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lui-même, après sa conversion, tout en regardant ses accès de curiosité comme des tentations et des ruses dudémon pour le troubler ou l'interrompre dans ses prières, confesse qu'il était souvent l'esclave de ce qu'il appelle une passion indiscrète et volage. « Qui pourrait dire, écrit-il, en combien de légères occasions et de choses de néant nous sommes tous les jours tentés par la curiosité, et combien souvent nous y succombons? Combien de fois arrive-t-il que lorsqu'on nous conte des choses frivoles, nous les souffrons d'abord par tolérance, afin de ne pas choquer les esprits faibles, et qu'ensuite nous nous portons peu à peu à les écouter avec plaisir? Je ne vais plus voir dans le cirque courir un chien après un lièvre ; mais si passant par hasard dans une campagne, j'y rencontre une chose semblable, elle me divertira peut-être de quelque grande pensée et m'attirera vers elle... Que dirai-je aussi de ce qu'étant quelquefois assis dans la maison, un lézard qui prend des mouches ou une araignée qui les enveloppe dans ses filets captive mon attention (1)? »

L'auteur des Caractères a donné de la curiosité une définition qui nous la montre sous un autre aspect non moins futile. <<< La curiosité n'est pas un goût pour ce qui est bon ou ce qui est beau, mais pour ce qui est rare, unique, pour ce qu'on a et pour ce que les autres n'ont point. Ce n'est pas un atta

(1) Les Confessions, livre X, chap. XXXV.

chement à ce qui est parfait, mais à ce qui est couru, à ce qui est à la mode (1). » Les modes n'ont qu'un temps; elles vieillissent vite et le plus souvent ne font place à d'autres que pour reparaître quelque jour rajeunies. C'est de leur nouveauté incessante que provient principalement l'attrait qu'elles exercent. Aujourd'hui comme divertissement, les sports sont à la mode; la curiosité du public se porte de ce côté. Mais ici même se produisent des variations de goût. Les exercices de gymnastique, naguère si en honneur, sont, à l'heure présente, sinon entièrement délaissés, du moins assez négligés. La vogue est encore moins aux courses de chevaux qu'aux courses de bicyclettes ou d'automobiles, aux régates, au football. « Les parties de cricket des clubs locaux, dit Spencer, qui constate l'existence de cette mode en Angleterre et y voit l'indice d'un retour à la barbarie, sont des sujets d'intérêt, non seulement dans leurs localités, mais ailleurs, et les noms des joueurs célèbres courent dans la bouche des multitudes. Il y a des professionnels et il y a des cours d'entraînement; de sorte que ce qui à l'origine était un jeu, est devenu une affaire. De même avec les matches à l'aviron, qui s'exercent sur toutes les rivières assez larges et qui ont leurs séries de parties, qui attirent des foules énormes. Et ensuite le football, qui dans ma jeunesse n'occupait nullement l'attention publique, a

(1) LA BRUYÈRE, ch. XIII. :

maintenant sa place réservée dans chaque localité, et ses grandes luttes entre joueurs payés attirent leurs dizaines de milliers de spectateurs, dernièrement même, à Sydenham, cent mille, dont la nature est telle, que la police est souvent appelée pour protéger les arbitres. On peut en effet remarquer que ce jeu, devenu actuellement le plus populaire, est aussi celui qui rend le plus brutal; les luttes sans merci entre joueurs et l'intensité de leur antagonisme prouvent en effet, même sans tenir compte des fréquentes blessures et des morts accidentelles, que le jeu se rapproche aussi près d'un combat que le permet le manque d'armes (1). — Pour satisfaire à la curiosité

