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pouvoir être rangées sous trois chefs principaux, savoir: la curiosité vaine ou futile, qui porte surtout sur les faits, sur les objets sensibles, et qui est, lorsqu'elle domine, le propre d'un esprit frivole ou vide ;

la curiosité maligne ou de mauvais aloi, faite du désir de savoir ce qu'on devrait ignorer: elle s'allie parfois avec la précédente et porte de préférence sur les personnes; elle est alors l'indice d'un esprit indiscret ou malveillant; enfin la curiosité utile et féconde, qui est la marque d'un esprit ouvert et réfléchi: elle tend, dans ses modes supérieurs, à connaître les lois et même la nature des choses, elle aspire à la science et à la vérité absolue.

CHAPITRE II

LA CURIOSITÉ FRIVOLE

La Quoi Les

Nature de la curiosité frivole. Ses modes divers. badauderie; - exemples; - histoire du Persan. de nouveau ? Les faits divers des journaux. nouvellistes. Généralité du goût pour les vains amusements. Définition de la curiosité par La Bruyère. sports à la mode; exemples. Le tourisme. manie des collections. La bibliomanie. L'amour des

curiosités. L'érudition futile ;

exemples.

Les

La

Définissant la curiosité vulgaire, Platon disait qu'elle est toute dans les yeux et dans les oreilles : elle se repaît, en effet, du spectacle des choses sensibles ou du récit des accidents et des détails de la vie humaine.

Accidentelle et secondaire chez l'homme réfléchi et cultivé, cette curiosité caractérise les esprits incultes, bornés ou frivoles: ils ne s'intéressent qu'aux faits. L'enfant comme le sauvage, l'homme vulgaire comme l'homme d'esprit dont une déplorable légèreté rend stériles les qualités intellectuelles, tous veulent savoir ce qui s'est passé hier ou aujourd'hui dans la ville ou dans le quartier qu'ils habitent, entendre parler de ce qui se fait ou se dit, être, comme on dit, au courant des nouvelles; ils alimentent ainsi misérablement une activité inquiète qui ne sait pas se proposer de grands objets.

Chez beaucoup d'enfants la curiosité pour les petites choses, pour les futilités n'est que transitoire; mais combien d'hommes restent sur ce point enfants toute leur vie! Il est assez d'usage d'attribuer aux femmes surtout cet amour des riens. « La vérité, comme le fait justement observer H. Marion, est que c'est l'effet assez naturel d'une certaine vivacité mentale qui ne sort pas du commun, quand la vie est désœuvrée, ou occupée de travaux qui laissent l'esprit et la langue libres. Éloignées des grandes affaires, naturellement plus amies du détail et surtout plus intéressées que ne le sont les hommes en général pour tout ce qui touche au sentiment, les femmes sont plus sujettes, il est vrai, à chercher avidement une excitation agréable dans des choses insignifiantes (1). » Mais qui ne connaît des femmes exemptes de cette petitesse d'esprit, et, au contraire, des hommes qui ne le cèdent à aucune femme à cet égard. Combien ne livrent pour toute nourriture à leur esprit que des événements insignifiants, des anecdotes insipides, des vétilles, ou se plaisent à contempler les plus banales scènes!

(1) La Grande Encyclopédie, art. Curiosité. (Larousse édit.)

Que de badauds et de niais jadis, sur la place publique, à l'arrivée des diligences; aujourd'hui, dans les gares, à l'arrivée des trains! Que de gens au pas des portes pour voir passer un étranger! « Tout voyageur a pu remarquer la déplaisante curiosité dont il est l'objet quand il s'arrête dans une petite ville. Les diverses manifestations de cette curiosité composent un vrai tableau d'Hogarth. Les uns vous regardent passer bouche béante dans l'attitude de la stupéfaction; les autres vous inspectent de loin, incertains de savoir s'ils doivent avancer ou reculer, avec une curiosité craintive; quelques-uns, plus hardis et moins respectueux, vous regardent ironiquement, comme si vous leur aviez donné occasion de rire de vous ou que votre qualité d'étranger fût un titre au ridicule (1). »

Les provinciaux n'ont pas le monopole de cette sotte curiosité. Qui ne connaît l'histoire que raconte Montesquieu du Persan nouveau venu à Paris. « Lorsque j'arrivai, écrit Rica, je fus regardé comme si j'avais été envoyé du ciel : vieillards, hommes, femmes, enfants, tous voulaient me voir. Si je sortais, tout le monde se mettait aux fenêtres; si j'étais aux Tuileries, je voyais aussitôt un cercle se former autour de moi. Si j'étais aux spectacles, je voyais aussitôt cent lorgnettes dressées contre ma figure; enfin jamais

(1) E. MONTÉGut, Types littéraires et fantaisies esthétiques. p. 258. (Hachette éd.)

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