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avons rendu compte du troisième volume (Revue critique, 1867, 1, 194 et suiv.). Nous ne pouvons que répéter ici les mêmes critiques et les mêmes éloges. Le plan adopté par M. P. est vicieux. Il analyse les traités de logique composés par les différents scolastiques en les rangeant dans l'ordre de la date de leur mort. D'abord cet ordre est assez arbitraire, parce que la date de la mort de ces auteurs est rarement connue avec exactitude. Ainsi on ne sait pas au juste quand Buridan est mort. Mais il est constaté authentiquement qu'il était recteur de l'Université de Paris en 1327, qu'il a réclamé au nom de son corps auprès du roi en 1344, qu'il a été nommé à un bénéfice de chapelain avec la qualification de magister in artibus en 1348 (Bulaeus, Hist. univ. Paris. IV, 212, 282, 304). En outre si un auteur est mort très-âgé et qu'il ait survécu longtemps à un homme plus jeune, ou qu'ils soient morts à peu près en même temps, les dates de leurs morts peuvent tromper sur leurs rapports. Ainsi il paraît qu'Albert de Saxe est mort en 1390 et Marcelius de Inghen (il écrit ainsi lui-même son nom) en 1396. Mais on connaît plus sûrement les rapports de ces deux hommes quand on sait qu'Albert de Saxe a présidé des examens dans la Faculté des arts de l'Université de Paris de 1353 à 1359 et Marcelius de Inghen de 1364 à 1377 (voir la Revue critique, 1868, II, 288). L'inconvénient le plus grave du plan suivi par M. P. c'est qu'il oblige à une foule de répétitions et disperse l'exposition de théories qui seraient plus claires et en elles-mêmes et dans leurs modifications, si l'ordre était systématique. Précisément M. P. a eu le mérite de bien mettre en relief que les philosophes célèbres du moyen-âge sont dépourvus d'originalité personnelle. Mais il n'a pas assez remarqué que ces philosophes étaient des professeurs s'adressant dans la Faculté des arts, non pas à des étudiants, mais à des écoliers, que leurs ouvrages étaient des cahiers d'enseignement qu'on se transmettait et qui ne méritaient pas d'être analysés séparément. C'est ainsi qu'on s'explique pourquoi les mêmes idées se rencontrent en différents ouvrages développées à peu près dans les mêmes termes, comme M. P. l'a remarqué lui-même et comme on peut le constater dans toute la littérature scolastique.

Si l'instruction que procure l'ouvrage de M. P. est pénible à acquérir, elle est solide. Le sujet est approfondi et à peu près épuisé. Il y a inévitablement des rectifications à faire. Mais l'ensemble subsiste. M. P. explique nettement en quoi consiste le changement que l'enseignement de la logique a subi entre les mains de ceux qu'on a appelés plus tard les nominaux, qui apparaît d'abord dans les écrits d'Occam, et dont Buridan et Marcelius de Inghen passaient au xve siècle pour être les principaux représentants. Il démontre que la division entre les reales et les nominales ou terministae ne portait pas sur la manière de résoudre la question des universaux, mais sur la manière d'enseigner la logique : les nominales s'attachaient à ce qu'on appelait les proprietates terminorum, à la théorie des obligationes et des insolubilia, c'est-à-dire aux moyens d'argumenter et de disputer, tandis que les reales, faisant profession de s'attacher aux choses (res) et de ne pas s'inquiéter des mots (termini), étudiaient surtout la métaphysique, la physique, la morale, les universaux et les catégories. Les nominaux se rattachaient à Occam, Buridan, Albert de Saxe, Marcelius de Inghen, auteurs qu'on appelait moderni, les reales à Averroës, Albert-le-Grand, S. Thomas, Gilles de Rome,

Alexandre de Hales, Scot, qu'on appelait antiqui. La prédominance de la via moderna sur la via antiqua dans les Universités s'explique par la nécessité où on était de préparer les jeunes gens à la dispute, qui formait l'unique épreuve imposée pour l'obtention des grades: point sur lequel M. P. n'a pas appelé l'attention. Car la philosophie scolastique est comme l'indique son nom, une philosophie d'école et d'enseignement; et beaucoup des particularités qui la distinguent s'expliquent par les conditions de l'enseignement au moyen-âge.

