Page images
PDF
EPUB

par la façon large et hardie dont il est traité. Par un artifice semblable à celui que nous avons signalé dans l'effigie d'Io, et inspiré à l'artiste par les mêmes motifs de goût, l'œil frontal du Cyclope, légèrement indiqué, est presque noyé dans l'ombre projetée sur le haut du visage de Polyphême par son épaisse chevelure, et ce personnage, muni d'ailleurs de deux yeux bien placés et de dimensions ordinaires, n'apparaît que comme un homme d'une taille élevée. Dans quelques détails, le peintre s'écarte un peu du récit de Théocrite et des autres représentations graphiques du même sujet. M. P. a noté ces différences et fait ressortir leur intérêt.

III. 2.65 sur 1.35. Le troisième tableau offre un sujet difficile à déterminer. Une femme de haute taille, accompagnée d'une enfant, sort d'une maison dont la porte occupe le fond du tableau. Elles portent des objets peu distincts, mais qui, en raison de diverses circonstances, semblent destinés à un sacrifice. Sur une terrasse qui couronne la porte dont nous venons de parler, et sur des balcons ayant vue sur la rue, trois femmes, un jeune homme et un enfant suivent des yeux les deux premiers personnages.

Le besoin d'expliquer ce sujet a fait supposer qu'on se trouvait en présence d'un épisode célèbre de l'histoire de la famille Claudia, et que la grande figure de femme qui occupe le centre de la composition était la Claudia Quinta qui fit entrer dans Rome la statue de la bonne déesse (Liv. XXIX, 4; Val. Max. I, 8, 11). Cette explication tirait quelque vraisemblance du fait que la maison, décorée par la peinture en question, aurait été celle de Tibère, membre de la gens Claudia. M. Renier ayant démontré que la maison appartenait à Livie, M. P. croit qu'il n'y a plus à chercher ici une représentation de l'épisode de Claudia Quinta, dont rien ne motiverait ici la présence. Mais le père de Livie appartenait à la gens Claudia et n'était entré dans la gens Livia que par adoption (Suet. Tib. 3), de sorte que le fait miraculeux attribué à Claudia Quinta appartenait réellement à la famille de Livie, et l'attribution de la maison du Palatin à son véritable propriétaire, n'infirme pas l'hypothèse qu'on avait émise. Ce qui la contredit mieux, et doit la faire rejeter absolument, c'est l'absence de tout attribut significatif, de toute indication un peu nette du sujet. Il est clair que le peintre aurait plutôt représenté Claudia Quinta tirant le navire par le Tibre, que quittant sa maison pour aller chercher ce navire. Il ne faut donc probablement voir ici qu'une peinture décorative, une imitation d'une rue de Rome. M. P. remarque qu'on n'a pas ici une architecture de fantaisie, mais la représentation exacte de maisons romaines. En général, on s'est trop peu occupé des détails architectoniques que fournissent les peintures antiques : ils ont le plus souvent, une valeur très-grande comme l'a démontré Hittorff', et nous avons ici un exemple à ajouter à ceux qu'il a produits.

IV-V. o.75 sur om.65. Ces tableaux représentent, suivant M. P. des scènes de magie: l'explication détaillée qu'il fournit est de tout point satisfaisante et

1. Mém. de l'Acad. des Inscript. Nouv. série, XXV, 2 p.

bien préférable à l'opinion récemment émise', qu'il n'y aurait là que des scènes de toilette.

Si de ces peintures, qui datent du premier siècle de notre ère, on rapproche d'autres tableaux, trouvés à Rome en différents points et qui sont aujourd'hui conservés à la bibliothèque du Vatican, on constitue un groupe très-supérieur pour la composition et pour le dessin, à la plupart des peintures exhumées des cités campaniennes. On conçoit que les artistes qui travaillaient à Rome, sous les yeux de juges difficiles, à côté des chefs-d'œuvre de l'art grec transportés dans la capitale, et qui sentaient leur émulation se développer sous des causes multipliées, aient dû concevoir plus grandement leurs sujets et les exécuter avec une science plus profonde.

En citant, pour l'explication des peintures du Palatin, tous les passages des poètes propres à en faciliter l'interprétation, en multipliant les comparaisons avec d'autres œuvres antiques, M. P. s'est abstenu cependant de commentaires inutiles. Il juge l'art avec discernement et avec goût, et ses quelques pages sont d'une lecture aussi agréable que solide.

