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LETTRES

NOTICE.

Les dix-sept premières lettres de ce recueil ont pour objet de tenir le grand Condé au courant du travail de son petit-fils. Conservées aujourd'hui dans les archives du Musée Condé, elles se trouvaient à Twickenham en Angleterre lorsque M. le duc d'Aumale voulut bien nous en faire parvenir la copie.

La dix-huitième lettre, autographe comme les précédentes, est adressée à Ménage: nous n'avons pu l'examiner, mais nous l'acceptons comme authentique : le texte ne soulève aucune objection, non plus que la signature, que donne un fac-simile.

La Correspondance de Bussy Rabutin nous a fourni les lettres XIX et xx que suivront deux lettres à Santeul, l'une maintes fois imprimée au XVIII° siècle, l'autre publiée, en 1901, par M. l'abbé Urbain dans la Revue d'Histoire littéraire de la France. Nous avons admis sans hésitation la première parmi les lettres de la Bruyère ; devons-nous accepter la seconde avec la même confiance? Plus d'un lecteur sans doute y verra, et telle avait été notre première impression, l'œuvre habile d'un lettré s'amusant à composer une épître que l'on pût prêter à la Bruyère. Après nouvel examen, nous inclinons à partager l'opinion de M. Urbain, qui ne met pas en doute son authenticité, l'ayant rencontrée dans un recueil formé à l'abbaye de Saint-Victor. La signature La Bruyère, à la vérité, n'a jamais été celle de notre auteur qui a toujours signé Delabruyère ou DelaBruyère1; mais ici, à l'égard d'une lettre que nous ne

1. Dans la réflexion 14 du chapitre de Quelques usages, tome III, p. 169, la Bruyère a séparé son nom en trois mots, mais presque partout sa signature autographe est d'un seul mot, même lorsque le B est majuscule. Quant au D, il est quelquefois majuscule comme le D imprimé dans la première rédaction de la réflexion précédemment

connaissons que par une copie, cette signature doit-elle être considérée comme une marque de fausseté si chaque phrase est bien telle qu'a pu l'écrire la Bruyère? Or nous n'apercevons dans le texte aucune raison de suspicion. Nous publions donc la lettre sous le n° xx. Elle se présente comme une réponse aux doléances que Santeul aurait fait entendre après avoir lu le caractère de Théodas, où chacun le reconnaissait et qui avait paru dans la 6o édition. L'achevé d'imprimer de cette édition étant du 1er juin 1691, cette lettre pourrait être du même mois. A en juger par le post-scriptum, Santeul aurait lu la réflexion dans un exemplaire qui ne lui appartenait pas, avant d'avoir reçu celui qui lui était destiné.

L'un des correspondants de la Bruyère a été Jérôme Phélypeaux, fils du chancelier Pontchartrain. Il a été retrouvé dans les archives du ministère de la Marine, déposées aujourd'hui aux Archives nationales, la copie de deux lettres de ce personnage (ci-après, nos xxii et xxiii), et à la Bibliothèque nationale, le texte original d'une lettre que lui a écrite la Bruyère (n° xxv).

Ainsi qu'il a été noté dans l'Avertissement du tome I de la présente édition, nous avons publié dans le tome IV, imprimé avant celui-ci, un Appendice auquel il nous faut renvoyer le lecteur; cet Appendice contient deux lettres inédites adressées. à Le Vayer, l'une du 18 novembre 1694, l'autre du 23 janvier 1698.

On a parfois cité comme authentiques des lettres de la Bruyère fabriquées par des faussaires. Il est aujourd'hui devenu superflu d'en discuter la valeur comme nous l'avons fait en 1865 et il nous suffira de rappeler ci-après, p. 526, note I, les ouvrages qui les contiennent : nul critique désormais ne saurait les attribuer à la Bruyère.

citée et dans huit lettres à Condé ; le plus souvent la lettre initiale, même lorsqu'elle est grossie à titre de capitale, affecte la forme d'une minuscule.

1. Voyez la Comédie de J. de la Bruyère par Éd. Fournier, 2o édition, p. 21, 31 et 32, 177, 219, 465, 548, 588 et 590. Des trois fausses lettres qu'a citées Fournier, une seule, la lettre à Fontenelle, lui a paru douteuse; il ne s'est pas résigné toutefois à ne jamais s'en servir comme d'un document authentique : voyez notamment p. 177.

LETTRES.

I

LA BRUYÈRE A CONDÉ.

MONSEIGNEUR,

Comme mon unique application est d'avancer les études de Monsieur le duc de Bourbon, et que je travaille à cela à Versailles du matin au soir sans nul relâchement, ma plus grande joie aussi est d'en rendre compte à Votre Altesse Sérénissime. Je m'abstiens souvent de lui écrire afin de ne point tomber en des redites, et j'attends quelquefois que nous ayons passé à des choses nouvelles, afin qu'elle en soit exactement informée, et de tout le chemin que nous faisons. J'entrerai demain dans l'histoire de Charles VIII; la vie de Louis XI nous a menés1 au delà de ce que je pensois, soit par le nombre et l'importance des évènements, soit aussi faute de temps, que je partage avec bien des maîtres. Je fais voir l'Italie à Son Altesse, pour la mener de là en Hongrie, en Pologne et dans les États du Turc en Europe; je lui ai appris ces derniers jours la Suède, le Danemarck, la Scandinavie, et l'Angleterre avec l'Écosse et l'Irlande, assez scrupuleusement. Nous avons achevé de M. Descartes ce qui concerne le mouvement 2. J'ai rebattu les généalogies

1. Mené, sans accord, dans l'autographe.

2. C'est-à-dire la seconde partie des Principes de philosophie : voyez

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