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D'un autre côté, ce jour, déterminé d'ordinaire avec intelligence, vient souvent contrebalancer la trop grande tendance, assez naturelle d'ailleurs, du vigneron, à récolter son raisin non complètement mûr, sollicité qu'il est par le désir de jouir et aussi par la crainte de perdre sa récolte par une canse accidentelle, telle que la grèle, de trop longues pluies, etc.

Cet usage a encore l'avantage de prévenir les habitants limitrophes du pays vignoble, qui viennent chaque année soit pour aider à la cueillette du raisin, soit pour faire quelques acquisitions. Ces derniers se rendent alors de préférence là où la vendange est dans les meilleures conditions de prix et surtout de maturité.

L'usage des bans proprement dits est généralement perdu; il pouvait avoir sa raison d'être, on le comprend, lorsque le sol appartenait à un petit nombre de propriétaires, tenant non-seulement à se rendre compte de leurs récoltes, mais encore à fixer la nature du plan qui devait être cultivé. D'ailleurs, les percepteurs de dimes trouvaient dans cet usage une plus grande facilité pour opérer leurs recettes.

Avec notre morcellement infini du sol, on voit disparaître cette coutume, qui a pour inconvénient d'obliger à récolter d'abord un cantonnement, puis un autre, de telle sorte qu'il peut arriver qu'un propriétaire d'une vigne située dans le premier ban, sera quelquefois dans la nécessité de laisser ses cuves à moitié remplies, jusqu'au jour où il lui sera permis d'aller vendanger dans le cantonnement contenant une autre vigne, qui peut-être même, à cause de la nature de son plan dominant ou même de sa récente implantation, donnera alors une moins bonne et moins abondante récolte, soit parce que le raisin sera trop mûr ou qu'il aura éprouvé un commencement d'altération.

En supprimant les bans et conservant seulement et jusqu'à nouvel ordre l'ouverture des vendanges, tout en permettant, en cas d'urgence, la récolte des vignes en dépérissement, on parera, autant que possible, à tous ces inconvénients, tout en bénéficiant des avantages résultant de cette coutume. Le deuxième paragraphe de l'ordre du jour était : Façon de vin d'extra d'enfariné. Ce plan, qui est maintenant fort répandu dans le Jura a, comme on le sait, la grappe courte, le fruit gros, noir, couvert d'une poussière blanche, comme une sorte de farine, de là son nom d'enfariné; ses feuilles sont plus longues que larges, dentelées, velues en dessous sur les nervures.

Longtemps mis de côté comme donnant un vin peu délicat, dur, il est maintenant, par suite d'une culture mieux entendue qui en fait reconnaitre les précieuses qualités, fort en vogue. Outre qu'il est très-productif et qu'il résiste bien aux intempéries, il donne un vin fort en couleur, acre dans les premières années, mais se bonifiant avec le temps, tout en acquérant un bouquet très-agréable. M. Clerc-Outhier nous dit qu'un jour il fit goûter à

un de ses amis de ce vin, ayant dix ans de tonneau et trois de bouteille, il est vrai, mais tellement bon que cet ami eut peine à croire que ce mauvais raisin, si apre au goût, put donner un si bon vin. Un viticulteur présent nous affirme qu'il avait aussi obtenu un très-heureux résultat d'un mélange d'enfariné et de maldoux.

M. le Président demande ensuite ce qu'on pensait généralement du vin clairet et qu'elle pouvait en être l'utilité.

Ce vin, qui se fait avec des raisins pressés immédiatement après la récolte du fruit, et subit plusieurs soutirages qui doivent en empêcher la fermentation, est d'ordinaire léger, agréable au goût, ayant une belle robe, mais perdant le plus souvent de ces brillantes qualités en vieillissant. Aussi, faut-il le boire dès les premières années. La vente en est difficile dans nos pays; c'est plutôt un vin de famille, qu'au dessert on offre aux amis, qu'un produit réellement commerciable.

Après une distribution, à titre d'essai, de plusieurs variétés de blés envoyés par la Société la Fourmilière, M. le President clôt la séance à 3 heures 112.

CHRONIQUE AGRICOLE.

Les conférences de M. Georges Ville, à Vincennes, ont eu un grand retentissement dans la presse. Cela prouve deux choses que nous nous plaisons à constater la haute idée que le public a du savant professeur et l'empressement que mettent maintenant les journalistes à publier ce qui intéresse l'agriculture.

