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Il est vrai que la température doit apporter de notables variations à cette périodicité, car les années pluvieuses favorisent principalement l'accroissement des mauvaises herbes. Nous sommes cependant obligés de constater que ce développement de certaines mauvaises plantes n'a pas toujours lieu dans une année humide; on les a vues infester les fourrages par une température normale et même plus chaude que froide. Qui n'a vu ces dernières années, nos prés secs comme nos prés gras, entièrement blanchis par la grande marguerite? Cette plante est trèsnuisible à la santé du bétail, et elle est même insecticide: On ne voit jamais une abeille sur sa fleur, ce qui prouve assez ses caractères repoussants.

Déjà en 1865, cette radiée était remplacée dans nos prairies par une autre plante de même taille, mais qui peut être consommée impunément par toute sorte de bétail : c'est la centaurée noire, appelée tête d'oiseau dans le Jura. Comme cette plante est vivace et que ses racines pénètrent assez profondément dans le sol, elle redoute peu les sécheresses. Dans plusieurs bonnes prairies situées sur les cours d'eau du Jura, où les gramens étaient grillés l'année dernière après la fenaison, la centaurée a fourni, avec le lotier corniculé, tous le regain qu'on a récolté dans ces prairies. Ce dernier, dont on ne prend pas assez de soins, a pu mûrir en août, et il fournira une bonne récolte en 1867.

La Berce-franc-ursine, qu'on appelle panais bâtard, a aussi infesté nos meilleurs prés ces dernières années. La vigueur de cette plante semble avoir diminué sensiblement cette année, et son règne a passé.

Mais voici qu'une autre plante grossière est venue la remplacer avec peu d'avantages: c'est la chicorée ou laitue vireuse, dont les fleurs jaunes en corhymbe émaillent en ce moment nos prairies naturelles et artificielles. On ne voyait naguère cette herbe que le long des haies et sur les talus; elle a pullulé cette année jusque dans les jardins potagers. Son fourrage vert est assez recherché par le bétail, mais à l'état de foin, il devient comme des chenevottes, et les chevaux seuls peuvent s'en accommoder. Chose singulière : une autre plante de la même famille, la scorsonère bâtarde, dont les enfants mangent les jeunes tiges, se fait aussi remarquer cette année dans nos prairies. Son fourrage est encore plus grossier que le précédent.

Dans certains terrains calcaires, d'autres mauvaises plantes infestent également les prairies artificielles, et les cultivateurs devront nécessairement prendre des précautions pour laisser le moins possible de ces herbes dans les fourrages.

Nous ne parlons pas du rinanthe ou grelot, qui ne se désempare pas

volontiers d'un sol qui lui convient. Comme sa graine est large en proportion de la grosseur de la plante, on ferait bien de passer au crible toutes les balayurcs de grenier avant de les semer pour faire du pré.

Les gramens de toutes les espèces ont singulièrement grandi cette année. On ferait bien de réserver certaines places pour obtenir des graines de ces précieux fourrages.

VITICULTURE.

Le Louage des Vignes,

PAR M. J. CH..., MEMBRE TITULAIRE.

Toutes les propriétés rurales sont exploitées par ceux qui les possèdent ou par des fermiers. Données à ferme, les conditions en sont arrêtées par écrit ou réglées par la loi. Le bail sans écrit est censé fait pour le temps qui est nécessaire, afin que le preneur recueille tous les fruits de l'héritage affermé; ainsi, le bail d'un pré, d'une vigne et de tout autre fonds, dont les fruits se recueillent en entier dans le cours d'une année, est censé fait pour un an, et le bail des terres, lorsqu'elles se divisent par soles ou saisons, est censé fait pour autant d'années qu'il y a de soles. A la fin de ce temps, il cesse de plein droit.

La loi est si claire qu'elle n'a pas besoin d'être commentée. Le propriétaire et le fermier, quand il s'agit de biens ruraux, y voient leurs droits fixés sans écrit, sans frais, ni formalité; ils peuvent se quitter d'un seul mot.

Est-ce cette simplicité qui a fait étendre à peu près à tous les vignobles l'usage ancien des locations verbales?

