Page images
PDF
EPUB

gesse lui donna la science des saints, et compléta ses travaux 1. Celleci n'est point donnée par infusion et sans travail; elle participe de l'un et de l'autre. Ce n'est pas une science comme était celle d'Adam; elle est de la nature de la grâce et des vertus chrétiennes, qui s'acquièrent avec travail 2.

Catholique romain sans restriction et sans réserve, M. Olier sut préserver son séminaire et sa compagnie de l'hérésie du jansénisme. Son principal moyen fut de se séparer lui-même, et de recommander qu'on se séparât de tout ecclésiastique qui ne faisait pas profession d'obéissance, et de l'obéissance la plus universelle, aux décisions de l'Église. Il ne cessait d'inspirer à tous ceux qui travaillaient avec lui la plus grande défiance des dehors de la piété, quelque imposants qu'ils fussent, dès que cette piété prétendue n'avait pas pour fondement UNE PARFAITE SOUMISSION AU SAINT-SIÉGE 3.

Puisse cet esprit de M. Olier persévérer toujours dans son estimable compagnie ! L'excellent historien du vénérable fondateur nous signale des exemples qui font trembler. Bérulle, Condren sont suscités de Dieu pour créer des séminaires; leur congrégation de l'Oratoire devient aussitôt infidèle à cette vocation divine, qui passe à M. Olier et à sa compagnie. Bientôt l'Oratoire, jaloux des succès de Saint-Sulpice, établit des séminaires dans plusieurs diocèses; mais c'est pour y introduire l'hérésie jansénienne, et les préparer au schisme de la grande révolution. Puisse la compagnie de M. Olier ne jamais dégénérer de la sorte! Puissent les diocèses dont elle dirige l'éducation cléricale se distinguer toujours par UNE PARFAITE SOUMISSION AU SAINT-SIÉGE!

Dans un mémoire adressé aux évêques de France sur la direction des séminaires, M. Olier dit : « Le vrai et unique supérieur du séminaire est monseigneur l'évêque, qui, contenant en soi la plénitude de l'esprit et de la grâce destinés à être répandus dans son diocèse, peut seul lui donner son esprit et sa vie. Ce que le chef est dans un corps naturel, le saint prélat le doit être dans le corps mystique de son clergé, et c'est travailler en vain que de tenter un autre moyen pour sanctifier les colléges des clercs. Quelque excellente que soit la sainteté de ces grands personnages d'éminente vertu, qui se trouvent répandus çà et là dans les diocèses, n'ayant point eu cette grâce capitale, cet esprit de chef, attaché au divin caractère des prélats, on n'en saurait attendre cette plénitude d'esprit et de vie, capable de remplir et de vivifier le corps du clergé ; puisque, selon saint Paul, elle doit s'écouler du chef dans les membres par ses jointures natu

1 Sap. 10, 10.

2 Vie de M. Olier, t. 2, p. 277.

3 Ibid., p. 388.

— De 1605 relles, par ses ligaments, ses veines, ses nerfs, préparés à la distribution des esprits et à la communication de la vie. Ces canaux adaptés et ajustés à l'embouchure de la source, ce sont les prêtres liés au saint prélat, selon que Jésus-Christ l'a réglé dans la première formation du clergé 1.