C. DE LA BERGE.

69.

Επιστολιμαία διατριβὴ κατὰ τῶν λεγόντων, ὅτι ἐννοητέον ἐστὶ πρὸ τοῦ Θ' ἄρθρου τοῦ Συμβόλου τῆς πίστεως τὸ ῥῆμα « πιστεύω. » Ὑπὸ Ἰωάννου Ν. Βαλέττα. Lettre à mon fils) contre ceux qui supposent le verbe « je crois » sous-entendu devant le 9′′ article du symbole de la foi, par Jean-N. VALETTAS. In-8°, 23-244 p. 1871. Paris, chez Maisonneuve; Londres, chez Clayton et C. Prix: 6 fr.

M. Valettas, aujourd'hui directeur de l'Ecole hellénique à Londres, est un savant grec déjà connu de nos lecteurs par son remarquable travail sur les lettres de Photius, travail qui a paru à Londres en 18642. Depuis lors il a publié une intéressante monographie sur Homère et tout récemment une traduction de l'Histoire de la littérature grecque par Donaldsen 3. M. Valettas est donc un homme considérable, dont les opinions ont une grande importance et doivent être sérieusement examinées. Ces quelques mots préliminaires nous ont paru indispensables avant d'aborder le grave sujet qui fait l'objet de sa dernière publication, celle que nous annonçons aujourd'hui.

Comme on le voit d'après le titre, c'est une dissertation sous forme de lettres, dans laquelle l'auteur cherche à réfuter ceux qui prétendent qu'il faut sousentendre le mot Tú, « je crois,» avant le neuvième article du symbole, relatif « à l'Église une, sainte, catholique et universelle. » Nous n'avons point qualité pour admettre ou repousser le système d'interprétation soutenu par M. Valettas; nous nous contenterons d'exposer les arguments sur lesquels l'auteur

1. Revue archéologique. Janvier 1872. M. Dilthey (Rheinisches Museum) incline à voir dans un de ces tableaux une scène de l'Hippolyte d'Euripide; v. la réfutation de M. Perrot, P. 36. 2. Voyez la Revue critique du 31 mars 1866.

3. Sur cette traduction voy. M. Egger dans le Journal des savants, nov. 1871, p. 582.

s'appuie, lui demandant seulement la permission de lui soumettre quelques observations.

Dans ce travail une question de doctrine se rattache à une question d'orthographe et de grammaire. Toute la dispute repose sur le déplacement d'une virgule et la suppression de la conjonction xxi devant le 9° article du Symbole. Au fond l'auteur confesse parfaitement l'existence et le pouvoir d'une Église catholique et apostolique, mais il ne veut pas qu'on en fasse un article du Credo, et il s'appuie sur la construction grammaticale de la phrase qu'il coupe d'une manière toute différente de celle que l'usage a consacrée. Après l'incise xai eiç tò aveŭμz τὸ ἅγιον, τὸ κύριον, τὸ ζωοποιόν, τὸ ἐκ τοῦ πατρὸς ἐκπορευόμενον, τὸ σὺν πατρὶ καὶ υἱῷ συμπροσκυνούμενον, τὸ λαλῆσαν διὰ τῶν προφητῶν, il ne veut pas qu'on ponctue, mais au contraire il continue sans aucune interruption als uíav ayian καθολικὴν καὶ ἀποστολικὴν ἐκκλησίαν, et il rapporte ces derniers mots au verbe λaλav au lieu de sous-entendre, comme on le fait communément, le verbe TOTEú. Cette manière de comprendre et de lire lui a été suggérée par un passage de l'opuscule de Photius intitulé : Ερωτήματα δέκα σὺν ἴσαις ταῖς ἀποκρίσεσι, « Dix questions avec le même nombre de réponses. » « Εκκλησία εἰς ἣν καὶ τὸ πανάγιον Πνεῦμα διὰ τῶν προφητικῶν σαλίπγγων, κατὰ τὴν ὑφήγησιν τοῦ ἱερωτάτου καὶ σεβασμίου ὅρου, ἀνομολογοῦμεν λελαληκέναι, τὸ λαλῆσαν διὰ τῶν προφητῶν ἱερολογοῦντες εἰς μίαν καθολικὴν καὶ ἀποστολικὴν ἐκκλη σίαν. »

Cette interprétation se trouve d'ailleurs confirmée par la distribution du symbole dans un célèbre manuscrit de la bibliothèque Bodléiene, et par un passage du discours de Siméon de Thessalonique Κατὰ πασῶν τῶν αἱρέσεων.

