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Le front d'un despote inhumain?

Et quand d'un guet-apens la Justice est victime,
Doit-elle, au tyran qui l'opprime,

Baiser le pied, lécher la main!...

Viendras-tu, bel archange, aux yeux plus purs que l'onde,
Douce Paix? La Justice et la Paix sont deux sœurs,
Et tu nous fuiras tant que tu verras au monde
Des opprimés, des oppresseurs.

Laisse au moins, de tes cieux, tes éternelles flammes
Pénétrer un moment jusqu'au fond de nos âmes...
Et toi, poète, ô cœur de foi,

Flétris, sans te lasser, flétris la loi du glaive,
Mais quand le droit sacré soulève

Son fer vengeur, incline-toi!

VII

Lorsque le vainqueur fit le sanglant inventaire
De ce champ où la force ínique avait vaincu,
Le dernier des héros étendu sur la terre
Expirait en priant comme il avait vécu.
C'était le prêtre atteint d'une balle perdue,
Il embrassait la croix d'un geste convulsif;
Sa plainte avait été de Dieu même entendue :
Tous dormaient côte à côte, aucun n'était captif!
(Novembre 1864).

BIOGRAPHIE.

L'historien CHEVALIER (de Poligny),

PAR M. MARMINIA, MEMBRE CORRESPONDANT.

Le rôle d'un historien consiste à se montrer impartial.

Il est du devoir d'un historien sage, consciencieux, éclairé, qui veut, avant toutes choses, se concilier l'estime, l'amour, et par contre, persuader la foule des lecteurs appelés à lire les pages qu'il aura retracées en historien plus amant de la vérité dont il doit être l'esclave, qu'amoureux de la fiction; il est du devoir, disons-nous, d'une plume chargée de rappeler les hauts faits des grands hommes et des nations, en décrivant les villes dont il a observé les lois, les usages et les coutumes, de

se montrer véhément dans une sage et prudente mesure, impartial toujours, sans jamais se passionner pour son propre pays, dont il est cnclin à taire jusqu'aux moindres imperfections.

Ce reproche que l'on peut faire à plus d'un historien, goûté d'ailleurs des masses, mais plus particulièrement de ceux qui ne professent point pour la vérité ce respect incroyable, austère, qu'on aime à voir dans une plume convaincue, peut être adressé plus particulièrement à l'homme savant dont nous allons essayer de retracer, quoique brièvement, la vie aussi longue qu'heureuse, que vinrent continuellement embellir des jours que ne troublèrent pas même les infirmités, à l'âge où les glaces de la vieillesse et les rides du visage prêtent une main sacrilège aux maux de toutes sortes qui minent sourdement le corps en rapprochant davantage l'homme du tombeau.

Né à Poligny (Jura), en 1705 (1), François-Félix CHEVALIER montra de bonne heure ce qu'il serait un jour.

Il se fit surtout remarquer dès ses premiers ans par son goût prononcé pour l'étude des antiquités.

Fortifié en cela par les précieux conseils et par l'exemple entraînant de Dunod, à la fille duquel il unit ses jours, le jeune Chevalier fit de rapides progrès dans toutes les branches de la science, grâce à sa persévérance infatigable, à son amour pour l'étude, à son aptitude pour une science qui nécessite à la fois des recherches nombreuses, parfois infructueuses, toujours arides.

Maître des comptes à la Chambre de Dole, Chevalier eut le loisir et la facilité de voir et de consulter beaucoup et souvent les titres originaux que possédaient les archives de cette Compagnie, en s'entourant avec amour des pièces et chartes les plus précieuses pour l'histoire, qui étaient entassées dans les rayons des bibliothèques de la Chambre à laquelle il appartenait.

Son but, à lui, homme ardent, infatigable, intelligent et sagace, n'était autre que celui de doter sa ville natale de monuments impérissables comme le nom de la France, c'est-à-dire d'ouvrages enfantés à force de travail, de recherches, d'abnégation et de veilles, d'ouvrages utiles comme tout ce qui émanait de cette plume essentiellement virile, bien écrits comme tout ce qu'élaborait ce cerveau déjà mûri par la réflexion.