Cette communication hiérarchique des grâces mérite une profonde attention. La source première est en Dieu même. Du Père procède le Fils, du Père et du Fils procède le Saint-Esprit. Le Fils de Dieu fait homme ne commence sa vie publique de prêtre et de pontife que quand l'Esprit-Saint est descendu sur lui en forme de colombe, et que le Père a dit publiquement : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis mes complaisances. C'est sur ce modèle divin qu'il forme la hiérarchie de son Église. Il en prépare les éléments dans un séminaire de trois années. Après avoir passé toute la nuit dans la prière de Dieu, il appela ses disciples, et en choisit douze, ceux que luimême voulut, pour être avec lui et pour les envoyer prêcher. Il leur donna le nom d'apôtres, qui signifie envoyés. Leur fonction est aussi nommée épiscopat. Après cela, le Seigneur choisit encore soixantedouze autres disciples, figure des simples prêtres, et il les envoya deux à deux devant lui, dans toutes les villes et dans tous les lieux où lui-même devait aller. Et il leur disait: La moisson est grande, mais il y a peu d'ouvriers. Parmi les douze apôtres ou évêques, le premier est Pierre. Jésus lui dit: Tu es Pierre, et sur cette même pierre je bâtirai mon Église, et je te donnerai les clefs du royaume des cieux. J'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point; confirme tes frères, pais mes agneaux, pais mes brebis. Par ces paroles, il instituait Pierre pasteur universel de tout son troupeau, et le faisait son vicaire ou lieutenant. Et à tous ses disciples, ayant Pierre avec eux, Jésus dit enfin : Et voici que je suis avec vous tous les jours jusqu'à la consommation des siècles. Et je prierai le Père, et il vous enverra un autre Paraclet, l'Esprit de la vérité, afin qu'il demeure éternellement avec vous. Quand l'Esprit de la vérité sera venu, il vous enseignera toute la vérité: autrement, selon le grec, il vous fera entrer dans toute la vérité ; car il ne parlera pas de luimême, mais il dira tout ce qu'il aura entendu, et il vous annoncera les choses à venir. Il me glorifiera, parce qu'il recevra de ce qui est à moi, et il vous l'annoncera. Tout ce qui est à mon père est à moi ; c'est pourquoi il recevra de ce qui est à moi, et il vous l'annoncera. Et mangeant avec eux après sa résurrection, il leur ordonna de ne point sortir de Jérusalem, mais d'attendre la promesse du Père ; la

1 Vie de M. Olier, t. 2, p. 354.

quelle, dit-il, vous avez entendue de ma propre bouche. Car, à la vérité, Jean a baptisé dans l'eau ; mais, pour vous, dans peu de jours vous serez baptisés dans le Saint-Esprit. Et, après l'ascension du Sauveur, les disciples montèrent dans la chambre haute où demeuraient Pierre et les autres apôtres, et tous persévéraient unanimement dans la prière avec Marie, la mère de Jésus.

Ce fut dans ces jours de retraite et d'attente que Pierre déploya pour la première fois l'autorité dont il était revêtu. Il tint donc une assemblée où se trouvèrent environ cent vingt hommes, y rappela le funeste sort de Judas, ainsi que le champ du sang acheté du prix de la trahison, et décida qu'il fallait qu'un autre prit sa charge d'évêque; puis il régla qu'on devait le choisir parmi ceux qui avaient toujours été avec Jésus-Christ, afin qu'il pût rendre témoignage de sa résurrection. Suivant saint Chrysostome, Pierre aurait pu le choisir lui-même, mais il en remit le jugement à la multitude, par condescendance. C'est sur ce premier grand séminaire de l'Église et pendant sa retraite que l'Esprit-Saint descend le jour de la Pentecôte avec l'abondance de ses grâces.

Or, Pierre vit toujours dans ses successeurs. Comme il présidait en personne l'assemblée des apôtres et des autres disciples à Jérusalem, il préside dans le Pape la société des évêques, des prêtres et des simples fidèles, autrement toute l'Église catholique, qui n'est qu'un grand séminaire pour le ciel et l'éternité. C'est dans ce séminaire universel, dans cette unité présidée par Pierre, et non point hors de là, que l'Esprit-Saint descend avec l'abondance de ses grâces et de ses dons.

