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D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE

N. 2

13 Janvier

1872

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Sommaire: 6. Les divans des six poètes antéislamiques Ennabiga, 'Antara, Tharafa, Zuhair, Alqama et Imruulqais, p. p. AHLWARDT. 7. MARTIN, Sur des instru ments d'optique faussement attribués aux anciens. 8. BAEHR, Histoire de la littérature romaine; BERNHARDY, Précis d'une histoire de la littérature romaine; HÜBNER, Esquisse d'une histoire de la littérature romaine; TEUFFEL, Histoire de la littérature romaine; ALBERT, Histoire de la littérature romaine. Lettres, p. p. Waitz.

6.

9. CAROLINE MICHAELIS,

The diwans of the six ancient arabic poets Ennabiga, Antara, Tharafa, Zuhair, Alqama and Imruulqais, chiefly according to the Mss. of Paris, Gotha and Leyden and the collection of their fragments, with list of the various readings of the text, edited by W. AHLWARDT, prof. of Oriental languages at the University of Greifswald. London, Trübner, 1870. In-8°. Préf. xxx, var. et corr. 114, texte 224 pp.

M. Ahlwardt, auquel nous sommes déjà redevables de publications importantes, telles que la Qasidah de Chalef el-Ahmar, les fragments du diwan d'Abu Nowas, la chronique intitulée el-Fakhrt, vient de rendre un nouveau service aux études arabes, en éditant la Collection des poèmes antéislamiques les plus célèbres, connue sous le nom de Ash'ār es-sittah « Poésies des Six, » formée par le savant philolologue A'lam de Santa Maria et basée sur la tradition du grand grammairien de Basra, Asma'i et sur celles d'et-Tusi, Abu 'amr, el-Mofaddhal, etc.

En 1837, M. G. de Slane avait annoncé l'intention d'imprimer ce même recueil, et il avait commencé par le diwan d'Amrolkais qui parut avec une traduction latine, de riches notes et extraits de commentaires et la vie du poète (texte et traduction française), tirée du Kitab el-Aghani, cette source où l'on a déjà tant puisé et qui semble ne jamais devoir tarir. Détourné par d'autres travaux, M. de Slane dut renoncer à son projet, et depuis lors, le diwan de 'Alqama a été publié par M. Socin; une partie de celui de 'Antara par M. Thorbecke; enfin celui de Nabigha par M. H. Derenbourg, dans le Journal asiatique pour 1868.

Malgré ces travaux considérables, l'édition dont nous nous occupons ne perd rien de son importance. Sans parler de l'avantage qu'elle présente de réunir en un volume les six diwans complets, elle se signale par un ensemble de matériaux entièrement neufs, amassés pendant de longues années, à savoir un recueil des citations de nos six poètes, par d'autres auteurs arabes, de vers qui manquent dans la recension d'A'lam et dans celle de Sukkari. Un intérêt tout particulier s'attache à ces fragments, si nombreux que M. A. a pu songer un instant à reconstituer avec eux les diwans, car ils supposent d'autres recensions que celles

que nous connaissons. On comprend facilement ces divergences de texte en songeant que, pendant plusieurs siècles, ces poésies furent transmises par tradition orale et qu'ensuite elles subirent les corrections et les remaniements systématiques de grammairiens appartenant à des écoles rivales.

