Qu'est-ce que la curiosité? Quelles formes essentielles revêt-elle et quelle est la valeur de chacune d'elles? Quelles anomalies présente-t-elle parfois? Quelle curiosité l'éducateur doit-il réprimer et pourquoi? Quelle curiosité doit-il encourager et par quels moyens? Voilà les principales questions qui sont traitées dans le présent ouvrage. Cette étude, de nature psychologique, offre néanmoins un caractère moral: il n'est pas indifférent peut-être que la curiosité s'exerce de façon ou d'autre; et c'est de bonne heure qu'il importe de la contenir et de la diriger vers sa véritable fin. Aussi, bien que le grand public puisse vraisemblablement en faire plus ou moins son profit, s'adresse-t-elle de préférence à tous ceux qui ont charge d'élever l'enfance et la jeunesse. CHAPITRE PREMIER PSYCHOLOGIE DE LA CURIOSITÉ Définition de la curiosité. L'étonnement, point de départ de la curiosité. A quel âge il apparaît chez l'enfant. Premières manifestations de la curiosité enfantine. Les questions de l'enfant. Leur signification. - La curiosité de l'enfant n'est pas purement utilitaire. Son évolution. La nouveauté, aliment de la curiosité. L'attrait de l'inconnu. Cas de curiosité pure chez les animaux. Existence même, chez le singe, d'une curiosité d'ordre supérieur. Formes diverses de la curiosité chez l'homme: curiosité frivole, curiosité maligne, curiosité féconde. S'il est en l'homme un penchant qui s'éveille de bonne heure, c'est assurément la curiosité, véritable appétit intellectuel qui est, comme son nom l'indique (cura, souci, inquiétude), un besoin de connaître, un souci de savoir. Elle se manifeste d'abord par l'étonnement, que Descartes appelait l'admiration et qu'il définissait ‹ une subite surprise de l'âme qui fait qu'elle se porte 1 considérer avec attentionles objets qui lui semblent 'ares et extraordinaires ». Or il résulte des observa QUEYRAT. - Curiosité. 1 tions minutieuses de Preyer que l'enfant éprouve de (1) L'Ame de l'enfant, p. 142 (F. Alcan, éd.). : comme elle en avait l'habitude, lorsquela pendule se mit à sonner sept heures. Brusquement il s'arrêta, l'air anxieux, et se demandant, sans aucun doute, d'où provenait ce bruit insolite. Son frère Henri manifesta aussi nettement vers l'âge de sept mois une vive surprise. Je m'étais absenté pendant quelques semaines. Lorsqu'il me fut apporté le matin, son regard, en m'apercevant, devint tout à coup fixe et son corps immobile. Je lui tendis les bras en souriant; mais il conserva encore un certain temps la même attitude, cherchant à comprendre quelle pouvait être cette personne qu'il ne reconnaissait plus. A l'étonnement, lorsqu'il ne va pas jusqu'à la frayeur, succède en effet le besoin de savoir, de se rendre compte, qui est la curiosité proprement dite. L'étonnement est produit par l'inaccoutumé ou l'inattendu, par la nouveauté. Aussi l'enfant, pour qui tout est nouveau, est-il nécessairement curieux de toutes choses. Dès le cinquième ou le sixième mois et pendant plus de deux ans, il emploie la plus grande partie du temps qu'il passe éveillé à palper, à examiner, à tourner et retourner, à agiter, à goûter tous les objets qu'il peut saisir, mettant parfois ses jouets en pièces pour voir ce qu'ils cachent dans leur sein. Au reste, il passe incessamment d'une chose à une autre, ce qui n'est plus nouveau cessant vite de l'intéresser. Quelques psychologues, notamment Preyer, Taine, B. Pérez et Sikorski ont regardé ces diverses manifestations de la curiosité de l'enfant comme de |