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l'espoir de conquérir quelque chose sur l'inconnu. Soutenus par elle, les savants de tous les temps, depuis les Empedocle et les Pline l'Ancien, entreprennent au péril de leur vie les observations les plus dangereuses, les expériences les plus hasardeuses. C'est encore cette noble passion de connaître qui rend l'homme si impatient de découvrir les dernières limites de son domaine, et qui décide les voyageurs à affronter pendant de longues années les climats homicides de l'équateur ou du pôle pour rectifier une carte géographique et pour découvrir quelque désert brûlant ou quelque détroit encombré de glaces, dont le commerce ne profitera jamais (1) ».

Enfin, c'est encore cette passion du vrai qui emporte le philosophe au delà des limites de la science positive et, en face de l'inconnu, le pousse à écarter le voile pour savoir ce qui est au-delà. « Il lui faut un système sur le monde, sur lui-même, sur la cause première, sur son origine, sur sa fin. Il n'a pas les données nécessaires pour répondre aux questions qu'il s'adresse qu'importe? Il y supplée de luimême. » Lui demander « d'ajourner certains problèmes et de remettre aux siècles futurs de savoir ce qu'il est, quelle place il occupe dans le monde, quelle est la cause du monde et de lui-même, c'est lui demander l'impossible. Alors même qu'il saurait

(1) MAILLET, De l'Essence des passions, pp. 401-402. (Hachette, éd.)

l'énigme insoluble, on ne pourrait l'empêcher de s'agacer et de s'user autour d'elle (1) ». Et cependant ces investigations audacieuses n'ont pas toujours été sans péril. La philosophie, comme la science, a eu ses héros et ses martyrs.

(1) RENAN, l'Avenir de la science, pp. 18-19.

CHAPITRE V

LES ANOMALIES DE LA CURIOSITÉ

La curiosité et l'attention. 1. L'absence de curiosité naturelle chez l'idiot; - et son instabilité chez l'imbécile. 2. L'excès de curiosité ou l'ultra-curiosité ; - exemples; 3. La maladie du doute, ses modes divers ;

histoire de Balthazar Claës. ou le supplice de la question ; exemples.

Entre la curiosité et l'attention existe un lien des plus étroits, la première étant pour la seconde un stimulant et un soutien admirables. Qui n'a remarqué combien l'enfant se montre spontanément attentif à ce qui le frappe, l'intéresse. Aussi parmi les moyens dont dispose tout d'abord l'éducateur pour former l'attention volontaire, M. Ribot range-t-il à côté de l'action de la crainte, de l'attrait des récompenses, et de l'influence des émotions tendres et sympathiques, « cette curiosité innée qui est comme l'appétit de l'intelligence et qui se rencontre chez tous à quelque degré (1) », au moins à l'état normal.

(1) Psychologie de l'attention, p. 54. (F. Alcan, éd.) QUEYRAT. - Curiosité.

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Tout ce qui excite la curiosité, comme la surprise, la nouveauté et la variété, excite du même coup l'attention. La mobilité ou le caprice de l'une rend l'autre fugitive et distraite, l'esprit se détournant de ce qui cesse de l'intéresser. La curiosité est donc le germe ou la source naturelle de l'attention. « Celui qui en est privé, comme l'idiot, dit ailleurs M. Ribot, est un eunuque dans l'ordre intellectuel (1). »

L'absence de curiosité naturelle, compagne de l'idiotie, voilà la première forme d'anomalie de la curiosité que nous allons examiner. Elle peut du reste, en certains cas, n'être pas absolue, ou n'être qu'intermittente. Il est, en effet, des degrés dans l'idiotie et par suite dans le manque de curiosité et d'attention. Le docteur Sollier distingue trois catégories principales de cet état mental: 1o l'idiotie absolue, caractérisée par l'absence complète et l'impossibilité de l'attention; - 2o l'idiotie simple, caractérisée par la faiblesse et la difficulté de l'attention;

3o l'imbécillité, caractérisée par l'instabilité de l'attention.

Ce qui est vrai de l'attention dans chacune de ces catégories l'est également de la curiosité. Considérons la première catégorie.

<< Chez l'idiot profond, constate le docteur Sollier, l'attention est réduite à sa plus simple expression; on peut presque dire qu'elle n'existe pas. La vue des

(1) La Psychologie des sentiments, p. 360,

aliments seuls a quelquefois le privilège de le faire sortir de son indifférence. Quelquefois aussi on arrive par surprise à déterminer chez lui une lueur d'attention passagère qui s'éteint plus rapidement encore qu'elle n'est apparue. A l'audition d'un bruit brusque et fort, par exemple, l'idiot se retourne ou tourne simplement les yeux, puis retombe dans son impassibilité habituelle dont rien ne peut plus le faire sortir. D'idées, il n'en a pas; de sentiment, il n'en a pas; de sensations, il en a à peine. Le seul besoin qu'il ressente vaguement est celui de la faim. C'est aussi l'aliment qui attire le premier l'attention de l'enfant nouveau-né. La sensation de la faim, le sentiment du besoin satisfait qui s'associe avec la sensation du contact du mamelon, constituent presque seuls ses connaissances. Mais au lieu de s'en tenir là, il progresse rapidement. L'idiot, au contraire, ne va pas plus loin. Il a beau grandir, se développer, son horizon intellectuel et sensitif ne paraît pas s'élargir. Il est comme un enfant en bas âge avec cette différence toutefois que, chez ce dernier, tout dans sa manière d'être indique que l'intelligence est susceptible de se développer sous l'influence des impressions qu'elle reçoit de l'extérieur, tandis que chez l'idiot on s'aperçoit facilement qu'elle en est incapable. C'est ce qui donne un caractère si spécial à l'idiot dès le début de son existence, à l'idiot congénital, bien entendu. » Chez lui, « ce qui frappe dès l'abord, c'est en toutes choses le dé

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