Ces considérations amènent naturellement à la question de l'authenticité des poèmes qui nous sont parvenus. M. A. s'exprime à cet égard très-catégoriquement. Il croit que, sauf les Moallaqat, nous ne possédons, pour ainsi dire, que des pastiches du genre antéislamique, des photographies, plus ou moins fidèles, des originaux. Cette opinion est peut-être un peu exagérée, car les lexicographes arabes ont toujours eu intérêt à conserver intactes les œuvres qui servaient de base à leurs dictionnaires, conjointement avec le Koran; pourtant, comme les variantes ont dû s'introduire de bonne heure dans des vers préservés seulement dans la mémoire des Arabes du désert, on s'explique la défiance avec laquelle un érudit aussi compétent que M. A. traite ces compositions, surtout quand on songe que, souvent, la mauvaise foi des lettrés a pu faire passer des œuvres de leur imagination pour celles de poètes si justement admirés 1. Abandonnant quant à présent, et avec raison, toute tentative de restauration du texte primitif, M. A. s'est donc borné à éditer le plus de documents possible. Il s'est acquitté de cette tâche avec un soin et une persévérance dignes des plus grands éloges. Dix manuscrits ont servi de base au texte donnant la recension d'A'lam; celui de Leyde qui offre la recension de Sukkari a fourni le texte d'Imruulqais. Les fragments ont été recueillis dans un nombre considérable d'ouvrages, tant imprimés que manuscrits, dont l'énumération serait trop longue ici et pour laquelle nous renvoyons le lecteur à l'intéressante préface de l'éditeur, si élégamment traduite en anglais, par le Dr J. Nicholson, de Penrith. Les poèmes et les fragments ont été rangés d'après l'ordre alphabétique des rimes, ce qui est commode sans doute, mais ne saurait être que provisoire. Hâtons-nous d'ajouter que des tables comparatives permettent de retrouver l'ordre observé dans les mss., et qu'une dernière table renferme les notices en arabe sur les événements à l'occasion desquels chaque poème ou chaque fragment a été composé.

Nous ne pouvons entrer ici dans de longs détails sur le choix des leçons, l'interversion ou la suppression de certains vers 2; un tel travail atteindrait les proportions d'un mémoire. Qu'il nous suffise de constater un fait caractéristique: entre plusieurs variantes également admissibles, M. A. reçoit généralement dans son texte celles qui ont été rejetées dans les notes par ses prédécesseurs, et c'est un parti pris chez lui de négliger les éditions que nous avons citées plus haut.

1. On sait que Chalef-el-Ahmar était coutumier du fait; cf. Flügel, Die gramm. Schulen der Araber, p. 56 et Ibn Khallikan, n° 262.

2. Signalons pourtant ce fait singulier que M. A. met au nombre des vers d'Imruulqais, dans le supplément, le 72 béit de la Mo'allaqah d'Amr ben Qolthoum cité comme appartenant bien à ce dernier par le Kitab el-Aghani, dans la vie d'Imruulqais; cf. le Diwan d'Amrolkais éd. de M. G. de Slane, p. 4 du texte.

Nous n'en regrettons que plus vivement l'absence de commentaires, d'une traduction ou, tout au moins, de notes exposant les motifs de ces préférences. Combien il était facile au savant éditeur de nous faire profiter des immenses ressources dont il a disposé. Il engage les hommes compétents à soumettre chaque pièce à un examen indépendant, car, dit-il, ces vers sont les plus anciens, les plus intéressants, mais aussi les plus difficiles de la littérature arabe, et méritent l'étude la plus attentive. C'est fort bien, mais pourquoi condamner les futurs exégètes à recommencer de pénibles recherches, à surmonter des difficultés déjà vaincues par lui, pour son compte personnel? Ceci n'est nullement un blâme, mais une prière adressée à M. A. pour le décider à nous ouvrir ses mains pleines; le vœu qu'il exprime n'en sera que plus tôt réalisé, et nous cesserons de voir une pointe de malice dans les vers qu'il s'applique :

In tadjid ‘aibān fa saddi‘l-khalalā

Djalla man lā ‘aiba fi-hi wa ‘alā.

<< Si tu découvres une imperfection, corrige-la; Gloire à celui qui est sans imper»fections (Dieu)! >>

Stan. GUYARD.

7. Sur des instruments d'optique faussement attribués aux anciens par quelques savants modernes par Th. Henri MARTIN. doyen de la Faculté des lettres de Rennes, membre de l'Institut (extrait du Bulletino di bibliografia e di storia delle scienze matematiche e fisiche, tome IV, mai-juin 1871). Paris, Vieweg, 1871. In-4°, 74 P.Prix : 3 fr.

