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M. Royer-Collard, professeur à la Faculté de droit de Paris depuis 1828, et avocat à la Cour impériale. Légiste distingué, il s'était montré digne de la parenté et du nom de l'illustre Royer-Collard, cet orateur dont on disait que les discours étaient autant de traités de philosophie, chef du parti doctrinaire, ces théoriciens qui s'étaient donné la tàche de concilier deux choses que Tacite croyait inconciliables, principatum et libertatem, le pouvoir et la liberté, et un des hauts dignitaires de l'Université dont le passage aux affaires a laissé le plus d'honorables souvenirs. Dans une position moins élevée, mais après une existence écoulée au milieu de nous, s'est éteint sous nos yeux un homme de bien par excellence: M. Gros. Ancien percepteur, que de fois il a avancé les contributions des retardataires; que de fois aussi, de notoriété publique, il n'est pas rentré dans ses avances! Négociant, la probité la plus stricte présidait à ses relations; aux Conseils de la commune et de l'arrondissement, son adhésion bienveillante était d'avance acquise à toutes les mesures de modération ou de progrès. Chez lui, le cœur dominait la tête; ce n'est pas toujours en ce monde une condition de réussite et de succès. Et puis que de dures et douloureuses épreuves! La compagne fidèle de ses jours enlevée à son affection; naguère une fille chérie descendant dans la tombe avant son père. Or, s'il est vrai, comme on l'a dit, que le chagrin nourrisse les femmes, il n'est pas moins vrai, comme on ajoute, qu'il tue les hommes, et il les tue d'autant plus sûrement qu'ils font plus d'efforts pour n'en rien laisser paraître. A rencontrer dans la campagne l'honnête industriel, se dirigeant tranquillement vers son usinc; à le voir s'avancer vers vous, et le sourire aux lèvres, vous tendre sa main loyale, qui aurait pu deviner qu'il portait de si près la mort dans son sein?

Que la terre lui soit légère!

H.-G. CLER.

SÉANCE GÉNÉRALE DU 9 FÉVRIER 1865.

La séance s'ouvre à 2 heures, sous la présidence de M. Clerc, VicePrésident.

Le procès-verbal de la séance du jeudi 8 décembre est lu et adopté. Conformément à l'ordre du jour, il est procédé au dépouillement de la correspondance dans laquelle se trouvent les remerciements de plusieurs des lauréats couronnés au dernier Concours: Mme Reindre; Mile Mélanic Bourotte; Mlle Gabrielle de Poligny; M. Chonnaux-Dubisson; M. Chapoix, d'Auxonne; M. Marminia, de Paris; M. Ad. Chevassus, de

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Mâcon; M. Antoni Valbrègues, d'Aix; M. Schneider, de Laforce; M. Hector Berge, de Bordeaux; M. Achille Millien, de Beaumont-la-Ferrière; M. Oppepin, d'Imphy; M. Giboz, de Dampierre; M. Regnault, de Paris.

M. Neveu, de la Vieille-Loye, s'excuse de n'avoir pu assister à la séance générale du 12 janvier.

Nous sommes priés d'annoncer une Exposition artistique, industrielle et horticole qui aura lieu dans la ville de Niort, pendant le mois de mai prochain.

La Société académique de Saint-Quentin nous adresse le programme du Concours qu'elle ouvrira en 1865 et qui se compose : 1° d'un sujet en vers laissé au choix des concurrents; 2o d'une histoire relative à la localité; 3° d'un tableau de l'industrie de Saint-Quentin et de l'exposition des moyens propres à en augmenter la prospérité.

Et tandis que le journal de Roanne, l'Echo Roannais, préoccupé des besoins matériels, appelle notre attention sur l'importante question du vinage des vins, et M. James Boutin, sur son système d'Engrais liquide, couronné d'une grande médaille à l'Exposition de Londres, la Société pour l'instruction élémentaire, dans sa sollicitude pour des intérêts d'un ordre supérieur, se dispose à décerner dans sa prochaine assemblée générale, fixée au mois de mai 1865, des récompenses aux maîtres que recommandent leur zèle, leurs longs services, la bonne direction de leur enseignement et des efforts heureux pour rendre les élèves assidus.

Ces communications sont suivies des lectures désignées dans l'ordre du jour suite du travail de M. le docteur de Bourilhon, sur le Tremblement de terre survenu à Oran dans la nuit du 8 au 9 octobre 1790;

:

De la Décentralisation intellectuelle, par M. Arsène Thevenot (analyse par M. H.-G. Cler).

