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fique épopée de Camoëns, d'ouvrir l'ère des découvertes et des conquêtes qui devaient placer cette belliqueuse nation au rang de première puissance maritime du monde.

Au troisième fils du chef de la maison d'Avis, Jean Ier le Grand, à Henri le Navigateur, l'honneur principal de ce radieux épanouissement. Confiné par amour de la science sur son rocher de Sayres, à proximité du cap Saint-Vincent, entouré de savants, de cartes marines, les yeux sans cesse projetés sur l'Océan, et sur cette boussole récemment inventée par l'italien Flavio Gioja, il employa douze ans de sa vie à méditer le plan dont la réalisation fut de frayer une route aux Indes par le cap de Bonne-Espérance, et de signaler à l'admiration de l'Europe une quantité de royaumes inconnus dont le Portugal prit d'abord possession pour lui-même. Avant de tenter cette périlleuse entreprise, il voulut lui donner pour prologue la prise d'une place barbaresque devenue un repaire de pirates: une expédition de cent trente-deux vaisseaux, qu'il dirigea en personne, le rendit maître de Ceuta et de sa citadelle.

Bientôt (1418), le cap Bojador une fois doublé, et comme acheminement à la grande conquête, objet de ses vœux ardents, furent successivement découverts et soumis l'archipel de Madère, les îles Canaries, les îles d'Açores, l'ile d'Adeget, l'ile de la Garzas, les îles d'Arguim, les îles du Cap-Vert, etc., dernier exploit au nom de Henri le Navigateur, mort en 1463 dans sa 67me année, mort comme il avait vécu, des livres de sciences aux mains. Mais selon un dicton populaire, un malheur ne va jamais scul, et bientôt l'occupation du trône portugais vint douloureusement interrompre cette ère de prospérité.

Toutefois l'impulsion était donnée, elle reprit à l'avénement de Jean II, signalée par la découverte du cap de Bonne-Espérance, et la pensée qu'elle inspira à ce prince d'une expédition destinée à trouver par l'Océan un passage aux Indes. Afin de s'assurer si la navigation était possible au-delà de ce cap, désigné auparavant sous le nom de Cap des Tourmentes, le roi se décida à faire chercher, par terre, la route qui devait y conduire. Parti de Santarem le 7 mai 1487, trois vaisseaux cinglèrent vers Naples pour Rhode, puis de là, traversant le Caire, arrivèrent à Cananor, puis à Calicut, à Goa. C'en est fait, les Indes étaient découvertes, c'est-à-dire au moment de devenir propriété portugaise.

Ce fut Vasco de Gama qui eût l'honneur de pénétrer le premier dans cette autre terre promise; pourtant il ne fut que l'éclaireur du grand homme qui en fit décidément la conquête, de l'illustre et immortel d'Albuquerque. Mais instabilité des choses d'ici-bas: l'avidité hollan

daise, la rapacité britanique ne tardèrent pas à disputer aux vainqueurs ce fruit de leurs longs sacrifices. Les colonies qu'ils y avaient formées languirent aussi sous la domination espagnole, et ne reprirent leur mouvement ascendant qu'à la restauration de la maison de Bragance. Bref des possessions, possessions portugaises qui s'étendaient sur un espace de 4,000 lieues le long des côtes, depuis le cap de Bonne-Espérance jusqu'au cap de Ming-Po, en Chine, sans y comprendre les rivages de la mer Rouge et ceux du golfe Persique, qui comptaient encore environ 1,200 lieues, de ce brillant diadême, il n'est guère resté aux premiers conquérants que la quatrième partie, dont le plus beau fleuron est l'empire florissant du Brésil.

Ce qu'il a été impossible aux ravisseurs, contrairement à leurs procédés de violence et de barbarie, d'enlever aux Portugais, c'est leur renommée de justice, de modération et de bonté envers les peuplades soumises à leur sceptre. L'éloquent et persuasif historien sait nous faire aimer autant qu'admirer ce peuple loyal, énergique et vaillant, digne du bonheur dont il est appelé à jouir aujourd'hui sous le gouvernement bienfaisant et tutélaire de S. M. don Louis.

2o Histoire héroique et chevaleresque des Alfonse d'Espagne, avec une dédicace à S. A. R. don Alfonse, Prince des Asturies.

Les torts de l'Espagne envers le Portugal ne doivent pas nous faire oublier ou méconnaître les titres susceptibles de la recommander aux âges présents et à venir, imitateurs en cela de l'équitable auteur qui, Chevalier de l'ordre royal et distingué de Charles III, comme il l'est de l'ordre militaire du Christ, s'efforce de tenir d'une main impartiale la balance entre les deux nations.

