve. »

M. Courbet publie les Gayetez comme premier volume; pourquoi n'a-t-il pas commencé plutôt par les Amours, le premier recueil du poète? Ces Gayetez ne sont pas, en majeure partie du moins, ce que leur titre semble indiquer; la plupart des petites pièces, fort gracieuses d'ailleurs, qui les composent, sont, comme le fait remarquer l'éditeur, littéraires plutôt qu'érotiques; la meilleure et la plus intéressante est aussi la plus longue, la description d'un banquet rustique où figurent tous les amis du poète (p. 62-76). M. C. a pour principe de reproduire fidèlement l'original, et nous l'approuvons pleinement; sur quelques minuties d'accentuation (p. ex. frère, p. 50) nous avons des doutes, mais il faudrait collationner l'ancienne édition pour les confirmer. L'éditeur admet qu'on doit corriger les fautes évidentes; il a raison, mais il l'oublie parfois; ainsi p. 41, v. 9, Pour, 1. Par, et v. 28, après Castalien il faut une virgule et non un point.

La notice qui précède l'édition est bien faite, sobre et instructive. A la fin du 4o volume, l'éditeur nous promet un glossaire. Nous reviendrons sur cette

charmante publication quand elle sera terminée.

-

77. Vie de Guy du Faur de Pibrac, par Guillaume COLLETET, publiée avec notes et appendices par Philippe TAMIZEY DE LARROQUE. Paris, Aubry, 1871. In-8°, 75 P. Prix :3 fr.

Quand M. Tamizey de Larroque, en 1870, publiait la Vie de Pibrac dans la Revue de Gascogne, il ne se doutait pas du désastre qui allait donner à cette édition un prix tout nouveau. Combien il doit s'applaudir aujourd'hui d'avoir sauvé tant de pages de ce précieux manuscrit de Colletet, dont il ne reste plus que le souvenir! Si on avait accueilli, comme nous en exprimions (Rev. crit., 1866, II, 190) le vœu, les Vies des Poètes français dans la Collection des Documents inédits, on n'aurait pas à déplorer la disparition d'un monument qui, malgré ses imperfections, faisait honneur à notre histoire littéraire. Quelques indices permettent d'espérer encore qu'une copie complète du ms. du Louvre s'est conservée; en attendant qu'on sache s'ils se vérifieront, il serait bon de dresser un inventaire com

plet des parties qui ont été publiées jusqu'à ce jour : la Revue critique l'offrira peut-être prochainement à ses lecteurs.

La Vie de Pibrac est, comme le dit l'éditeur, une des notices que Colletet a le plus soignées. Elle n'en est pas moins fort incomplète, et gagne singulièrement à être entourée des annotations, plus érudites peut-être et plus intéressantes encore que d'habitude, qu'y a jointes le consciencieux érudit gascon. Pibrac, qui n'est guère connu du public moderne que par un vers de Molière et une ligne de Madame de Maintenon, n'a pas seulement composé ces fameux Quatrains qui pendant tout le xvII° siècle ont fait partie intégrante de l'éducation; il a passé pour l'homme le plus éloquent de son temps, a été mêlé aux plus grandes affaires et a droit d'occuper dans l'histoire politique, religieuse et littéraire du xvi® s., une place considérable. A ceux qui voudront la lui assigner avec justice et connaissance de cause, M. T. de L. a fourni des renseignements abondants, exacts et nouveaux. Outre les notes qui accompagnent le texte, on trouve dans de précieux appendices: 1° trois lettres de Pibrac, fort importantes à tous les points de vue; 2o une dissertation des plus solides sur Pibrac et Marguerite de Valois, où l'amour du grave auteur des Quatrains pour la reine Margot est établi d'une façon définitive contre tous ceux (D. Vaissette, l'abbé d'Artigny et M. Cougny tout récemment) qui l'ont contesté; 3° Quelques citations relatives à Pibrac; 4° des conseils et des renseignements utiles pour une nouvelle édition des Quatrains.— En résumé, excellente publication.

VARIÉTÉS.

Colmar, 12 août 1870.

Monsieur le Rédacteur de la Revue Critique,

Je viens en toute confiance vous soumettre les réflexions que m'a inspirées l'article consacré par M. Rodolphe Reuss, dans votre estimable et sérieuse Revue (30 juillet), à mon livre intitulé les Huguenots du XVIe siècle.