Il est certain que les engagements par écrit, pour le louage des vignes, sont rares. Généralement, le vigneron cultive en qualité de colon partiaire; il est en quelque sorte l'associé du propriétaire avec lequel il partage la récolte des fruits. Sa jouissance peut n'être que d'une seule année.

Ce court délai est une facilité; est-ce un avantage?

L'observateur attentif, curieux de savoir d'où vient la différence qui existe dans la culture générale d'un vignoble, regarde, interroge et apprend :

Que les vignes cultivées par les propriétaires eux-mêmes se distinguent par leur bonne tenue; l'engrais et le travail les ont peuplées et rendues vigoureuses;

Que celles cultivées sous la surveillance des propriétaires, par des vignerons qu'ils savent conserver, laissent rarement ou peu à désirer; si les effets de l'engrais ne s'y montrent pas, la main-d'œuvre n'y est du moins pas épargnée.

Que celles qui changent souvent d'ouvriers sont remarquables par les ouvrages et les réparations dont elles ont besoin.

Les vignes se soutiennent sans engrais lorsque les fosses y sont établies, la taille et le provignage faits et les coups donnés selon l'usage. Celles qui sont en mauvais état accusent donc le manque de travail et de soin.

Je ne recherche pas si le vigneron a tous les torts, si le propriétaire n'a pas eu assez d'activité et de prévoyance ; j'examine si le bail purement verbal, qui laisse aux parties la faculté de se donner congé à la fin de chaque année, n'est pas nuisible à leur intérêt commun; en d'autres termes, s'il ne conduit pas à la diminution du produit, sinon à la ruine de la propriété.

Rien n'encourage l'ouvrier au travail, rien ne l'attache à l'entreprise, s'il redoute d'être averti de l'abandonner à la fin de l'année. Il se gardera d'améliorer, même en vue d'une indemnité, parce que le chiffre peut en être contesté, et qu'une difficulté l'exposerait à ne pas la recevoir entière. Il fera ce qui est commandé par la coutume, encore est-il à craindre que, juge du mérite de son travail, il ne s'en contente trop facilement.

Pour le propriétaire, qui peut avoir aussi à réclamer des indemnités pour mauvaise culture, se présentent les mêmes appréhensions, augmentées quelquefois de l'insolvabilité, le plus invincible des empêche

ments.

Il est une quantité de vignes dont la culture passe fréquemment d'une main dans une autre, et beaucoup qui sont retenues uniquement parce que le bailleur et le preneur craignent de tomber de Charybde en Scylla ou de mal en pire. Les unes et les autres sont rarement en bon état, et je crois en voir la cause principale dans l'incertitude sur la durée de la jouissance.

De toutes parts s'élèvent des plaintes contre la négligence des vignerons et sur le mauvais état des vignes.

Les baux écrits, même ceux faits sans frais, pourraient amener d'heureux changements à ce fâcheux état de choses. Il suffirait de porter la jouissance à un certain nombre d'années, de déterminer, pour les réparations et les améliorations, la juste part de frais qui devrait être à la charge soit du bailleur soit du preneur, et de fixer un délai pour

l'exécution. Outre les autres conditions ordinaires des baux, les parties pourraient ajouter un état des biens qui servirait à la fin du bail.

A part les circonstances particulières qui ne leur permettent pas de se lier par un long bail, les parties doivent préférer une jouissance assurée pour un certain temps à la routine des locations annuelles ou verbales; elles y ont un égal et même intérêt.

Le vigneron qui se sent assis dans sa possession travaille comme pour lui-même; il fait convenablement tous les ouvrages accoutumés et se met volontiers aux améliorations, si le maître sait donner l'impulsion et l'encouragement. La tranquille jouissance et le bon propriétaire font le bon vigneron.

La Grêle et la Viticulture,

PAR M. CH. COSTE, DE SALINS, MEMBRE CORRESPONDANT.

