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lez-vous dans ce genre faire naître le goût, excitez l'esprit de recherche, puis récompensez-le sobrement par le plaisir de la possession. Si vous dites à votre fils: je compte aller chercher telle coquille pétrifiée, tel cristal qui se trouve non loin d'ici sur la colline, voulez-vous y venir avec moi? il sautera de joie; bientôt il distinguera l'objet que vous désirez, et demandera comme une faveur d'en emporter quelques échantillons pour lui-même. Les comparer à son retour avec les descriptions ou les gravures, sera un vrai plaisir pour lui, et, pour peu qu'il ait du talent, l'impulsion peut-être sera donnée. »

Combien il est nécessaire, pour éveiller la curiosité de l'esprit et le désir d'exercice intellectuel qui en est la suite, d'associer autant que possible l'enfant à nos propres recherches, c'est un point sur lequel on ne saurait trop insister. « Le mieux, dit encore, à ce propos, Mme Necker de Saussure, le mieux pour inspirer des goûts serait, s'il se pouvait, d'en avoir soi-même, d'associer l'enfant à des plaisirs que nous éprouverions pour notre compte à nous. S'il voit que votre curiosité est excitée par l'espoir de signaler un fait nouveau, il tâchera de vous devancer dans vos découvertes. Les fleurs que vous cultiverez, les abeilles dont vous suivrez les travaux, les insectes dont les métamorphoses si singulières vous occuperont, seront pour lui des objets d'intérêt extrême. L'exemple, l'émulation, la curiosité agiront ensemble, mobiles naturels à cet âge où le plaisir est si vif, et l'idée de l'utilité des connaissances si confuse (1)... L'objet qui vous intéressera vousmême n'occupera peut-être pas dans la suite votre enfant; il ne prendra pas plaisir au même exercice de ses facultés, mais il tiendra de vous l'exemple de les employer; il aura senti l'amusement qui s'attache à leur usage, et aura contracté cette habitude d'investigation qui mène à tout, habitude qui, après s'être formée dans le monde matériel, lui fera parcou

(1) Edmond About nous montre par un exemple intéressant les heureux effets de ces leçons toutes pratiques : « Mon père, raconte le héros du Roman d'un brave homme, se contentait d'attirer mon attention sur les choses, sans dire cе qu'il en savait. Quand nous entrions dans un bois, par exemple, il me donnait une leçon à chaque pas, et je ne me sentais point à l'école. J'avais pris insensiblement l'habitude d'étudier les couchés du terrain, chaque fois qu'un talus coupé les mettait en lumière. Je nommais les animaux et les plantes par leurs noms, je les classais en tâtonnant un peu, et il me laissait faire, sauf à me ramener d'un mot ou d'un sourire lorsque je m'égarais. Au fond, il n'était pas très fort en histoire naturelle, mais il avait le don de tout envisager au point de vue pratique. Il distinguait soigneusement les animaux utiles des animaux nuisibles, et j'appris de bonne heure à respecter la taupe, le crapaud, la chauvesouris, la couleuvre, les oiseaux insectivores et tous nos amis méconnus. Je désignais exactement, grâce à lui, les diverses essences de bois, leurs qualités, leur prix; on ne m'eût pas trompé de beaucoup sur l'âge d'un chêne, et, quand j'étais resté sur mes petites jambes pendant une minute ou deux devant un vétéran de la forêt, j'étais capable de vous dire, à peu de chose près, combien de stères il pouvait donner, tant en bois d'œuvre qu'en bois de chauffage. » (Hachette, éd.).

rir ensuite avec sûreté la région des idées morales (1). »

Il est un autre moyen de ne pas lasser la curiosité de l'enfant en la surmenant, c'est de se départir le plus souvent possible de l'ordre didactique, de jeter dans l'exposition scientifique quelque imprévu, quelque surprise. Au lieu de lui donner d'un coup et pleinement l'explication d'un fait, on fera tout d'abord en sorte d'éveiller chez lui le désir de la connaître, en attirant son attention sur l'importance du problème et en lui laissant le soin de chercher la solution. Dans le même but, le maître pourra interrompre une explication commencée, afin de permettre à chacun de réfléchir, ou, suivant la méthode socratique, procéder sous la forme de questions graduées auxquelles les enfants devront trouver la réponse et qui les amèneront à la solution cherchée. Là-dessus, tout a été bien dit depuis longtemps. << Rendez, écrit Rousseau, votre élève attentif aux phénomènes de la nature, bientôt vous le rendrez curieux; mais pour nourrir sa curiosité, ne vous hâtez jamais de la satisfaire. Mettez les questions à sa portée et laissez-les lui résoudre. Qu'il ne sache rien parce que vous le lui avez dit, mais parce qu'il l'a compris lui-même ; qu'il n'apprenne pas la science, qu'il l'invente... Contentez-vous donc de lui présenter à propos les objets; puis, quand vous ver