Je respecte les droits de la critique. Mais quand elle pousse la sévérité jusqu'à l'injustice évidente; quand elle donne à un public important comme le vôtre une idée absolument fausse d'un volume qu'elle annonce, l'auteur de l'ouvrage maltraité a, ce me semble, le droit incontestable de se défendre sur le terrain même où on l'a attaqué. C'est dire, M. le rédacteur, que j'ose compter sur votre parfaite loyauté pour l'insertion intégrale de cette lettre dans votre excellent recueil. Je ne viens point contester l'intelligence critique de mon adversaire ; j'établirai tout simplement que, pour des raisons que je n'ai point à rechercher, elle l'a fort mal servi en ce qui concerne mon livre. Entre lui et moi, les lecteurs de la Revue jugeront.

Selon M. R. le but que je poursuis n'est pas «< purement scientifique »;

ma «< méthode ne l'est pas davantage »; au lieu de donner «< une série de biographies bien choisies de personnages typiques de la Réforme, » j'ai dressé un «< catalogue scolastique des vertus des huguenots, avec neuf subdivisions. >>

Pourquoi mon but ne serait-il pas scientifique? N'y aurait-il, de par M. R., qu'une manière d'écrire l'histoire ? Cette science vaste entre toutes n'auraitelle pas entre autres la mission mission non moins belle que délicate — de retracer la vie des nations? Si tel n'est pas l'avis de M. R., c'est bien certainement l'avis de bon nombre d'historiens pour le moins aussi illustres que lui.

Mais passons. Monsieur R. trouve à redire à ma méthode. Il fallait, selon lui, donner une série de biographies des personnages typiques de la Réforme. Mais c'était me condamner à laisser dans l'ombre tant de figures belles aussi, intéressantes à divers titres, moins connues que les premières, mais propres à fournir à l'historien des mœurs des huguenots bien des traits précieux. Pour atteindre à mon but, dont M. R. n'ose contester la légitimité, pour présenter un tableau complet de la vie des huguenots, le plan que j'ai adopté était le seul possible: caractériser avec ordre les mœurs des huguenots du xvie siècle, après avoir fait connaître sommairement les idées morales et religieuses dont elles furent l'expression, et cela sans négliger de résumer, pour des lecteurs moins savants que M. R., les premières origines de la Réforme, etc. M. R. en veut à mes neuf subdivisions qu'il ne se donne pas même la peine de reproduire exactement, confondant, involontairement sans doute, des subdivisions toutes secondaires avec les subdivisions essentielles; il lui suffit pour avoir raison de ma méthode, d'écrire le gros mot de «< catalogue scolastique. » Il aurait mieux fait, je crois, de prouver qu'il y a du scolasticisme à montrer l'influence de l'idée évangélique marquant d'un sceau particulier les principales facultés de l'entendement, réformant ensuite la vie de famille, guidant le citoyen et le soldat, inspirant et soutenant les martyrs, semblable enfin à une sève généreuse qui, du cœur de l'arbre, s'élance au dehors sous forme de bourgeons, de fleurs, de fruits.

Mais voici le principal grief de mon honorable critique. A l'entendre, j'aurais été d'une partialité révoltante. J'ai eu tort d'étendre à tous les membres du parti huguenot les éloges dus à juste titre au plus grand nombre. J'ai cédé à des préoccupations religieuses en attribuant à tous les huguenots des vertus que je refuse à tous les catholiques. Les réserves formelles que j'ai faites en une demipage (p. 240) ne suffisent pas à M. R...; il sourit involontairement, quand il m'entend dire que je pousserai l'impartialité jusqu'à reconnaître que Bèze, Coligny lui-même (c'est-à-dire les plus grands personnages qu'ait produit la Réforme) ne me sont pas entièrement sympathiques. J'ai perdu mon temps à démontrer que les huguenots avaient des sentiments religieux, de l'imagination, de l'esprit, qu'ils ne maltraitaient pas trop leurs serviteurs, etc. Ce sont, s'écrie-t-il avec dédain, des sentiments d'ordre naturel qui se trouvent chez les Turcs et les païens aussi bien que chez les huguenots du xvie siècle.

M. R. a tort de s'arrêter à moitié chemin. Pourquoi ne pas ajouter, pour

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