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Qu'est-ce que la curiosité? Quelles formes essentielles revêt-elle et quelle est la valeur de chacune d'elles? Quelles anomalies présente-t-elle parfois? Quelle curiosité l'éducateur doit-il réprimer et pourquoi? Quelle curiosité doit-il encourager et par quels moyens? Voilà les principales questions qui sont traitées dans le présent ouvrage.

Cette étude, de nature psychologique, offre néanmoins un caractère moral: il n'est pas indifférent peut-être que la curiosité s'exerce de façon ou d'autre; et c'est de bonne heure qu'il importe de la contenir et de la diriger vers sa véritable fin.

Aussi, bien que le grand public puisse vraisemblablement en faire plus ou moins son profit, s'adresse-t-elle de préférence à tous ceux qui ont charge d'élever l'enfance et la jeunesse.

CHAPITRE PREMIER

PSYCHOLOGIE DE LA CURIOSITÉ

Définition de la curiosité. L'étonnement, point de départ de la curiosité. A quel âge il apparaît chez l'enfant. Premières manifestations de la curiosité enfantine. Les questions de l'enfant. Leur signification. - La curiosité de l'enfant n'est pas purement utilitaire. Son évolution. La nouveauté, aliment de la curiosité. L'attrait de

l'inconnu. Cas de curiosité pure chez les animaux. Existence même, chez le singe, d'une curiosité d'ordre supérieur. Formes diverses de la curiosité chez l'homme: curiosité frivole, curiosité maligne, curiosité féconde.

S'il est en l'homme un penchant qui s'éveille de bonne heure, c'est assurément la curiosité, véritable appétit intellectuel qui est, comme son nom l'indique (cura, souci, inquiétude), un besoin de connaître, un souci de savoir.

Elle se manifeste d'abord par l'étonnement, que Descartes appelait l'admiration et qu'il définissait ‹ une subite surprise de l'âme qui fait qu'elle se porte 1 considérer avec attentionles objets qui lui semblent 'ares et extraordinaires ». Or il résulte des observa

QUEYRAT. - Curiosité.

1

tions minutieuses de Preyer que l'enfant éprouve de
l'étonnement et en donne des signes certains dès la
vingt-deuxième semaine. A cet age, dit-il, « mon fils
se trouvant dans un wagon de chemin de fer, j'y
montai subitement après une courte séparation,
et dès que l'enfant me vit et m'entendit, il me fixa
pendant plus d'une minute, bouche ouverte, mâchoire
inférieure abaissée, yeux immobiles et grands ou-
verts, sans bouger un membre, et présentant en tous
points l'image typique de l'étonnement ». Un peu
plus tard, ayant de six à sept mois, « il contempla de
la même façon, pendant plus d'une minute, un étran-
ger qui entra dans sa chambre; il resta immobile,
bouche et yeux grands ouverts, le dévisageant. » Dès
le huitième mois, l'enfant donna des signes d'étonne-
ment encore plus marqués, à l'occasion de diverses
sensations visuelles et auditives: « à la trente et
unième semaine, en voyant fermer un éventail; à la
trente-quatrième, en entendant des imitations de
voix d'animaux; à la quarante-quatrième, en voyant
près de lui un visage inconnu; à la cinquante-
deuxième, en entendant un son inaccoutumé; à la
cinquante-huitième, en voyant une lanterne à son
réveil (1). » J'ai observé chez Paul un cas d'étonne-
ment analogue, alors qu'il n'avait pas encore six
mois. Il était couché le matin dans sa bercelonnette
et pleurait pour que sa mère le prêt à côté d'elle

(1) L'Ame de l'enfant, p. 142 (F. Alcan, éd.).

:

comme elle en avait l'habitude, lorsquela pendule se mit à sonner sept heures. Brusquement il s'arrêta, l'air anxieux, et se demandant, sans aucun doute, d'où provenait ce bruit insolite. Son frère Henri manifesta aussi nettement vers l'âge de sept mois une vive surprise. Je m'étais absenté pendant quelques semaines. Lorsqu'il me fut apporté le matin, son regard, en m'apercevant, devint tout à coup fixe et son corps immobile. Je lui tendis les bras en souriant; mais il conserva encore un certain temps la même attitude, cherchant à comprendre quelle pouvait être cette personne qu'il ne reconnaissait plus.

A l'étonnement, lorsqu'il ne va pas jusqu'à la frayeur, succède en effet le besoin de savoir, de se rendre compte, qui est la curiosité proprement dite. L'étonnement est produit par l'inaccoutumé ou l'inattendu, par la nouveauté. Aussi l'enfant, pour qui tout est nouveau, est-il nécessairement curieux de toutes choses. Dès le cinquième ou le sixième mois et pendant plus de deux ans, il emploie la plus grande partie du temps qu'il passe éveillé à palper, à examiner, à tourner et retourner, à agiter, à goûter tous les objets qu'il peut saisir, mettant parfois ses jouets en pièces pour voir ce qu'ils cachent dans leur sein. Au reste, il passe incessamment d'une chose à une autre, ce qui n'est plus nouveau cessant vite de l'intéresser. Quelques psychologues, notamment Preyer, Taine, B. Pérez et Sikorski ont regardé ces diverses manifestations de la curiosité de l'enfant comme de

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