Il me reste quelques observations de détail à présenter. - P. 2, n. 1. J'ai soutenu, au sujet de Pierre d'Espagne, contre M. P. une polémique (voir la Revue critique 1867, I, 199 et suiv. II, 4 et suiv.) qu'il clôt dans les termes suivants : «< Tant qu'il ne plaira pas à M. Thurot de remplacer une manie d'avoir » raison (le mot allemand rechthaberei est joli et intraduisible), qui se répand en >> arguments sans valeur, par une réfutation scientifique des preuves par lesquelles » j'ai solidement établi que la summula de Pierre d'Espagne n'est pas d'origine » latine, il doit m'être permis de considérer le résultat de mes recherches comme >> inattaquable. » Le lecteur qui prendra la peine de recourir aux articles cités plus haut verra que nos manières ne sont pas moins opposées que nos opinions. P. 14, n. 55. M. P. rapporte que Buridan cite sa logique en ces termes (in Eth. Nic. VI, 9, 6, f. 155 a) « in scripto meo super summulas. » Le mot summulae ainsi employé désigne toujours au moyen-âge l'ouvrage de Pierre d'Espagne (voir Revue critique 1867, I, p. 201, n. 4). Buridan a donc voulu dire << dans mon écrit sur les summulae de Pierre d'Espagne. » Et en effet la logique de Buridan paraît être un remaniement, une sorte de nouvelle édition revue et corrigée des summulae de Pierre d'Espagne. On lit dans le sixième traité, sur les lieux, après le lieu tiré de l'auctoritas : « Nunc autem dicendum est de quibusdam >> locis extrinsecis quos actor noster non videtur enumerasse, prout sunt locus a » disparatis, etc. » Et la glose manuscrite que j'ai sous les yeux (Bibl. nation. 14716, Olim. S.-Victor 713, xve s.), dit ici (f. 91 vo): « Hic actor determinat » de quibusdam locis extrinsecis positis ab actoribus et ab Aristotele thopicorum » quos non enumerat Petrus Hyspanus in locis extrinsecis. » Le préambule de cette glose manque. Elle commence (f. 3) par : « Circa istam partem notandum » est primo quod hoc nomen dyaletica » et finit (f. 110 v°) par << ut prius >> dictum est in prima assignatione modorum huius fallacie» dans la glose sur le texte de Buridan «< ultimo dicturi sumus de fallacia secundum plures interro>> gationes ut unam. » Le copiste n'a pas continué, et le reste de l'ouvrage de Buridan et de la glose manque. Les 21 règles sur les différentes espèces de suppositio citées par M. P. p. 29, n. 109 ne se trouvent ni dans le texte ni dans la glose de ce manuscrit (f. 55). Je me suis trompé dans ce que j'ai dit de ce manuscrit (Revue critique 1868, I, 344). — P. 26. Les termes distans, indistans sont empruntés aux grammairiens du XIIIe siècle. Voir Notices et extraits des manuscrits XXII, 2, p. 181, 187.-P. 40-41. M. P. a oublié que le traité dont il donne des extraits n. 158-160 est sous le nom de Gautier Burleigh dans le manuscrit de Sorbonne 956. Voir la Revue critique 1867, I, 198. En général il a placé beaucoup trop tard la théorie des obligationes et des insolubilia. Elle date certainement du xe siècle. - P. 60. Albert de Saxe avait revu une glose sur

un traité anonyme des consequentiae. Voir la Revue critique 1868, II, 252, n. 5. -P. 90, n. 350. Le nom écrit Clienton dans le commentaire de Caietanus de Thienis est écrit Clymeton dans le manuscrit de la Bibl. nat. 16134 (xıvos.), qui contient les sophismata de cet auteur, et peut-être est-ce le climenton qui est mentionné dans le ms. 15888, f. 181. Enfin Dulmenton est cité dans le ms. 16621 (XIVe s.). Voir l'inventaire du fonds Sorbonne par M. L. Delisle dans la Bibliothèque de l'École des chartes, t. XXXI.-P. 94. Dans le manuscrit (Bibl. nat. 16401, xive s.) à la suite de questiones qui commencent au f. 149 vo, on trouve f. 170 vo: «Questio inde multum dubia et non immerito dubitanda est hic, utrum » corpora dura possunt se invicem tangere. » Cette questio finit ainsi (f. 177 vo): << et parcite michi in quibus male dixi, quia istam questionem nunquam vidi de» terminatam. Explicit questio completa a venerabili magistro Mercilio de » Inghen. >> - P. 106. C'est à tort que M. P. attribue à Duns Scot la théorie du modus significandi développée dans sa Grammatica speculativa. J'avais déjà signalé cette erreur (Revue critique 1867, I, 195). Cf. Notices et extraits, XXII, 2, p. 148. Cette théorie lui est commune avec les grammairiens du XIIIe siècle. Elle était alors dans la tradition de l'enseignement grammatical. - P. 175, n. 6. Les deux vers << scribe per y grecum dya, duo significabit. Scribe per i nostrum sic de tibi significabit » se trouvent déjà dans le Grécisme d'Evrard de Béthune. Et cette interprétation a été signalée par M. Hauréau dans Héric d'Auxerre. Charles THUROT.

42.

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Philosophische Bibliothek. XVII. B. de Spinoza's kurzgefasste Abhandlung von Gott, dem Menschen und dessen Glück. Aus dem hollændischen zum ersten Male ins deutsche übersetzt und mit einem Vorwort begleitet, von C. SCHAARSCHMIDT, Prof. in Bonn. Berlin, Heimann, 1869. In-8°, xviij et 117 p. Prix: 75 c.