M. Georges Ville a d'abord initié ses auditeurs aux termes techniques de la chimie agricole. Il leur a dit que les végétaux sont formés d'éléments organiques et inorganiques. Les premiers, qui jouent le rôle le plus important, sont absorbés à l'état gazeux et les autres à l'état liquide. « La valeur de ces éléments, qui sont au nombre de quatorze, dépend autant de leur position que de leur nature, de la même manière que les lettres de l'alphabet. Ainsi, telle ou telle combinaison de ces éléments pourra produire aliment ou poison, hysope ou cèdre, nain ou géant. »

Voilà qui est fort ingénieux, car on pourra dire maintenant qu'on enseigne la science agricole par l'alphabet. Seulement nous aurions désiré connaître la distinction des voyelles d'avec les consonnes.

Mais si c'est à la combinaison plutôt qu'à la quantité relative de ces éléments qu'on doit attribuer les caractères si variés des végétaux, comment procéder à leur analyse pour savoir ce qui leur est le plus profitable?

On voit tout de suite que nous voulons parler des marques auxquelles on doit reconnaitre les éléments qui composent les engrais les plus énergiques.

Mais comme cette question nous conduirait trop loin, nous aimons mieux mentionner certains phénomènes de physiologie végétale que le savant professeur a rendus très-compréhensibles. L'azote, qui est l'un des éléments organiques les plus importants dans la végétation, n'est pas absorbé de la même manière et en même quantité par toutes les plantes. Les unes, comme le froment et toutes celles de sa famille, le puisent dans le sol, tandis que les légumineuses, comme le pois et la vesce, se l'approprient dans l'air atmosphérique. On remarque, en effet, que ces dernières plantes ont leur tige plus grosse à leur sommet qu'au sortir du sol; c'est ce qui explique les bons effets de ces légumineuses quand on les enfouit en vert pour les emblåvures.

On pourrait ajouter que quand il se rencontre dans ou sur le sol des éléments ayant une affinité particulière pour le gaz carbonique, les plantes qui végètent dans ces milieux prennent plus d'accroissement. Or, les fumiers de ferme possédant à un haut degré ces propriétés, il n'est donc pas étonnant qu'on leur donne la préférence sur les engrais dits de commerce. Aussi M. Georges Ville n'en a-t-il préconisé aucun en particulier.

Si les leçons données à Vincennes n'ont apporté aucun jour nouveau sur la physiologie végétale, elles ont été tellement méthodiques et appuyées de faits si notoirement acquis, que tout cultivateur tant soit peu éclairé fera bien d'en faire la lecture dans ses moments de loisir.

La Société d'apiculture, dont le siège est à Paris, se propose de diviser ses travaux en trois sections: Apiculture, Sériciculture et Insectologie. Cette dernière section ne comprendra que les insectes nuisibles.

Cette Société avait déjà fait un appel à tous les entomologistes pour augmenter l'importance de son exposition qui a eu lieu en août dernier. Mais nous ignorons si beaucoup de vermisseaux et de moucherons ont bien voulu se laisser palper, pour figurer sous les vitrines du Palais de l'Industrie.

Toutefois, sachons gré aux initiateurs de cette idée, car il ne serait pas sans utilité de connaître un peu les mœurs de cette myriade d'insectes qui, chaque année, nuisent notablement à quelques-unes de nos récoltes.

Nous avons déjà parlé dans ce Bulletin des insectes qui attaquent les crucifères, surtout le colza et la navette. Mais nous avons à nous rectifier sur le nom générique d'altises que nous donnions, comme tant d'autres, à cet ordre de coléoptères. M. Thénard lui-même, qui a imaginé un procédé pour détruire ces insectes, ne les désigne pas autrement.

Mais voici qu'un entomologiste distingué, M. Lethierry, nous apprend que les prétendues altises dont il s'agit ne sont rien moins que de terribles Meligethes aneus et Meligethes viridens. Ces dénominations, comme on le voit, ne ressemblent guère à celles sous lesquelles ces insectes sont connus. M.

