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Convention de Turin du 27 avril.

Le sort du Piémont fut décidé à la même époque. Le 25, le Prince de Schwarzenberg adressa aux habitants de ce pays une proclamation datée de Paris, pour leur annoncer que les troupes autrichiennes prendraient possession du pays au nom du Roi de Sardaigne. En conséquence, les Plénipotentiaires du Prince Camille Borghèse, Gouverneur général des départements au-delà des Alpes, du maréchal de Bellegarde et de lord William Bentinck signèrent, le 27 avril, à Turin, une convention militaire pour un armistice et pour l'évacuation de ces départements par les troupes françaises.

Pour terminer ce qui concerne l'Italie, nous devons ajouter ici que, le 20 avril, les Commissaires de Murat signèrent avec ceux de l'Archiduc, Grand-Duc de Toscane, une convention par laquelle le premier s'engagea à remettre, le 1er mai, le Grand-Duché à son Souverain légitime. Le 10 mai, le général napolitain Ambrogi publia un ordre du jour portant que les Légations seraient administrées au nom de Murat.

On connaît déjà toutes les vaines tentatives de Napoléon pour faire fléchir la fermeté du Souverain Pontife. Au mois de janvier 1814, craignant que Murat ne trouvât, dans l'éloignement du Pape, un prétexte pour s'emparer de Rome en souverain, Napoléon fit de nouvelles instances pour amener son Captif à conclure un arrangement; mais il n'obtint pas plus de succès, et voici la relation de ce qui s'est passé à Fontainebleau dans les journées des 22 et 23 janvier 1814:

M. de Beaumont, Évêque de Plaisance, nommé par l'Empereur Archevêque de Bourges, avait été plusieurs fois envoyé par le Gouvernement vers le Saint-Père pour

le déterminer à quelque arrangement; tous ses efforts avaient été inutiles:

<< Monsieur l'Évêque, avait répondu le Saint Pontife, le Bon Dieu sait les larines que j'ai répandues sur le prétendu concordat que j'ai eu le malheur d'accepter; j'en porterai la douleur jusqu'au tombeau : c'est un sûr garant que je ne serai pas trompé une seconde fois. >>

L'Archevêque de Tours, l'Evêque d'Évreux, le cardinal Maury se rendirent aussi à Fontainebleau; Pie VII refusa de voir le Cardinal; il dit aux autres prélats qui furent admis à son audience, et qui le pressaient de faire quelques sacrifices pour éviter les suites funestes d'un refus: «< Laissez-moi mourir digne des maux que j'ai soufferts. Cependant, l'Évêque de Plaisance revenant toujours à la charge, fatigué de ses instances, le Souverain Pontife ordonna d'avertir le Prélat, lorsqu'il se présenterait, de mettre ses demandes par écrit.

M. de Beaumont fut sans doute informé de cet ordre, car lorsqu'il parut au château pour obtenir une nouvelle audience (c'était le 22), dès qu'on lui eut fait part des volontés du Saint-Père, il donna un papier écrit en sollicitant l'honneur de voir Sa Sainteté, toujours par l'ordre du Gouvernement. L'Empereur, d'après ces nouvelles propositions, consentait à rendre au Chef de l'Église une partie de ses États, pourvu que Pie VII cédât l'autre. L'Auguste prisonnier, ayant fait entrer M. de Beaumont, lui dit : « Les domaines de Saint Pierre ne sont pas ma propriété ; ils appartiennent à l'Église, et je ne puis consentir à aucune cession; au reste, dites à votre Empereur que si, pour mes péchés, je ne dois pas retourner à Rome, mon successeur y entrera triomphant, malgré tous les efforts du Gouvernement français ». L'Évêque de Plaisance voulut un peu justifier l'Empereur, qui, disait-il, avait la meilleure volonté. « Je me fie beaucoup plus aux Princes alliés qu'à lui », répondit le

