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§ XII

Défection de la Bavière.

Explications justificatives de l'ambassadeur de France à Munich
Traité de Ried, du 8 octobre 1813.
Manifeste du Gouvernement Bavarois.

Je me suis allié aux plus puissants Princes de l'Europe pour maintenir notre indépendance, pour rétablir la paix générale, pour former un équilibre des Puissances qu garantisse sa durée, qui, protégeant le commerce, anime de nouveau l'industrie et fasse ainsi renaître la prospérité des peuples.

« MAXIMILIEN-JOSEPH Ier. »

Il appartient à l'histoire diplomatique de relever le Gouvernement bavarois de l'injuste accusation d'avoir préparé par une attitude perfide une trahison accomplie au milieu des assurances d'une fidélité sans bornes. »

Bien que cette accusation fût partie de haut, dans l'origine, il est aujourd'hui certain qu'elle ne reposait sur aucun fait réel; c'est une démonstration que l'Exposé rédigé par l'Ambassadeur de France à Munich a rendue tellement évidente que désormais, on doit le croire, la loyauté du Cabinet bavarois, au milieu même des conjonctures les plus difficiles de l'année 1813, ne sera plus l'objet d'attaques passionnées et de jugements téméraires; car autre chose est la haute prudence que com-. mande le salut des États, autre chose est l'odieuse trahison.

L'extrait suivant d'un travail inédit que le comte Mercyd'Argenteau a rédigé d'après l'avis du duc de Vicence, du prince de Wagram et du prince Talleyrand, met dans tout son jour la politique loyale du Roi MaximilienJoseph 1er.

I

La rupture avec l'Autriche était imminente.

Cette puissance n'attendait que le moment de joindre ses armes à celles de la Russie 1.

Pendant qu'à la faveur de l'armistice, on négociait encore à Prague, où s'était rendu le comte de Narbonne, j'avais déterminé M. de Montgelas à se procurer, par l'entremise de la légation bavaroise à Vienne, l'état effectif de l'armée autrichienne et la position des différents corps. Mes renseignements arrivèrent en temps utile; ils étaient complets. Ils fournissaient la preuve des forces imposantes que l'organisation des landwerhs mettait sous la main de l'Autriche. M. de Bassano reçut mon travail pendant les conférences de Prague.

Cependant les régiments autrichiens s'acheminaient sans bruit à travers les montagnes de la haute Autriche pour gagner la frontière de l'Inn, et, quand l'armistice fut rompu, l'armée autrichienne, partout préparée à combattre, pouvait à la fois agir en Bohême et envahir la Bavière.

La cour de Munich s'alarma; on alla jusqu'à songer au départ du Roi et de sa famille.

Ce fut au milieu de ces graves circonstances que l'Empereur prescrivit au général de Wrède de prendre position sur l'Inn. Le général bavarois devait entrer en communication avec le corps d'armée du maréchal Augereau, désigné dans un ordre du jour sous le titre de Corps d'observation de Bavière, et avec l'armée d'Italie commandée par le vice-roi.

Wrède était à son poste à la tête de trois divisions, présentant un effectif de vingt-cinq mille hommes.

1 Voy. t. XIV, p. 160.

II

L'hostilité déclarée de l'Autriche venait de justifier toutes les appréhensions du Roi; la guerre, sous son nouvel aspect, lui apparaissait menaçante pour sa couronne, pour l'existence même de la Bavière.

Il se mit en relations directes avec son gendre, le prince Eugène, et avec le major général de l'armée, le prince de Neufchâtel, cherchant, dans cette rapidité de communications, un allègement à ses inquiétudes.

1

La correspondance retardée de M, de Bassano m'exposait souvent à un rôle passif, sans inconvénient quand le bruit des victoires en précédait l'annonce officielle, mais nuisible à mon influence à mesure que la situation s'aggravait. Je m'en plaignais en vain à M. de Bassano; vainement aussi, voyant le travail grandir avec la complication des événements, je réclamai l'envoi d'un secrétaire de légation en remplacement de M. Bogne de Faye, chargé d'une mission extraordinaire à Wurtzbourg : mes réclamations restèrent sans réponse.

