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que je lui ai déjà enseignées, et vais entrer dans celles des maisons de Saxe, Lorraine, Hostein, Savoie, et peu d'autres qui sont entrées dans votre branche de Bourbon. Des fables, nous en sommes au huitième livre1, et il les retient avec la facilité ordinaire. Il avance aussi beaucoup dans la connoissance de la maison du Roi, du moins par la lecture de l'État de la France. L'on marche également dans toutes ces différentes études, et nulle n'est privilégiée, si ce n'est peut-être l'histoire, depuis que vous me l'avez recommandée ; car quelque idée qui me vienne, et quelque nouvel établissement que je fasse au sujet des études de Monsieur le duc de Bourbon", je déménage sans peine pour aller où il plaît à Votre Altesse.

ci-après, p. 483, lettre III. Cet ouvrage, publié pour la première fois en 1644, avait d'abord paru en latin. La traduction en a été faite par Picot et revue par Descartes en 1647; on l'a souvent réimprimée dans les années suivantes.

1. Il s'agit des Métamorphoses d'Ovide: voyez ci-après, p. 496

et note 2.

2. L'État de la France était alors publié en deux volumes. Dans le premier, qui parfois était réimprimé séparément et formait ainsi un ouvrage complet, on trouvait sur la maison du Roi tous les renseignements qu'il importait de connaître à ceux qui devaient vivre à la cour. L'éditeur de l'État de la France (dont il paraissait à peu près tous les deux ans une édition nouvelle) était alors un abbé Besogne, de la chapelle du Roi, qui eut un instant, en 1696, la pensée de solliciter la place de la Bruyère à l'Académie. Il était l'un des prédicateurs dont parle la Bruyère dans la remarque 100 du chapitre des Jugements (ci-dessus, p. 119); il lui était arrivé, en 1675 environ, de demeurer court dans un sermon prêché devant le Dauphin.

3. La Bruyère a oublié de mettre le mot étude au pluriel.

4. Après un séjour de trois mois à Chantilly, où sans doute ses maîtres l'avaient accompagné, le duc de Bourbon était revenu à Versailles dans les premiers jours de janvier 1685. Il s'était aussitôt installé, ainsi que les Pères jésuites qui prenaient part à son éducation, dans l'hôtel de Condé; nous ne savons si la Bruyère y avait aussi trouvé place dès son arrivée à Versailles. L'établissement définitif des maîtres du jeune duc dans l'hôtel n'eut lieu que dans le cou

Une lettre qu'elle a écrite il y a bien quinze jours à Monsieur le Duc a fait ici le mieux du monde je m'en suis trouvé soulagé par un renouvellement d'attention qui m'a fait deviner, Monseigneur, que vous aviez parlé sur le ton qu'il faut, et Monsieur le Duc me l'a confirmé. Dès que l'application tombera, je vous en avertirai ingénument, car je sens de la peine à tromper ceux qui se reposent sur moi de quelques soins, et je ne commencerai point par Votre Altesse Sérénissime1 à faire un effort qui me coûte et qui lui déplaise. Je voudrois de toute mon inclination avoir six grandes heures par jour à bien employer auprès de Son Altesse je vous annon

rant de février, quelques jours après celui où fut écrite cette lettre. On enleva de l'hôtel tout ce qui appartenait au prince de la Roche-sur-Yon, et les jésuites choisirent leurs chambres parmi celles que laissait libres ce déménagement. La Bruyère prit une chambre à côté des leurs *. S'il n'avait pas habité l'hôtel de Condé dès son retour de Chantilly, c'était son troisième déplacement dans l'espace de six semaines. Encore n'avait-il pas l'entière possession de sa chambre, puisqu'on en pouvait disposer au profit d'une des personnes de la suite de Condé, pendant les séjours de Monsieur le Prince à Versailles.

1. Ici, comme très souvent, surtout sur les adresses de ses lettres, la Bruyère écrit Sérénissime en abrégé : S. S.

« S. A. Mgr. le Duc, » écrit le P. du Rosel à Condé, le 18 février, << a passé une grande partie de l'après-dîner dans l'hôtel de Condé avec S. A. S. la Duchesse. Comme il n'y a plus rien ici de ce qui étoit à M. le prince de la Roche-sur-Yon, Son Altesse est venue régler toutes choses pour les chambres et offices de Mgr. le duc de Bourbon. Elle a tout visité avec Mgr son fils. Nous avons bien de l'obligation à Son Altesse, qui nous a donné le choix de tout ce qui s'est trouvé de meilleur; nous avons pris les chambres de M. le chevalier d'Angoulême (au bout de la galerie, dit-il plus loin), et une autre qui est voisine, afin d'être près l'un de l'autre, avec une garde-robe pour un valet. M. de la Bruyère a aussi pris une chambre auprès des nôtres.... J'oubliois de dire à Votre Altesse que Mgr le Duc a déclaré à tous ces Messieurs pour qui il a fait marquer des chambres, que quand Votre Altesse viendra à Versailles, ils céderont leurs appartements à ceux qui viendront avec elle. » (Lettre du P. du Rosel à Condé, du 18 février 1685, Archives du Musée Condé.)