Souverain Pontife. Le Prélat étonné demanda quelque explication sur ces dernières paroles: « Il ne me convient pas de vous la donner, ni à vous de l'entendre », répondit le Chef de l'Église. M. de Beaumont, voyant que tous ses efforts étaient inutiles, ajouta que le SaintPère allait retourner à Rome, que c'était l'intention de l'Empereur. « Ce sera donc avec tous mes cardinaux », répondit le Souverain Pontife. L'Évêque dit que cela n'était pas possible pour le moment; que l'Empereur avait les meilleures intentions, mais que les circonstances ne lui permettaient pas de faire partir en même temps les cardinaux pour Rome. « Eh bien ! répliqua Pie VII si votre Empereur veut me traiter en simple religieux (et je n'oublie pas que je le suis), je n'ai besoin que d'une voiture pour me conduire; tout ce que je demande, c'est d'être à Rome pour remplir les fonctions de ma charge pastorale. « Saint-Père, dit le Prélat, Sa Majesté sait ce qu'Elle doit au Chef de l'Église; Elle ne méconnaît pas votre dignité, Elle veut vous donner une escorte honorable; un colonel doit vous accompagner. »> « Du moins, reprit avec dignité le Saint-Père, le colonel ne sera pas dans ma voiture. » Et il congédia M. de Beaumont.

Dès que celui-ci fut sorti de l'appartement, le colonel y entra pour avertir le Saint-Père qu'il allait le conduire à Rome; c'était le samedi après-midi. Le Souverain Pontife, bien persuadé de la mauvaise foi du Gouvernement qui ne voulait pas le renvoyer dans sa capitale, déclara qu'il ne partirait que le lendemain, après avoir dit sa messe; il le déclara avec tant de fermeté qu'on ne répliqua pas; mais le colonel ne quitta pas son appartement, et il ne fut pas permis au Saint-Père de parler à personne en particulier. Cet état de contrainte n'empêcha pas l'Illustre prisonnier de convoquer tous les Cardinaux qui étaient à Fontainebleau, au nombre de dix

sept. Un d'entre eux, malade, fut porté au château. Arrivés auprès du Saint-Père, ils se jetèrent à ses pieds en pleurant, et Pie VII mêla ses larmes aux leurs, en leur donnant sa bénédiction. Malgré la présence du colonel, il leur prescrivit trois choses: la première, de ne pas porter la décoration qu'ils avaient reçue du Gouvernement; la deuxième, de ne recevoir aucune pension du Gouvernement; la troisième, de n'aller à aucun repas où ils seraient invités par les hommes du Gouver

nement.

Le dimanche, 23, le Saint-Père, fut enlevé de Fontainebleau à onze heures du matin, et le soir même il arriva près d'Orléans. On le faisait voyager sous le nom d'Évêque d'Imola. Plusieurs cardinaux ne tardèrent pas à être enlevés eux-mêmes de Fontainebleau; on faisait partir chaque cardinal avec un gendarme, et tous ne devaient apprendre qu'en route le lieu de leur destination.

On a su depuis que les cardinaux Dugnani (Antoine), Ruffo (Fabrice), Doria (Joseph) ont eu la permission de rester à Paris. Le cardinal Mattei (Alexandre) a été relégué à Aix; Appizoni (Charles), à Carpentras, et l'Archevêque de Naples, à Grasse; on ignore le sort des autres. Le Gouvernement employa d'ailleurs tous les moyens pour répandre la nouvelle que le Saint-Père était retourné à Rome.

§ VII

Traité de paix de Paris

entre les Puissances alliées et la France,

du 30 mai 1814,

et Traités subséquents.

I. Observations préliminaires.

Louis XVIII avait fait son entrée à Paris le 3 mai 1814. Aussitôt on travailla à fixer les rapports futurs entre la France et les autres États européens. La négociation ne pouvait pas être difficile. Tout ce qui, depuis vingt ans, avait été fait en France, était étranger aux Bourbons; ils n'avaient ni ordonné, ni approuvé les vexations dont les autres peuples avaient tant souffert ; eux-mêmes avaient été les victimes de la fureur révolutionnaire. La haine aveugle des peuples peut confondre les causes et les effets; mais aucun esprit de vengeance ne pouvait entrer dans le cœur des Monarques qu'un même intérêt attachait à la cause des Souverains légitimes de la France. La tranquillité de l'Europe exigeait que cette Monarchie fût grande et puissante; cependant, pour qu'elle cessât d'exercer sur ses voisins une influence dangereuse à leur indépendance, il fallait la ramener dans ses anciennes limites qui, dans des temps plus heureux, n'avaient pas empêché qu'elle ne fût la première puissance de la terre. Si l'amour-propre d'une génération qui, de tous les sentiments dont une nation peut s'honorer, n'avait guère conservé que la passion de la gloire, a été affligé de la perte des conquêtes achetées par vingt années de guerres, une postérité plus sage reconnaîtra que la

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