Ameilhon avait déjà prouvé en 1786 (Mémoires de l'Académie des inscriptions, XLII, 490-506) que les anciens n'avaient eu ni télescope à miroir, ni lunettes astronomiques, ni lunettes d'approche. Lessing a établi en 1743 (Briefe antiquarischen Inhalts, XLIV) que les anciens n'ont eu ni microscopes, ni loupes, ni lunettes pour myopes et presbytes. M. Th. H. Martin a cru devoir reprendre ces deux questions non-seulement pour débarrasser l'histoire de l'optique de certaines erreurs de fait, mais aussi pour éclairer certaines parties peu connues de cette histoire et pour expliquer le sens trop souvent mal compris d'un grand nombre de textes anciens.

M. M. a atteint le but qu'il se proposait; et son mémoire est digne de tous ceux qu'il a déjà publiés sur l'histoire des sciences dans l'antiquité, pour l'étendue, l'abondance et la sûreté de l'érudition. Il prouve (p. 6 et suiv.) que dans Strabon (III, 1, p. 138), il faut lire avec tous les manuscrits au ☎v et que úv n'est pas une bonne correction. Il a interprêté le premier avec exactitude (p. 43) le passage de Théodore Prodrome où il est dit que les médecins de l'empereur Manuel Comnène après avoir tâté son pouls examinèrent à oxúbala μetà ToŬ úsλíov, c'est-à-dire les déjections avec l'urine. Du temps des Byzantins, comme le montre M. M. en citant le titre du traité de Planude (Physici et medici graeci minores, Ideler, II, 318), qui est περὶ ὑελίων au lieu de περὶ οὕρων, ὑέλιον

désignait la fiole de verre à travers laquelle le médecin examinait les urines des malades et par euphémisme l'urine considérée au point de vue médical'. Je ne vois d'objections à faire à M. M. que sur deux passages, et encore elles ne touchent pas au fond des choses. Le texte de Plutarque, Marcellus, 19 (que M. M. a le tort de ne pas citer in extenso non plus que les autres), où il est dit qu'Archimède fut tué au moment où il portait certains instruments, entre autres γωνίας αἷς ἐναρμόττει τὸ τοῦ ἡλίου μέγεθος πρὸς τὴν ὄψιν, n'est pas traduit exactement par « des angles avec lesquels il adaptait à la vue la grandeur du soleil. » Le verbe est intransitif et au présent : « au moyen desquels la grandeur du soleil » est ajustée à la vue. » Le texte de Damien (optique dans Martin, Recherches sur Héron d'Alexandrie, appendice, p. 418), où il est question de l'effet produit par les rayons du soleil à travers des verres porte : κατακλώμεναι γὰρ (αἱ ἀκτῖνες) καὶ εἰς ἕν συννεύουσαι ἐξάπτουσι πέριξ τὰ ποιὰ χρήματα. Je ne crois pas qu'on puisse traduire << enflamment les objets de nature convenable placés à l'entour, c'est-à>> dire sans doute à l'entour du point de convergence. » Pour être enflammés les objets doivent être au point de convergence. Le texte me paraît signifier littéralement << enflamment tout autour les objets d'une certaine nature. » L'adverbe népi modifie le verbe žánrovst. Il faut avouer que le sens n'est pas très-clair; on trouve aussi apà dans les manuscrits, et il pourrait bien y avoir quelque altération dans le texte.

Au reste ce passage où le fait est décrit avec précision fait un contraste frappant avec tous les textes rassemblés par M. M. où il est question de ce phénomène. Il est évident que sur ce point de physique comme sur quelques autres les mathématiciens avaient des notions beaucoup plus exactes et plus précises que les philosophes. Je serais bien étonné qu'un géomètre aussi profond qu'Archimède, qui s'était beaucoup occupé des phénomènes de réflexion et de réfraction, n'eût pas tenu compte de la forme des verres ni de la courbure de leur surface. Mais ce qu'il en disait s'est sans doute perdu. Si le hasard ne nous avait pas conservé son traité de l'équilibre des corps flottants, comment pourrait-on même soupçonner qu'il avait connu avec tant de précision le théorème d'hydrostatique qui porte son nom et traité des questions aussi difficiles que celles des conditions d'équilibre de certains corps flottants? Il avait très-bien pu reconnaître l'influence de la courbure du verre sur la réfraction, sans penser à appliquer ces notions en vue d'un but pratique. Les anciens ne songeaient nullement à multiplier les moyens de vérifier et d'expérimenter, parce qu'ils ne se préoccupaient pas du tout de vérifier et d'expérimenter. On n'y a songé qu'au XVIe siècle.