Ce n'est pas que Chevalier produisit de bonne heure. Soleil d'avenir, dont les rayons pour être tardifs n'en sont pas moins vivifiants, l'historien jurassien travaillant d'autant plus sûrement qu'il émettait lente(1) Le jour de la naissance de cet hommeillustre n'est point indiqué dans sa biographic.

ment ses idées, s'attacha de préférence à élaborer de longs ouvrages, en y apposant ce sceau ineffaçable dont le génie seul possède le secret.

Il mit donc vingt ans entre ses essais et son premier ouvrage qu'il ne livrait à la publicité, et par contre, à l'admiration de ses concitoyens, qu'après une époque qui eût permis à dix autres plumes plus fécondes, mais à coup sûr moins sérieuses et moins agucrries que la sienne, de composer vingt volumes.

On vit donc apparaître au grand jour ses Mémoires sur la ville de Lons-le-Saulnier (2 vol. in-4, 1767 et 1769), œuvres remarquables à plus d'un titre, dans lesquelles l'auteur a réuni quelques dissertations sur divers points intéressants de la province de la Franche-Comté, qu'il présenta à l'Académie de Besançon, dont il était un des membres les plus assidus et les plus distingués.

On doit encore à l'historien Chevalier une Dissertation sur les voies romaines existant dans le comté de Bourgogne; la Description d'un monument découvert dans la plaine de Poligny, appelée les Chambrettes (1); enfin un Discours savant sur l'emplacement de la ville d'Olinum ou Olino, que Chevalier fixe à Poligny.

Quoiqu'entachées de partialité et d'exagération, ses œuvres n'en méritent pas moins une place distinguée dans les lettres et dans les sciences, parce que, somme toute, l'écrivain se montrait moins partial par système que par conviction. Si sa plume a parfois dévié du sentier étroit imposé à l'historien qui doit avant tout être l'esclave du fait qu'il raconte, du sujet qu'il traite, de l'homme, de la nation, du pays dont il fait la biographic et la description, la faute n'en doit pas être imputée à l'homme lui-même, mais bien à son jugement qui le trahissait en le livrant à la critique de ses contemporains et de ses successeurs.

Malgré cette partialité apparente chez celui dont les ouvrages sont encore goûtés et estimés de nos jours, comme historien et comme biographe, Chevalier a des titres sérieux à la reconnaissance de son pays.

De son vivant, l'homme savant qui dotait sa chère patrie de travaux appelés à passer à la postérité, eut peu d'amis. Les natures d'élites ordinairement n'en comptent qu'un seul, heureuses encore quand ces âmes sensibles parviennent à atteindre ce chiffre, qui ne peut être amoindri.

Estimé de ses concitoyens, dont il avait entrepris l'histoire en patriote zélé et méritant, Chevalier, parvenu à un grand âge (2), s'éteignit doucement au milieu des siens, sans avoir connu les déboires amers de la vie humaine, ni éprouvé ces mille maux qui assiègent d'ordinaire (1) Dans son recueil d'antiquités, Caylus a inséré une mosaïque trouvée dans le même endroit.. (2) Il mourut en 1800, àgé de 96 ans.

un vieillard, surtout un noble érudit, sur le point de rendre à la terre ses comptes d'ici-bas.

Gloire soit rendue à l'historien infatigable qui consacra ses jours et ses veilles à enrichir les annales de son pays, en dotant la France d'ouvrages utiles!

Gloire soit rendue à Chevalier! Gloire soit également rendue à la ville hospitalière qui l'a vu naître et grandir!

Gloire enfin à Poligny, qui, de tout temps, a produit des grands hommes dans toutes les branches, et qui, de nos jours encore, poursuit le cours de ses nobles et durables conquêtes en préparant aux âges à venir un temple fastueux, aux fondements inébranlables, sur le fronton duquel nous lisons déjà ces mots écrits en lettres d'or: Sciences, Littérature, Beaux-Arts, Progrès !