(1) Cf. dans la Revue Pédagogique (n° du 15 septembre 1905), l'article intitulé Un réquisitoire américain contre le foot-ball, où est reproduit du président de Harward, M. Charles W. Elliot, l'une des plus hautes autorités universitaires des États-Unis, un rapport au Conseil de l'Université, rapport dont nous extrayons les lignes suivantes, qui y sont justifiées par des faits et développées : « Le jeu de foot-ball est devenu grandement préjudiciable à la vie scolaire rationnelle dans les écoles et les universités américaines... Parmi les objections secondaires on peut ranger celles qui sont tirées de l'extrême publicité des matches, de la fréquence des accidents qui en résultent, de la place démesurée qu'ils occupent dans l'esprit des étudiants pendant deux mois, et de l'exaltation disproportionnée de leurs héros dans le monde universitaire... L'état de défiance mutuelle et d'hostilité entre les universités que le football crée trop souvent doit être compté aussi parmi ses inconvénients mineurs... Rien de tout cela ne condamne autant le foot-ball que l'examen de sa valeur morale... Surprendre l'ennemi, le tromper, lui tendre un piège, et, d'une

publique, le journalisme s'est développé, de sorte que, outre diverses feuilles quotidiennes et hebdomadaires consacrées entièrement aux sports, les feuilles quotidiennes et hebdomadaires ordinaires donnent les comptes rendus des événements dans toutes les localités, et il n'est pas rare qu'une feuille quotidienne leur réserve toute une page. Un grave fait accompagnateur est à noter. Tandis que la supériorité corporelle est en train de venir en première ligne, la supériorité mentale recule vers l'arrière-fond. On a depuis longtemps fait la remarque qu'un athlète connu est plus honoré qu'un étudiant qui est sorti le premier de ses examens; et, si l'on veut une preuve oculaire, on l'a dans les journaux illustrés, qui reproduisent continuellement des photographies de groupes rivaux de rameurs et de joueurs, tandis que nous ne voyons nulle part la photographie, par exemple, de tous les lauréats de l'année à Cambridge. Jusqu'à quel degré excessif prédomine l'athlétisme, le fait suivant l'indique: quand sir Michael Foster posa sa candidature à la représentation de l'Université de Londres, on vanta spécialement sa compétence, parce qu'il était un bon joueur de cricket (1)! » Par un effet de snobisme, l'engouement pour ces matches est passé d'Angleterre en France.

manière générale, l'accabler sous le nombre, sont les méthodes habituelles de la guerre. Mais ces méthodes ne sont pas excusables dans un jeu viril, entre amis. Elles sont essentiellement égoïstes et laides, et tout jeu dans lequel des actions égoïstes et laides et par surcroît faciles à dissimuler peuvent aider à la victoire, est un jeu malsain, que ces actions soient d'ailleurs plus ou moins fréquemment commises. »

La mode est aussi au tourisme. Encore que d'ordinaire les voyages profitent sans conteste à la culture intellectuelle et esthétique, parce qu'ils permettent d'acquérir la science qui n'est pas dans les livres, d'observer les hommes et les choses, de comparer, beaucoup sont inspirés par le seul désir de voir du nouveau. Des gens, remarque La Bruyère (2), << s'engagent par inquiétude ou par curiosité dans de longs voyages, qui ne font ni mémoires ni relations, qui ne portent point de tablettes; qui vont pour voir, et qui ne voient pas, ou qui oublient ce qu'ils ont vu; qui désirent seulement de connaître de nouvelles tours ou de nouveaux clochers, et de passer des rivières qu'on n'appelle ni la Seine ni la Loire; qui sortent de leur patrie pour y retourner, qui aiment à être absents, qui veulent un jour être revenus de loin ». Pascal ajoute: pour raconter ce qu'ils ont vu. Voilà en effet une autre source de la curiosité des touristes. « Curiosité, dit-il, n'est que vanité. Le plus souvent on ne veut savoir que pour parler. Autrement on ne voyagerait pas sur la mer, pour ne jamais en rien dire, et pour le seul plaisir de voir, sans espérance d'en jamais communiquer (3). » La Ro

(1) Faits et commentaires, pp. 204-206. (Hachette, éd.) (2) Ouv. cité, ch. XIII.

(3) Pensées, édit. HAVET, art. II, 26. (Delagrange, éd.) QUEYRAT.

Curiosité.

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