**

1. M. M. demande (p. 44) en plaisantant, « si les tables de nuit étaient alors en usage » à Constantinople. » On peut répondre à la question par le passage de Voltaire (Dict. philosophique, art. Table): « Table de nuit, inventée en 1717. Meuble commode qu'on << place auprès d'un lit, et sur lequel se placent plusieurs ustensiles. »>

8.

Geschichte der ræmischen Literatur, von D' Johann Christian Felix BEHR, vierte verbesserte und vermehrte Auflage. Drei Bænde. Carlsruhe, Müller, 1868-1870. In-8, t. I, xvj et 803 p. Prix: 12 fr.

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Grundriss der ræmischen Literatur, von G. BERNHARDY, fünfte Bearbeitung. Erste Abtheilung. Braunschweig, Schwetzchke, 1869. In-8°, 384 p. - Prix de l'ouvrage complet 18 fr.

Grundriss zu Vorlesungen über die rœmische Literaturgeschichte, von E. HÜBNER. Zweite vermehrte Auflage. Berlin, Weidmann, 1869. In-8°, iv et 92 p. Prix fr. 75 c.

Geschichte der ræmischen Literatur, von W. S. TEUFFEL. Leipzig, Teubner, 1868-1870. In-8, 1052 p.

Histoire de la litérature romaine, par Paul ALBERT, maître de conférences à l'École normale supérieure. Delagrave, 1871. 2 vol. in-12, 386 et 392 p. 7 fr.

Prix :

Jusqu'à notre siècle on se doutait à peine de ce que devait être l'histoire littéraire. Jusqu'alors on n'avait guère que des recueils de notices biographiques et esthétiques sur les écrivains accidentellement conservés. F.-A. Wolf est le premier qui ait montré à la philologie en général, à la science de l'antiquité, comme il l'appelait plus justement, la vraie méthode de recherche et d'exposition. Il fit voir comment toutes les études sur la langue, la littérature, les mœurs et les institutions devaient se prêter un mutuel appui et être inspirées par un même esprit, qui est l'esprit historique. Il ne se contenta pas de tracer en quelques pages lucides le plan général des études philologiques ; il prêcha aussi d'exemple. Ainsi, pour la littérature latine, il suivit dans ses cours un plan raisonné qu'il publia à part 2 avec une introduction dans laquelle, après avoir montré que l'histoire littéraire d'une nation doit être celle de son développement intellectuel, qu'il est impossible de l'étudier avec fruit et de l'écrire sans rappeler les événements extérieurs qui influent sur le caractère, l'esprit et le goût de chaque époque, il examine quelle est la meilleure méthode d'exposition. Et ici se présente la plus grande difficulté: quel que soit l'ordre qu'on adopte, l'ordre chronologique ou l'ordre des genres, on est forcé, ou de séparer des faits qui ont entre eux une connexité intime, ou bien de se répéter. Wolf pense que la division qui offre le moins d'inconvénients est celle qui consiste à réunir dans une première partie qui sert d'introduction, toutes les vues générales, en mentionnant les événements historiques qui ont exercé une influence sur la culture littéraire on indiquera les différentes périodes, en insistant sur les faits (data) qui expliquent le progrès ou la décadence dans les arts ou les lettres, sur les causes qui ont pu former le goût ou le pervertir, en signalant les époques auxquelles chacun des principaux genres littéraires a pris naissance ou a reçu des

1. Darstellung der Alterthumswissenschaft, dans le Museum der Alterthumswissenschaft. Berlin, 1807, p. 1-145, reproduit dans ses Kleine Schriften. Halle, 1869, t. 2, p. 808 et suiv. Traduit en français dans le Magasin Encyclopédique.

2. Geschichte der ræmischen Literatur; ein Leitfaden zu Vorlesungen. Halle, 1787. In-8°.

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