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Introduction. Dans ces préliminaires, sous cette épigraphe : Siècles de héros, jours de gloire, intrépides guerriers qui, malgré le trépas, vivez dans les traditions, vivez dans l'histoire (Du Bocage)! on lit:

« Il est des noms qui semblent aimés du ciel. Celui d'Alfonse est <«< un de ceux-là; les rois d'Espagne qui le portèrent l'illustrèrent tous, « et il est demeuré comme un symbole de piété, de grandeur d'âme, de « bravoure et de sentiments chevaleresques! »

Puis d'un docte pinceau, l'artiste historien trace en quelques trails incisifs et facilement reconnaissables l'image de chacun d'eux, comme un portrait à suspendre au salon des ancêtres, et distinct de couleur et de physionomie. Mais ces touches savantes nous les retrouverons sans doute implicitement dans le corps de l'ouvrage, et l'espace nous est mesuré.

Ce n'est donc pas seulement en vertu et par l'effet de l'ordre chronologique passé, que sont désignés Ies Alfonse: au nom de chacun d'eux est attaché un signe distinctif, une qualification propre et comme un cachet individuel, d'autant plus nécessaire que leur identité était menacée d'être confondue par suite de leur participation commune à la même lutte, lutte interminable, qui pendant huit cents ans s'imposa comme tâche essentielle, comme affaire capitale, et d'urgence à tous les rois qui se succédèrent sur le trône d'Espagne. L'Islamisme avait planté ses étendards sur le sol ibérique; il fallait à tout prix les en arracher. De Tà l'épithète de catholique donnée à la nation et en particulier au premier des Alfonse.

Alfonse Ier le Catholique, fils de Pierre, duc de Cantabrie et de Biscaye. Alfonse Ier descendait du roi Goth Récarède, prince arien qui s'était converti à l'Orthodoxie en 691.

Contemporain de Pélage, ce nouveau Judas Machabée, et brûlant du désir de s'associer à l'œuvre de délivrance du grand héros chrétien, il accourut de la Biscaye à la tête d'une troupe de Basques, et vint se présenter au libérateur qui ne tarda pas, édifié par les vertus de son jeune auxiliaire, de le choisir pour époux de sa fille Hermésinde, et, à sa mort, trois ans plus tard, de l'appeler par testament au trône, dans le cas où son fils Favella décéderait sans enfants; ce qui arriva, le fils de Pélage, après deux ans de règne, ayant été victime d'un accident de chasse.

Ceint du diademe, Alfonse Ier n'en poursuivit qu'avec plus de dévouement et d'intrépidité le cours de la mission rédemptrice. Faute d'une armée régulière, et hors d'état de livrer des batailles rangées, il se contenta, a la façon de Fabius cunctator, d'attirer l'ennemi dans des embûches, ou comme Sertorius, de le harceler par des surprises incessantes et les ruses d'une guerre de montagne, attentif, après l'avoir chassé d'une position, d'une cité, à relever une église sur les ruines d'une mosquée, et à la force brutale du cimeterre, fidèle à substituer Ia crosse pacifique de l'évêque, tactique à laquelle il avait dû de reprendre sur les Maures un nombre considérable de villes importantes, et de prolonger le royaume des Asturies dans les champs du Portugal, aux monts de la Rioja et jusqu'aux Pyrénées et à l'Arragon, lorsqu'il s'éteignit, en 757, à l'âge de 74 ans, à Cangas, dont il avait fait le siège de son royaume, laissant deux fils, don Froila, qui lui succéda, et don Wimaran.

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Alfonse II le Chaste. Il semble qu'à la vue du sol sacré de la patrie, foulé sous le pied profanateur de l'étranger en armes, toutes les opinions hostiles devraient, oublieuses de leurs dissidences, se réunir

et se concentrer sur un objet unique : la libération du territoire. Qu'il est loin d'en être toujours ainsi! Le règne du second des Alfonse est un nouvel exemple des tristes désordres des citoyens venant assombrir de leur crêpe sinistre les lauriers déjà en deuil du soldat!

Après un règne de 15 ans sur la Galice et les Asturies, reconquises par Pélage et Alfonse 1er; après avoir lui-même apporté sa pierre à la réédification de l'édifice réparateur, le père d'Alfonse le Chaste, don Froila, lâchement assassiné en 768, ne laissait à son fils qu'un sceptre brisé. Repoussé successivement du trône par deux compétiteurs à la solde des adeptes du Coran, l'Infant don Alfonse n'en franchit les degrés, en 783, que pour en être précipité par un troisième usurpateur. Enfin, à la mort de ce dernier, en 789, s'il ne recouvra pas immédiatement la couronne héréditaire, du moins, le quatrième détenteur eut-il assez de conscience ou d'habileté pour l'appeler à la cour et l'associer à son pouvoir. Il ne devait pas en rester là témoin des prodiges de valeur déployés par l'Infant dans une action contre les Maures commandés par l'Emir Issem, il n'hésita plus à abdiquer en sa faveur, le 14 septembre 791.