L'Empereur voyait dans le succès de ses armes la solution de tout fermentation de l'Allemagne, hostilité de l'Autriche, craintes prématurées, rien ne devait survivre aux grands coups qu'il allait frapper.

Cependant la Déclaration de l'Autriche avait jeté dans Munich une juste et profonde alarme. Les frontières paraissaient dégarnies devant l'approche imminente de l'armée autrichienne sous les ordres du général Frémont. Wrède était sur l'Inn; mais la force défensive qu'il devait à la fois donner et recevoir par sa mise en contact avec le corps d'armée du maréchal Augereau et la nouvelle

4 Lettre du 26 juillet.

armée d'Italie, commandée par le vice-roi. cette force allait s'évanouir devant la réalité d'un complet isoement.

Si le corps appelé Corps d'observation de Bavière dans un ordre du jour de l'Empereur, ayant son centre à Wurtzbourg et appuyant les troupes disposées sur l'Inn, promettait un ensemble de protection rassurant pour la Bavière, c'était en vue d'un rapide concours de tous les éléments de la défense.

Aussi, en arrivant à son poste, le premier soin du général bavarois avait-il été d'envoyer des aides de camp au prince major général, au vice-roi, au duc de Castiglione, pour faire connaître sa position exacte et demander des ordres.

Il n'en reçut aucun.

Le maréchal répondit même qu'il n'avait pas d'instructions pour couvrir l'Inn.

Wrède en était donc réduit à son unique corps d'armée.

La résistance ne parut pas possible à ce général, et, pour le cas prévu d'un mouvement d'attaque de l'armée autrichienne, il dénonça la nécessité de quitter sa position et de refuser un combat disproportionné:

La retraite de Wrède découvrant Munich, le Roi manifestait, le cas échéant, sa résolution de se retirer sur Rastadt avec sa famille; la défection était alors loin de sa pensée.

Je dépeignis à M. de Bassano cet état de choses si éloigné des prévisions qui avaient fait décréter l'armée d'observation de Bavière, si compromettant pour le corps bavarois, si inquiétant pour la sûreté de Munich. Nous étions sur la fin d'août 1813; les communications avec le quartier-général étaient libres. Je ne reçus point de réponse, nulle instruction, même pour le cas où le Roi devrait quitter Munich.

Mes dépêches avaient signalé avec insistance toutes les difficultés du moment : les représentations du comte Montgelas, les observations du Roi, les projets de retraite du général de Wrède, s'il n'était secouru,

Aucune solution ne m'arriva du quartier général.

La Bavière, le besoin de sa défense paraissaient n'avoir pour Napoléon qu'un intérêt secondaire dans la grande lutte engagée; mais on était habitué à attendre de son génie des combinaisons longuement préparées sous une feinte indifférence.

III

Je n'avais cessé de maintenir des rapports suivis avec le général de Wrède. Quand il avait quitté les cantonnements de Schwabing pour se porter sur l'Inn, nous étions convenus d'entretenir une étroite et active correspondance. Il m'avait personnellement averti de son isolement, de son insuffisance pour arrèter l'armée du général Frimont; ils étonnait du langage du duc de Castiglione, après les assurances toutes contraires qu'il avait officiellement reçues de moi. Mes réponses l'engageaient à temporiser.

Y aurait-il, en temps opportun, à Wurtzbourg, un corps d'observation libre de ses mouvements et en mesure de couvrir les frontières bavaroises? Cela pouvait paraître douteux; mais ce n'était pas impossible: le Roi lui-même l'espérait toujours. Je profitai de cette disposition du Roi.

La Bavière pouvait encore, dans cette situation critique où il y allait peut-être de son salut, accomplir un dernier effort en augmentant l'effectif des troupes sous les ordres du général de Wrède. C'était le moyen de parer aux éventualités ; c'était aussi gagner du temps.

Conformément à l'esprit de mes instructions, je voulus

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