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Spinoza avait composé en latin un traité de Dieu, de l'homme et de sa félicité qui était une première ébauche de l'Ethique et que les fidèles de la petite église dont il était comme le pontife se communiquaient entre eux. On n'a pas encore retrouvé l'original latin; mais il a subsisté deux copies d'une traduction hollandaise, l'une appartenant à M. van der Linde, à La Haye, l'autre à M. Bogaërs à Rotterdam. La première copie a été imprimée avec une traduction latine en regard par M. van Vloten dans le recueil intitulé: ad Benedicti de Spinoza opera quae supersunt supplementum. Amstel. Müller, 1862. In-12. M. Schaarschmidt pense que la copie van der Linde dérive de l'autre, que le copiste a fait subir à la traduction beaucoup de changements arbitraires, et que la copie Bogaërs présente un texte plus voisin de l'original que l'autre. Il a imprimé la copie Bogaers sous le titre : « Benedicti de Spinoza «< Korte verhandeling van God, de » Mensch en deszelfs Welstand » tractatuli deperditi de Deo et homine ejusque » felicitate versio Belgica. Ad antiquissimi codicis fidem edidit et de Spinozanae » philosophiae fontibus praefatus est est Car. Schaarschmidt. Cum Spinozae » imagine chromolithographica. Amstel. Müller, 1869. In-8°. » Dans l'ouvrage dont nous rendons compte M. S. publie une traduction allemande de ce traité de Spinoza précédée d'une courte préface où il revient sur la question des sources de la philosophie de Spinoza, qu'il a traitée avec plus de détails dans sa précédente publication. Il accorde à MM. Sigwart et Avenarius que Spinoza a pu se

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REVUE CRITIQUE D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE. servir des ouvrages de Jordano Bruno, et lui-même dans la préface de sa précédente publication il a essayé d'établir que sur des points très-importants Spinoza avait suivi les anciens philosophes juifs, en particulier dans la doctrine de Dieu considéré comme substance unique et dans celle de l'amor intellectualis Dei qui présenterait un rapport frappant avec les idées professées par un philosophe juif de la fin du moyen-âge appelé Chasdai Crescas. Des analogies de doctrine ne suffisent pas, il faudrait des témoignages précis et directs pour démontrer que Spinoza a eu en philosophie un autre maître que Descartes, dont l'influence éclate partout dans ses écrits. Il était si naturel, en partant des principes de Descartes, d'arriver aux conséquences qu'en a tirées Spinoza, que Malebranche ne diffère de Spinoza que par sa piété et son christianisme qui l'ont empêché d'aller jusqu'au bout.

La traduction allemande de M. Schaarschmidt qui paraît faite avec soin, rend un grand service à ceux qui voudront connaître cet ouvrage de Spinoza. L'original hollandais est souvent obscur et la traduction latine de van Vloten laisse beaucoup à désirer.

Y.

43.-A mia figlia. Lingua e amore. Milano, Gernia. 1870. In-12, 204 p. Prix: 2 fr.

Cet ouvrage du «< deputato » B. Castiglia ne rentre guère dans le cadre de la Revue critique. L'auteur y écrit les premiers chapitres d'une histoire de la littérature italienne per le giovanette. Le moyen-âge, caractérisé par l'amour, est le sujet du premier chapitre (Amore); l'introduction est consacrée à la langue. Nous n'en aurions pas parlé si l'auteur n'émettait, dans cette partie de son ouvrage, des opinions singulières au sujet des langues romanes. Suivant lui, le français, l'espagnol et l'italien ne doivent pas leur similitude au latin; ce sont trois dialectes d'une langue populaire anciennement commune à tous ces peuples. En faveur de cette thèse hardie, M. C. ne donne rien qui ressemble à une preuve; il se contente d'effusions enthousiastes. Le système reçu sur l'origine de ces langues aurait pour résultat, à l'en croire, de créer la haine entre les diverses nations romanes, parce que les descendants des Gaulois et des Ibères ne pourraient pardonner aux Italiens de leur avoir ravi leurs langues nationales. << Questa medesimezza di lingua, dit-il (p. 31), se viene dalla conquista, è mac» chia di servitù. Se deriva da medesimezza di origine, è segno di parentela. » Quale de' due casi ameresti tu meglio? Buona e dolce come sei (l'auteur » s'adresse à sa fille), ameresti certo meglio l'ultimo... » Il est malheureux que des raisons de ce genre aient peu de poids en critique. — Le latin, suivant M. C., était la langue des patriciens, qui l'avaient créée pour se distinguer du peuple. « La lingua del popolo aveva verbi ausiliari; pronuncie abbondanti di >> vocali; terminazioni nei nomi e verbi parimente in vocali. I patrizi, studiando » a misteriosità e a suavità di dire, riuscirono a levare gli ausiliari e l'abbon>> danza delle vocali nelle terminazioni e nelle pronuncie. Così a grado a grado >> formaronsi una lingua a loro; si fecero declinazioni e conjugazioni e modi di >> dire tutti strani al popolo, e pieni di alterigia, pieni di sussiego (p. 35). Cette brochure est animée des sentiments les plus généreux, et l'auteur y fait preuve d'une certaine chaleur d'imagination.

Nogent-le-Rotrou, imprimerie de A. Gouverneur.

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