A l'appui de ces textes, assurément très-dignes d'attention, M. Valettas invoque un argument de philologie pure. Il relève un certain nombre d'exemples tirés du Nouveau Testament, qui tous contiennent le mot Toteów, et il en conclut que la préposition is ne doit s'employer après лoτeów que quand il s'agit de Dieu ou de quelqu'une des personnes de la Sainte-Trinité. Partout ailleurs et toutes les fois qu'il est question de créatures ou même d'institutions divines, quelque saintes qu'elles soient, c'est du datif qu'il faut se servir. Or dans le Symbole il y 2 εἰς μίαν ἁγίαν καθολικὴν καὶ ἀποστολικὴν ἐκκλησίαν. L'Église est-elle donc une quatrième personne de la Sainte-Trinité? Évidemment non. Donc eiç ne peut se rapporter à πιστεύω, mais bien à un autre verbe, à λαλῆσαν.

Cette doctrine nous paraît un peu trop absolue. Nous ne pensons pas qu'il faille chercher de pareilles finesses grammaticales dans le Nouveau Testament, comme s'il s'agissait d'un traité de Platon ou d'un discours de Démosthène. Déjà du temps des apôtres, on voit la tendance à remplacer le datif par l'accusatif précédé de la préposition is, se manifester dans leurs écrits.

C'est ce qui s'est produit plus tard dans le latin; meo patri est devenu ad meum patrem qui n'est autre chose que notre à mon père. A plus forte raison à l'époque du concile de Nicée, au Ive siècle de notre ère et dans les siècles suivants. A ce propos je citerai un souvenir philologique tout récent. Il y a peu de temps je

comparais une des pièces du concile de Chalcédoine, publiées dans l'édition du Père Labbe, avec un manuscrit de la Bibliothèque nationale. Je rencontrai une phrase où un datif gouverné par un verbe, suivant la construction ordinaire, était remplacé dans le manuscrit par l'accusatif précédé de eis.

Nous croyons donc qu'avant de poser une règle aussi absolue que celle de M. Valettas il faudrait étudier l'emploi de Teów non-seulement dans le Nouveau Testament, mais encore dans l'Ancien et surtout dans les écrivains ecclésiastiques contemporains du Symbole. Il faudrait lire la plume à la main tous les pères de l'Église grecque, tous les historiens, tous les conciles, et voir si jamais. on ne rencontre le datif là où il veut eis, ou siç là où il veut le datif. Malheureusement une pareille recherche demanderait presque une vie d'homme.

Si le Symbole de Nicée était dû en entier au concile de Nicée, on aurait pu consulter la très-ancienne version copte qui en a été conservée. Malheureusement on s'était arrêté, à Nicée, à l'article du Saint-Esprit, et la version copte, comme toutes les anciennes versions grecques, y compris celles de Gélase, d'Eusèbe et du concile d'Ephèse, ne nous donne plus après cela que les anathèmes promulgués contre les hérétiques par le saint concile, au nom de la Sainte Eglise catholique et apostolique. Ce dernier article, celui qui est relatif au StEsprit, ne consiste d'ailleurs que dans une simple affirmation; on y lit seulement: « xai els tò äɣlov тvεŭрa. » Rien de plus. Il était inutile de s'étendre alors davantage, car aucune hérésie ne s'était encore attaquée directement à la troisième personne de la Trinité. Ce qui se trouve de plus dans le Symbole actuel, a été ajouté par le concile de Constantinople.

Cependant M. Revillout, comme il nous l'a confirmé lui-même, a trouvé parmi les explications qui accompagnent ces anathèmes, dans une partie de la version copte qui n'est point encore publiée, les mots qui a parlé par les prophètes s'appliquant au Saint-Esprit. Mais après cela, comme dans beaucoup d'autres textes du même genre', il n'est pas parlé du tout de la sainte Église catholique. Il est question de la descente du Saint-Esprit sur le Christ au moment de son baptême dans le Jourdain.