Sont proposés et admis comme membres correspondants : Mme Reindre, Joséphine, de Guéret; M. le docteur Doquin, médecin-major de 1re classe à l'hôpital militaire de Mostaganem; M. Giboz, instituteur à Dampierre ; M. Jules Martin, élève interne à l'asile des aliénés de Dole; M. Millien, homme de lettres à Beaumont-Laferrière (Nièvre); M. Hector Berge, homme de lettres à Bordeaux; M. Valbrègue, homme de lettres à Aix; M. Oppepin, homme de lettres à Imphy; M. Billot, artistepeintre à Lons-le-Saunier.

AGRICULTURE.

Du choix des Graines pour faire des prés
non arrosés,

PAR M. VIONNET,. VICE-PRÉSIDENT.

J'ai toujours vu avec peine le peu de soins qu'on apporte, dans cette contrée, aux prés dits naturels, arrosés ou non. Grâce aux inondations périodiques, les prés gras se maintiennent en état quand les eaux n'y séjournent pas trop longtemps. Mais, hélas! quelle piètre mine ont souvent les prés permanents non arrosés!

Je traversais l'an dernier des prés de cette nature sur le territoire d'Arbois. L'idée me vint de faucher à la main une poignée d'herbes, et d'apprécier par le poids celles qui étaient véritablement fourragères. Je n'en trouvai pas un quart de ces dernières; toutes les autres sont repoussées par le bétail, et la plupart vicieuses. C'était du rhinanthe ou crête de coq, des euphorbes ou réveil-matin, des marguerites, des colchiques, etc.

A peu de distance de ce pré et dans un même sol, je voyais un vaste champ de sainfoin, dont la récolte était plus que quadruple, à contenancé égale, de celle du pré dont je viens de parler. Pourquoi alors laisser subsister des prés de si mauvaise nature et ne pas les labourer pendant quelques années?

Généralement, on ne sème qu'une seule espèce de graine pour faire un pré artificiel, soit trèfle, soit luzerne, soit sainfoin. Je ne blâme pas cette méthode quand elle est employée en guise d'assolement; mais quand des terrains non arrosés recèlent tant de plantes qui ne sont pas fourragères, pourquoi les conserve-t-on dans cet état?

Le choix des graines pour faire des prés naturels est facile à faire. Autant que possible les légumineuses vivaces doivent être préférées, puis les gramens viennent ensuite. Parmi les premières, je dois citer les trèfles rustiques, fleurs blanches et rouges, le lotier caniculé, qui croit partout, la vesce des prés à fleurs purpurines, la lupuline ou minette dorée, qui s'accommode également de toutes sortes de terrains et d'exposition.

Dans la famille des gramens, j'ai une prédilection particulière pour les paturins, la houlque laineuse, le fromental et les rays-grass. Je rejette de mon choix toutes les fétuques qui perdent nos esparcettes; le dactyle pelotonné, la brize tremblante et les brômes. Ces dernières graminées ne conviennent qu'aux chevaux, quand encore on a eu soin de couper les foins à bonne heure et qu'ils ne sont pas avariés. Je ne parle pas de la cynosure cretelle, ni de la flouve odorante, dont les chaumes sont si menus qu'ils n'entrent jamais que pour une très-faible quantité dans les fourrages.

Il n'est pas hors de propos de recommander ici aux personnes qui veulent

convertir des champs en prés naturels, de bien préparer le sol avant de répandre les graines, soit au printemps, soit en automne. Un défoncement est toujours nécessaire, afin que les jeunes pousses ne périssent pas par les grandes chaleurs, ou ne soient pas soulevées par les gelées d'hiver.

Il n'est pas toujours nécessaire de labourer un vieux pré pour changer presque totalement sa nature; il suffit d'enlever les mousses qui le tapissent, de répandre ensuite, en saison convenable, les bonnes graines que nous venons d'énumérer, puis de fumer avec du terreau provenant de balayure de rues et d'un mélange de cendres de lessive. Dès la première année on aura déjà une récolte passable.

Moyens de détruire les Pies, les Geais et les Larves de hannetons, dits Vers blancs,

PAR M. BEL, MEMBRE CORRESPONDANT.