Lethierry a fait une étude approfondie de ces deux espèces de Meligethes qui détruisent parfois toute une contrée de colza ou de navette. La plus petite espèce, à l'état parfait, n'a réellement que deux millimètres de longueur et vole comme un moucheron. L'autre espèce, appelée Meligethes viridens, n'a pas huit millimètres de longueur, comme le dit notre naturaliste, mais seulement quatre à cinq. Les pattes sont rousses et rétractiles, car l'insecte fait des sauts comme la puce, d'où lui est venu le nom de puceron. Il nous a semblé aussi que les élitres de cette espèce sont d'un vert plus doré que celles de la première. Celle-ci n'attaque que la fleur, tandis que l'autre fait ses œufs dans la tige, qui est bientôt rongée par les larves. On peut se rendre compte de la multiplication de ces coléoptères dès l'automne, en délayant dans de l'eau une pellée de terre où il a été récolté du colza ou de la navette. On voit alors surnager les débris des étuis et les insectes euxmêmes plus ou moins avancés dans leur transformation.

Quant à la destruction de ces coléoptères au printemps, M. Thénard conseille de répandre sur les fleurs de navette ou de colza un mélange de sciure de bois et de goudron..

Il nous semble qu'on pourrait encore employer efficacement la poudre à base de soufre de la mine des Tapets, à Apt (Vaucluse).

Le soufre est en effet l'antidote le plus énergique contre la production des parasites végétaux et animaux. Nous engageons les cultivateurs à faire des essais à ce sujet. VIONNET, Vice-Président.

AMÉLIORATIONS AGRICOLES.

Recherches expérimentales sur les moyens d'augmenter à la fois la richesse publique et la richesse privée,

PAR M. CHONNAUX - DUBISSON, MEMBRE CORRESPONDANT.

(Suite).

Par la quantité de bouses que les animaux rendent en moyenne, on peut encore reconnaître la différence en quantité des aliments qu'ils absorbent. Nous nous sommes assuré que la vache à lait donnait à peu de chose près deux fois autant de bouses que le bœuf à l'engrais, les circonstances étant celles où la vache fournit 20 litres de lait par jour, et où le bœuf commence sa période d'engraissement.

Mais si la vache laitière consomme une quantité d'herbe qui est le double de celle que le bœuf dépense, si l'un et l'autre tirent également un

bon parti de leurs aliments, il devient facile d'expliquer la différence dans les produits fournis par ces deux animaux.

Ramenons l'herbe dépensée par la vache à lait à 30 kilog. d'herbe desséchée. C'est effectivement cette quantité qui est nécessaire sous la forme de foin pour qu'une vache puisse donner 20 litres de lait par jour sans perdre de son poids. J'ajouterai même que, pour qu'elle fournisse, pendant quelque temps, cette quantité de lait, il faut donner moins de foin, et en remplacer une quantité déterminée par quelque matière alimentaire, telle que des betteraves.

Divisons maintenant en trois ordres les substances essentielles contenues dans cette proportion d'aliments en substances azotées, en substances grasses et en substances dont la composition est analogue ou semblable à celle des sucres.

Les herbivores ayant une nourriture à discrétion qui flatte leur goût, ne brûlent point, ou ne brùlent que très peu de la substance grasse qui est contenue dans leurs aliments; ce qui le prouve, c'est qu'ils dégagent dans la respiration un volume d'acide carbonique égal à celui de l'oxygène absorbé. Le charbon qu'ils brûlent provient surtout de substances dont la composition peut être représentée, d'une part, par du carbone, de l'autre, par de l'oxygène et de l'hydrogène réunis dans la même proportion que pour constituer de l'eau.

Voici alors comment les choses se passent relativement à la vache à lait et au bœuf à l'engrais.

La vache laitière donne, sous la forme de lait, la totalité, à peu près, des substances grasses, la plus forte porportion des matières azotées et une partie des substances ternaires contenues dans les aliments qu'elle absorbe; le bœuf à l'engrais, qui ne consomme que la moitié des aliments dépensés par la vache, ne peut donner que la moitié de substances grasses, une faible quantité de substances azotées, qu'on obtient de celle-ci, et il fait de la chaleur avec le charbon des substances ternaires qu'il trouve dans sa nourriture.

Ainsi, lorsque le boeuf à l'engrais est placé, au moins pendant la saison de l'herbe, où il doit être, c'est-à-dire dans une prairie où il trouve de la nourriture à son goût et à discrétion, il tire, alors qu'il n'est encore que dans les premiers mois de sa période d'engraissement, un aussi bon parti de ses aliments que la vache à lait; et s'il donne beaucoup moins de produits qu'elle, c'est qu'il mange moins et qu'il lui faut cependant autant de matière pour l'entretien de sa vie.

La différence entre les résultats obtenus s'explique donc par la différence en quantité des aliments consommés par nos deux animaux. En effet,

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