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Le Souverain ne démentit pas les promesses de l'Infant. L'Emir de Cordoue, en échange de l'appui qu'il avait prêté à la félonie, avait exigé un tribut annuel de cent jeunes filles. Irrité du refus d'Alfonse d'acquitter ce honteux impôt qui aurait réalisé la fable du Minotaure de Crête, il s'avança imprudemment jusqu'au pied des murs de la ville de Lutos (Luniége). Alfonse, qui l'avait laissé ainsi s'engager, fondit sur lui avec une telle impétuosité, que 70,000 hommes tombèrent sous les coups des Chrétiens. Ce haut fait d'armes, objet de l'admiration de Charlemagne, fut impuissant à conjurer une révolte qui força le vainqueur à se retirer dans un monastère.

Promptement tiré de son exil et ramené en triomphe dans sa capitale d'Oviedo, le pardon, un pardon absolu, est la seule vengeance qu'il voulut exercer sur les coupables.

C'est sous le règne de ce prince que fut retrouvé le corps de l'apôtre saint Jacques Zébédée, et que, grâce aux bienfaits du roi, fut constituée la milice hospitalière connue sous le nom d'ordre de Saint Jacques de Compostelle, ordre destiné à protéger les pèlerins attirés de toutes parts par leur dévotion à des reliques vénérées. Si d'une main il fondait ainsi des établissements religieux, de l'autre, il ne discontinuait pas de faire sentir aux Ottomans la puissance invincible de ses armes. Couvert de gloire et se voyant accablé d'années, il résolut de convoquer, en 835, les Etats généraux du royaume, et, comme son existence

s'était écoulée dans les austérités du célibat, il se choisit un successeur en la personne de son cousin don Ramire, roi de Galice. Décédé sept ans plus tard, la 78me année de son âge et la 69me de son règne, il emporta dans la tombe la réputation d'un grand roi et d'un saint homme.

Alfonse III le Grand. Bien que né sous la pourpre et fils du roi Ordoguo, Alfonse III n'en eut pas moins, d'abord, à conquérir son trône, ensuite à le défendre contre les entreprises factieuses, incessamment renouvelées, de quelques seigneurs aux gages et complices des émirs. Il était absent de la Cour et n'avait que 14 ans à la mort de son père, en 866, deux circonstances qui n'empêchèrent pas les grands du royaume de le proclamer roi, mais qui inspirèrent à l'un d'eux, le comte de Galice, l'audace de s'emparer du royaume. Le poignard ayant fait prompte justice de cette révolte, Alfonse se trouva en face d'un autre séditieux parvenu à soulever la province d'Alava. Mais déjà grandi et fortifié par la lutte, il marcha hardiment contre les rebelles qui, terrifiés par sa seule présence, lui livrèrent leur chef, condamné à expier sous les verroux sa criminelle insurrection.

Débarrassé un instant des adversaires du dedans, Alfonse put se tourner tout entier contre les ennemis du dehors, si cette expression convient toutefois au sectateur du Croissant, sacrilègement campé sur une terre vouée au culte de la croix. Ses victoires, dont les fruits furent employés à des fondations pieuses et à l'encouragement des sciences et des arts, nous frappent d'étonnement par leur nombre, leur rapidité et leur éclat. Nous n'essaierons pas d'en donner une idée, c'est dans l'ouvrage qu'il faut en lire les causes, les moyens et l'imposante description.

Ces merveilleux succès obtenus à Pampelune, en Galice et en Castille, poursuivis en Andalousie, en Léon, en Asturie; les frontières du royaume reculées jusqu'aux bords du Duero; les villes rebâties, les terres rendues à l'agriculture, les sanctuaires restaurés ou fondés, cette longue prospérité de 40 ans aurait dû gagner à Alfonse III toutes les affections et tous les cœurs. Ingratitude, inconstance humaine! Sans parler de quatre nouvelles conspirations consécutives de la part de quelques seigneurs ambitieux et mécontents, l'aîné de ses cinq fils, don Garcia, nouvel Absalon, ne craignit pas de lever l'étendard impie de la révolte contre l'auguste auteur de ses jours. Vaincu dans cette tentative parricide, et pour tout châtiment, puni de la perte de sa liberté, au lieu de reconnaître la légèreté de cette peine, si loin de la gravité de l'attentat, par ses instances auprès de ses partisans, de con

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