(1) L'Éducation progressive, liv. V, ch. L.

rez sa curiosité suffisamment occupée, faites-lui quelque question laconique qui le mette sur la voie de la résoudre. » Par exemple, « après avoir avec lui bien contemplé le soleil levant, après lui avoir fait remarquer du même côté les montagnes et les autres objets voisins, après l'avoir laissé causer làdessus tout à son aise, gardez quelques moments le silence comme un homme qui rêve, et puis vous lui direz: « Je songe qu'hier au soir le soleil s'est cou<< ché là, et qu'il s'est levé là ce matin, comment cela << peut-il se faire ? >> N'ajoutez rien de plus; s'il vous fait des questions, n'y répondez point; parlez d'autre chose. Laissez-le à lui-même, et soyez sûr qu'il y pensera. Pour qu'un enfant s'accoutume à être attentif, et qu'il soit bien frappé de quelque vérité sensible, il faut qu'elle lui donne quelques jours d'inquiétude avant de la résoudre (1). » Ne manquez pas, conseille pareillement Buffon, d'encourager les enfants << par ce qu'il y a de plus piquant dans la science (2), en leur faisant remarquer les choses les plus singulières, mais sans leur en donner d'explications précises; le mystère à cet âge excite la curiosité (3). » << Tous les maîtres savent ou devraient savoir, dit Bain, l'art de donner à un fait un air de merveilleux

(1) Émile, liv. III.

(2) Ainsi faisait le père de Pascal avec son fils, en causant à table. Il lui parlait de « quelques traits extraordinaires de la nature, comme la poudre à canon... »

(3) Sur la manière de traiter l'histoire naturelle.

ou de mystère avant de l'expliquer (1). » Mais P. Lacombe, surtout, s'inspirant des belles pages que Spencer a consacrées aux Leçons de choses (2), s'est particulièrement étendu sur ce procédé. « Loin d'exposer du coup une longue suite de vérités, fait-il observer, il faut ne découvrir chaque vérité à l'enfant que par portions successives; la couper, pour ainsi dire, en autant de tableaux qu'elle comporte de

(1) Bain fait précéder cette réflexion des considérations suivantes : « Par des approches habilement dirigées vers un fait scientifique, lorsque celui-ci n'est pas au-dessus de la portée d'un enfant, nous pouvons éveiller sa curiosité et arriver à graver ce fait dans sa mémoire. Demandez à un enfant de soulever un poids considérable d'abord avec la main, et ensuite à l'aide d'un levier ou d'un assemblage de poulies, et vous exciterez probablement en lui un certain degré de surprise, suivie du désir d'en savoir plus sur la cause de la différence qu'il vient d'observer... Un enfant qui a un peu de curiosité voudra savoir ce qui fait pousser l'herbe, tomber la pluie, siffler le vent, et en général la raison de tout ce qui est accidentel et exceptionnel; au contraire, il sera assez indifférent à ce qui est familier, constant et régulier. Quand quelque chose va mal, l'enfant veut y remédier et cherche les moyens d'y arriver: la pratique ouvre ainsi une entrée par laquelle la vérité peut pénétrer dans l'esprit, pourvu que la faculté de compréhension ait assez de maturité. Mais l'obstacle fondamental subsiste toujours, et cet obstacle, c'est l'impossibilité d'aborder la science par un point quelconque et d'en bouleverser l'ordre à volonté il faut commencer d'une façon régulière, et il se peut que nous ne réussissions pas toujours à éveiller la curiosité de l'élève sur un point qui convienne exactement à la phase intellectuelle où il se trouve... » (Ouvr. cité, p. 67).

(2) Voy.l'Éducation intellectuelle, morale et physique, ch. II, 7.

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