cerois d'étranges progrès, du moins pour mon fait et sur les choses qui me regardent. Et si j'avois l'honneur d'être chargé de tout, comme j'ai eu le plaisir de le croire, j'en répondrois aussi sûrement; mais j'ai des collègues, et qui font mieux que moi et avec autant de zèle. Vous devez du moins être très persuadé, Monseigneur, que le peu de temps que j'use auprès de Monsieur le duc de Bourbon lui est fort utile, qu'il sait très bien ce que je lui ai appris, qu'il n'est pas aisé même de le mieux savoir, et que je viserai toujours à ce qu'il emporte de toutes mes études ce qu'il y a de moins épineux et qui convient davantage à un grand prince. Je suis avec toute la soumission et tout le respect que je dois,

Monseigneur,

de Votre Altesse Sérénissime

le très humble et très obéissant serviteur,

Ce 9. janvier [1685], à Versailles.

DELABRUYÈRE'

Au dos: A Son Altesse S. S. Monseigneur le Prince ; et de la main d'un secrétaire : M. de la Bruyère, 9 février 1685.

1. Ce nom est toujours écrit en un seul mot par la Bruyère dans ses lettres à Condé.

2. La Bruyère, sans nul doute, a écrit par distraction janvier, au lieu de février, et la date exacte est celle qui a été donnée par le secrétaire à sa lettre. « Je n'ai point manqué, écrit le 10 février le P. Alleaume à Condé, de dire à M. de la Bruyère ce que Votre Altesse Sérénissime m'avoit ordonné de lui dire, et je dirai la même chose à M. Sauveur, dès que je le verrai. Le premier me répondit qu'il avoit prévenu l'ordre de son Altesse Sérénissime et qu'il avoit eu l'honneur de lui écrire ce même jour. »

II

LA BRUYÈRE A CONDÉ.

MONSEIGNEUR,

C'est aujourd'hui un jour de géographie; nous en sommes encore à l'Italie; j'essayerai de la finir avec la Sicile cette après-dînée, et j'espère qu'il en rendra un jour bon compte à Votre Altesse Sérénissime, aussi bien que de la Flandre et du cours du Rhin, qu'il avoit un peu oublié la dernière fois. Je le rendrai prêt aussi sur les généalogies, dont je lui retrace celles qu'il a déjà vues, avant de lui apprendre les maisons de Saxe, d'Hostein, de Savoie et de Lorraine, qu'il me semble que Monsieur le duc de Bourbon ne doit pas ignorer; j'y puis ajouter l'ancienne maison' d'Angleterre, et celle d'Ecosse Stuart qui règne présentement: cela avec toute la maison de France, celle de Bavière et les deux Autriches, qu'il sait déjà, est précisément ce qui lui faut de généalogies, si j'y ajoute surtout quelques maisons de femmes qui sont entrées par mariages dans votre branche de Bourbon. Charles VIII est fort avancé; les guerres de Bretagne sont sur leur fin, et je vais mener ce roi en Italie: ce règne est court, et celui de son successeur Louis XII. Ainsi nous touchons à François I.

J'ai mis au net ce que j'ai traduit par vos ordres du petit livre allemand: c'est une suite des affaires des Hongrois, et la succession de leurs rois, que l'on voit rarement ailleurs avec tant d'ordre et d'exactitude. Cela sera utile à Son Altesse pour ce qui concerne l'histoire.

1. La Bruyère a écrit: l'ancien maison.

2. Il y a bien qui, pour qu'il, dans l'autographe.

LA BRUYÈRE. III. 2

31

Ce qui suit ce que je vous envoie, Monseigneur, et que j'ai laissé sans le traduire, c'est quelque chose du comte de Serin', le siége de Candie2, celui de Vienne3, un mot du Tekehli et du siége de Bude, mais moins en détail que ce que vous en avez lu dans les gazettes et toutes les relations.

Je suis avec un profond respect,

Monseigneur,

de Votre Altesse Sérénissime

le très humble et très obéissant serviteur,

Mardi, 3. avril [1685], à Versailles.

DELABRUYÈRE.

Au dos A Son Altesse Monseigneur le Prince.

:

1. Pierre comte de Serin, vice-roi ou ban de Croatie, l'un des principaux chefs de l'une des révoltes de la Hongrie contre l'empereur d'Allemagne, et comme tel exécuté en 1671.

2. Prise de Candie par les Turcs en septembre 1669, malgré le secours de six mille Français conduits par le duc de Beaufort, et après un siége de vingt-neuf mois.

3. Siége soutenu par Vienne en 1683 contre les Turcs.

4. Le comte Emeric Tokoly, chef de l'insurrection hongroise contre l'Autriche depuis 1672, était prisonnier des Turcs, ses alliés, au moment où la Bruyère écrivait cette lettre.

5. Siége commencé le 14 juillet 1684 par les troupes impériales, et levé le 1er novembre suivant. Bude resta au pouvoir des Turcs jusqu'au 2 septembre 1686.

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