Il n'est pas d'oiseaux de proie plus nuisibles à l'agriculture que la pie et le geai celle-là met en pièces tous les nids des petits oiseaux qu'elle rencontre dans ses vagations matinales, et celui-ci s'abat par troupe sur les champs de maïs, après avoir, au printemps, pris plus que sa part de cerises et autres fruits à noyaux. Malheur aux terres voisines des bois, ensemencées de blé dit de turquie! Aucun épouvantail n'en éloigne le geai; c'est à peine. si les propriétaires parviennent à le faire rentrer pour quelque temps dans la forêt. Nous avons vu récolter, cette année, avant sa maturité, le maïs d'un clos, dont plus de la moitié des épis étaient dévorés. Et dire que l'engence ne s'est multipliée à l'excès que depuis que la pipée est interdite dans nos parages! Cela devait être, car une seule séance de pipeaux suffisait souvent pour prendre des centaines de ces ennemis.

De la destruction des nids des petits oiseaux par les pies (et ajoutons par les enfants), sont résultées des myriades d'insectes que la Providence destinait à la nourriture du rossignol, du pinson, du chardonneret, de la fauvette, du merle, de tous les chantres de nos bosquets, et la diminution de ces charmants musiciens. L'équilibre providentiel est rompu; comment le rétablir? Le moyen est aussi simple qu'il est sùr il suffit d'appendre quelques morceaux de viande phosphorée à un ou deux arbres. La pic, qui est plus carnivore que frugivore, et qui dès la pointe du jour visite tous ceux de son canton, ne peut manquer de goûter à l'appât et d'y trouver la mort.

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Quant au geai, il rencontre même sort, si on attache dans le bois où il a sa retraite, quelques épis de maïs, que l'on a fait infuser dans de l'eau où a été dissout le phosphore d'un ou deux paquets d'allumettes chimiques. Une fois purgé de ces deux fléaux, le canton ne tarde pas à se repeupler de

musiciens ailés, et les vers qui stérilisent les plantes utiles, d'être ramenés à un chiffre normal.

Il est encore plus aisé de faire périr les vers blancs ou larves de hannetons, dont la voracité ne laisse trop souvent pas une tige de maïs, de pommes-deterre, voire de froment et d'orge, dans un champ. Pour atteindre ce résultat, il suffit de donner un coup de charrue en temps utile, et tous les vers qui seront mis au jour, dans les raies, qui doivent être fort rapprochées les unes des autres, meurent immédiatement dans le fond. Cette opération offre aussi l'avantage d'enfouir les herbes parasites et d'en purger le sol, ce que fait encore mieux le déchaumage, qui consiste à herser la terre aussitôt que les céréales sont rentrées. Ce travail, si expéditif, recouvre les mauvaises graines qui le tapissent, lesquelles ne tardent par de germer. Enfouies ensuite, au moment des semailles, elles pourrissent, et, au printemps, les blés poussent seuls et luxuriants.

Bromus Schrader.

On lit dans le Journal de la Société centrale d'agriculture du département de la Savoie :

« La luzerne, qu'un agronome célèbre a appelée la merveille du mesnage des champs, menace d'être détrônée par un fourrage qui lui serait bien supérieur sous tous les rapports, si l'on en croit les comptes-rendus faits depuis quelques mois par les principaux organes de la presse française, sur le rendement exceptionnel d'une plante nommée Bromus Schrader. Cette graminée, originaire de l'Amérique du nord, donnerait en trois coupes, d'après l'expérience des hommes les plus compétents, 36,270 hilog. à l'hectare d'un fourrage de qualité supérieure à celle de tous les fourrages connus.

M. Charles Sylvoz a voulu s'assurer par lui-même de ces étonnants résultats; il a semé et récolté du bromus Schrader, et a obtenu, comme ses prédécesseurs, de beaux succès; il engage les agriculteurs à répéter ces essais.

« Cette plante se sème en avril; elle ne se reproduit pas seulement par graines, mais par boutures, c'est-à-dire qu'on prend des branches de la tige pour les mettre en terre. Sa végétation est luxuriante; les plantes atteignent jusqu'à près de 2 mètres de hauteur. Ces derniers détails sont contenus dans une obligeante lettre adressée par M. Henri Giraud, président de la Société centrale d'agriculture des Deux-Sèvres, à M. Terpand, sociétaire, qui lui avait demandé des graines du bromus Schrader.

« Attendons du temps et d'expériences répétées la confirmation de faits si avantageux. Les phénomènes ne manquent pas en productions agricoles, mais ils ne sont pas la règle commune, et bien souvent la pratique générale ne peut reproduire les résultats de premiers essais annoncés comme certains. Nous citerons à ce propos des blés passant pour donner des rendements extraordinaires : le blé bleu d'Egypte ou de Noé, 81 pour 1; le blé de Judée,

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