Nous ne pouvons examiner les nombreux arguments que le savant auteur a réunis dans son beau volume. Nous serions entraînés beaucoup trop loin. M. Valettas y a déployé une vaste érudition et un talent incontestable, et en particulier cet art de manier la langue grecque, que nous avons autrefois signalé en parlant de sa préface aux lettres de Photius. Nous devons dire cependant que ses arguments, s'ils prouvent toute l'étendue de sa science ne sont peut-être pas aussi décisifs en faveur de la thèse qu'il soutient. Suivant nous, la plupart des citations qu'on trouve dans son travail, ne prouvent ni pour ni contre son opinion. Quelques-unes même sembleraient tourner plutôt contre lui. Telle est entre autres cette citation de la lettre de saint Athanase aux églises d'Afrique, citation

1. Voyez les exemples donnés par M. Michel Nicolas dans son Essai historique sur le Symbole des Apôtres.

qui a été imprimée en grosses capitales..... ὅτι ΟΥΚ ΕΣΤΙΝ ΗΜΩΝ Η ΠΙΣΤΙΣ ΕΙΣ ΤΗΝ ΚΤΙΣΙΝ, ἀλλὰ εἰς ἕνα Θεὸν πατέρα..... καὶ εἰς ἕνα κύριον κτλ. Nous pensons qu'il faut traduire simplement : « Nous n'avons pas foi en une » créature, mais en un Dieu Père ..... Fils ..... et Saint-Esprit. » Autrement dit : « Il n'y a pas de créature dans la Trinité à qui nous devions hommage, >> mais nous croyons en une Trinité, une, consubstantielle et toute divine. » C'est à peu près mot pour mot ce que l'on trouve dans un fragment copte attribué au concile de Nicée et que M. Revillout va bientôt publier.

Il résulte bien de là que saint Athanase repousse l'idée que els après miong puisse s'appliquer à la créature, et veut qu'il s'adresse seulement à Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint-Esprit. C'est sa réponse aux hérétiques qui voulaient faire du Saint-Esprit une simple créature. Mais il n'y a point là, comme croit le voir M. Valettas, une négation du caractère divin appartenant à l'Église, ce qui est le grand argument de ceux qui défendent contre lui l'interprétation consacrée du Symbole.

Cette interprétation a évidemment de très-profondes racines dans l'Église grecque, et nous ne croyons nullement, comme le fait M. Valettas, qu'il faille en reporter l'origine aux prédications des Grecs unis après le concile de Florence.

Quoi qu'il en soit, ce que nous n'hésitons pas à affirmer, c'est que, si M. Valettas se trompe, il se trompe de très-bonne foi. Aussi son mérite, son savoir, son caractère auraient dû le mettre à l'abri de certaines attaques violentes dont il a été l'objet de la part de quelques-uns de ses compatriotes. Hâtons-nous d'ajouter que dans ces derniers temps le ton de la presse théologique grecque s'est sensiblement adouci à son égard. Il a d'ailleurs invoqué une décision du patriarche œcuménique de Constantinople, et du saint Synode d'Athènes; et jusqu'ici ni l'une ni l'autre de ces deux autorités ne s'est encore prononcée.

E. M.

70.

Rinaldo da Montalbano, pel prof. Pio RAJNA. Garignani. 1870. In-8°, 98 p. (Estratto del Propugnatore).

Bologna, tipogr. Fava e
Prix :

On savait par divers indices qu'il avait dû exister en Italie un poème sur le sujet des Quatre Fils Aimon, et on avait même pu conjecturer que ce poème avait eu une importance assez considérable dans l'histoire de la poésie romanesque en Italie; mais on ne connaissait aucune des trois formes par lesquelles on doit s'attendre à voir passer une chanson de geste française transportée de l'autre côté des Alpes: poème franco-vénitien, roman en prose, poème toscan en octaves. M. Rajna, qui apporte à l'étude historique et critique de l'épopée italienne une rare pénétration et un goût littéraire des plus fins en même temps qu'une patience exacte et minutieuse, a découvert les deux dernières formes dans des manuscrits de Florence, il les a soumises à une analyse soigneuse, les a comparées entre elles et aux textes français et est arrivé à quelques résultats qui ne sont pas seulement intéressants pour l'histoire, encore si obscure, de la

« PreviousContinue »