Projet de souscription pour une histoire
abrégée de la vie de Mgr de Chaffoy.

L'analyse de la vie de Mgr de Chaffoy (1), ancien vicaire-général de Besançon, ancien évêque de Nimes, par un honorable chanoine de cette ville, lui-même ancien coopérateur du prélat dans son administration, et confident de toutes ses pensées, M. Félix-Adrien Couderc de Latour-Lisside, cette analyse devait paraître dans ce numéro.

Mais la vie de M. de Chaffoy, comme homme et comme prêtre, est si belle, si édifiante, si exemplaire, ennoblie par tant de vertus; elle est si pleine de faits, mêléc à tant d'évènements; rendue si aimable, si attrayante par l'historien, bien moins porté à puiser dans les riches trésors de son esprit qu'aux sources fécondes de son cœur, la matière enfin est si abondante et remplie de tant de charmes, qu'elle a entraîné l'abréviateur malgré lui, et cela bien au-delà de la place qu'il pouvait réclamer dans le Bulletin.

Il serait fâcheux pourtant que son travail fut condamné à rester dans les limbes, non précisément à cause de sa valeur intrinsèque, mais parce que la vie de M. de Chaffoy mérite d'être connue; que peu de lecteurs prendront le temps de lire deux volumes, que peu d'autres en feront la dépense, au lieu qu'un opuscule, bien qu'attentif à n'omettre aucuns détails essentiels, est à la portée de toutes les intelligences, de toutes les bourses.

(1) Deux forts volumes, dùs à la générosité de M. Vial, Inspecteur des Contributions indirec (S

Le prix d'impression ne s'élèvera pas bien haut, et pourra être couvert par un petit nombre de souscripteurs.

Je viens done faire appel aux parents de l'illustre défunt; Mgr de Chaffoy est et sera l'éternel honneur de sa famille ; je sollicite la bienveillance de MM. les ecclésiastiques, à qui j'offre, sous les auspices d'un savant théologien, un guide sûr, un modèle accompli; je m'adresse enfin aux âmes pieuses, qui aimeront à s'initier aux inspirations de l'un des plus dignes successeurs de Fléchier. H.-G. CLER.

SÉANCE GÉNÉRALE DU 9 MARS 1865.

La séance est ouverte à deux heures, sous la présidence de M. ClercOuthier, et par la lecture et l'adoption du procès-verbal de la séance du 9 février.

La correspondance comprend :

1o. Une lettre de M. Davin, conservateur de la bibliothèque de Dolc, qui nous fait part de son intention de créer dans le département une Société des bibliothèques populaires du Jura, qui serait patronnée par la Société d'émulation du Jura, celle d'agriculture, sciences et arts de Poligny, MM. les députés, MM. les membres du Conseil général, etc., et qui nous invite à prendre l'initiative dans l'arrondissement de Poligny, comme il l'a fait pour celui de Dole, et la Société d'émulation pour celui de Lons-le-Saunier.

2° De M. le docteur Bergeret, qui nous recommande l'insertion, dans le plus prochain numéro, de ses conseils aux vignerons.

3o De M. Billot, professeur de dessin à Lons-le-Saunier, au sujet de son portrait de notre illustre compatriote, l'abbé Gerbet, de son vivant évêque de Perpignan.

4o De M. le docteur de Bourilhon, médecin à Mers-cl-Kebir, qui a la générosité de nous proposer, pour le musée, un envoi de plantes de la flore algérienne.

5o De MM. Huard, rédacteur de la Gazette de l'Empire; Marminia, interprète juré près les cours et tribunaux, qui s'offrent à nous représenter à la réunion prochaine des Sociétés savantes.

6o De Mme Raindre, de Guéret. Après des réflexions fort justes sur la situation délicate faite aux personnes de son sexe, douées d'instruction, et pourvues de quelques idées dont l'émission leur semble utile, et sur le peu de faveur attachée par l'opinion à la plume substituée à J'aiguille, cette dame, fort heureusement consciente de ses bonnes in

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