Nous avons publié dans le Salinois du 28 mai 1865, une relation météorologique de l'orage qui avait éclaté sur le canton de Salins le 20 mai précédent. Les vignes atteintes par la grêle ayant été littéralement hachées, nous avons ajouté à cette relation des considérations sur les soins à donner aux ceps mutilés, en vue de ne pas perdre la récolte de 1866. Ces considérations reposaient entièrement sur l'autorité des praticiens les plus distingués, M. le docteur Guyot, M. Du Breuil, M. RoreCharmeux; bien d'autres encore ont écrit sur ce sujet, et tous sont unanimes pour conseiller une seconde taille: seulement, les limites d'un article de journal ne nous permettaient pas de les citer tous. Ces conseils furent complètement perdus, attendu que le nombre infiniment petit des viticulteurs qui ont retaillé leurs vignes était composé de personnes instruites, connaissant parfaitement les mesures à prendre en cette triste circonstance.

Nous n'avons pas publié plus tôt le résultat de la seconde taille appliquée aux vignes grêlées le 20 mai 1865, parce qu'il était indispensable de répondre à une objection spécieuse faite par les viticulteurs qui ont jugé à propos de ne pas retailler leurs vignes. D'abord, disaient les uns. il ne poussera pas de bois suffisamment longs pour obtenir des branches à fruits, des courgées, comme on les appelle dans le pays; puis d'autres ajoutaient quand même il pousserait des sarments suffisamment longs pour en faire des courgées, ces sarments seront stériles, ils ne porteront pas de fruits l'année prochaine. Nous n'avons pas pris la peine de réfuter la première objection, parce qu'elle était contraire aux lois de la

physiologie végétale. La seconde objection était embarrassante : comment prouver que les contre-bourgeons fourniraient des sarments fructifères? Dire que cela s'était produit à cinquante lieues d'ici, amenait de suite pour réponse : c'est possible, mais ici il n'en sera pas de même, vous n'aurez pas de fruits l'année prochaine. La preuve de fait pouvait seule répondre péremptoirement à cette objection, et pour cela, il fallait attendre l'apparition des grappes en 1866.

Ainsi que nous en avions la conviction, dès que la végétation du printemps de 1866 eût développé les bourgeons, nous avons trouvé que les contre-bourgeons de l'année précédente étaient devenus des sarments tout aussi fructifères que les sarments des vignes qui n'avaient pas été grêlées, ni plus, ni moins, il n'y avait pas de différence. En d'autres termes, le succès était complet.

Ceci dit et constaté, il nous reste à faire connaître les remarques que nous avons faites au fur et à mesure que se produisaient les résultats de cette seconde taille. Pour arriver au meilleur résultat possible, les soins à donner aux vignes grêlées se composent de quatre opérations trèsimportantes; l'omission ou l'exécution imparfaite d'une seule de ces opérations compromet gravement ou au moins diminue dans de fortes proportions la récolte de l'année suivante.

1o En retaillant la vigne, ne pas hésiter à sacrifier les quelques grappes qui ont échappé au fléau, pour ne conserver que deux tronçons de bourgeons, les plus rapprochés de la souche, et tailler ces tronçons à un seul œil.

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2o Pendant que cette seconde taille s'exécute, ou après qu'elle est terminée, au plus tard, donner un binage à la vigne afin de favoriser la végétation.

3o Dès que les bourgeons auront atteint dix à douze centimètres de longueur, jeter bas avec le plus grand soin tous les bourgeons inutiles et n'en laisser qu'un ou deux destinés à servir de branches à fruits pour l'année suivante. S'il était nécessaire d'en conserver d'autres en vue d'opérations ultérieures, les pincer rigoureusement.

4o Si l'oïdium attaquait les nouvelles pousses, procéder à un soufrage dès qu'il apparaîtra.

Jusqu'à ce jour, il a été impossible de conjurer les désastres causés par la grêle. Puisqu'au moyen des opérations décrites ci-dessus, il est possible d'en atténuer les effets, en ne perdant pas la récolte de l'année suivante, il serait heureux que la Société d'agriculture de Poligny voulût bien renouveler l'épreuve sur quelques ceps d'essai, afin de s'assurer de son efficacité. Quand elle saura par elle-même à quoi s'en tenir sur

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