Un saint évêque se tiendra donc intimement uni à Pierre, afin de participer plus abondamment aux grâces de l'Esprit-Saint, et les communiquer plus abondamment à son diocèse. Les Pères de l'Église nous apprennent que tout ce que Dieu donne aux autres pasteurs, il le leur donne par Pierre. Sans doute, ils parlent principalement de la juridiction ; mais la juridiction légitime est toujours accompagnée des grâces nécessaires pour en user bien. Un saint évêque ne sera donc qu'une même chose avec le Pape, afin que les prêtres ne soient qu'une même chose avec leur évêque, suivant cette prière du Sauveur: Père saint, conservez en votre nom ceux que vous m'avez donnés, afin qu'ils soient une même chose, comme nous. Qu'ils soient tous une même chose comme vous, ô Père ! êtes en moi et moi en vous, qu'ils soient de même une même chose en nous, afin que le monde croie que vous m'avez envoyé. Un saint évêque s'appliquera surtout à communiquer l'esprit de cette unité apostolique et divine aux élèves du sanctuaire, qu'il doit lui-même

— De 1605 engendrer au sacerdoce, et former en dignes coopérateurs de sa charité dans les paroisses. Il regardera tout son diocèse comme un immense séminaire pour le ciel. Aujourd'hui, il y trouvera bien, comme Notre-Seigneur dans la Judée, une douzaine d'hommes propres à l'aider dans l'éducation de ses prêtres. Cette éducation de famille sera peut-être un moyen des plus efficaces pour n'avoir tous qu'un cœur et qu'une âme. On remarque, en effet, que les diocèses où l'éducation cléricale est indigène ne sont pas les moins dévoués au centre de l'unité catholique et divine.

C'était d'ailleurs la pensée première de M. Olier, que les évêques établissent eux-mêmes leurs séminaires chacun dans son diocèse. Il ne forma sa compagnie que pour les aider à surmonter les grandes difficultés qui se rencontraient alors. Grâce à Dieu, ces difficultés ont disparu avec le temps : et l'exemple même de Saint-Sulpice n'y a pas peu contribué. Aujourd'hui, du moins en France, un saint évêque peut gouverner son clergé à peu près comme un bon supérieur son monastère. M. Olier contribua notamment à l'établissement des séminaires de Bordeaux, de Rodez, de Limoges, de Nantes, d'Aix, d'Avignon, de Viviers, du Puy, de Clermont, de Saint-Flour, de Saint-Irénée de Lyon, d'Angers, de Bourges et de Toulouse. Pour répondre à la confiance particulière que lui témoignait le Saint-Siége, il conçut le dessein de former un séminaire en Grèce, d'aller en Perse et jusqu'à la Chine, pour prêcher la foi. Un dessein qu'il eut surtout à cœur et auquel il réussit, ce fut de procurer la conversion du Canada. Au milieu de ces bonnes œuvres, il fut éprouvé par plusieurs maladies, et mourut à Issy le second jour d'avril 1657, sous les yeux de son ami saint Vincent de Paul, qui présida également à l'élection de M. de Bretonvilliers, son successeur. On parle de plusieurs faits miraculeux dus à l'intercession de M. Olier avant et après sa mort.

SAINT VINCENT DE PAUL.

§ IV.

ÉTAT DE L'ANGleterre et de la France,

AUX MAUX DESQUELLES IL PORTE REMÈDE.

Dans ce siècle-là, un saint dont s'honore l'Église de Jésus-Christ, mais surtout la France, c'est saint Vincent de Paul. Depuis les apôtres, il n'y a peut-être pas d'homme qui ait rendu plus de services à l'Église catholique et à l'humanité entière. Pour contribuer à la sanctification du clergé et du peuple chrétien, il institue une congrégation de missionnaires, qui, aujourd'hui encore, est digne de son auteur et continue de propager la foi, et dans Constantinople, et dans la Syrie, et en Amérique, et en Chine. Pour la sanctification des prêtres et des fidèles, il établit des retraites spirituelles dont le salutaire usage s'est répandu partout. Pour former les jeunes ecclésiastiques à la sainteté de leur vocation, il établit des séminaires, et son exemple a été suivi dans tout le monde chrétien. Pour servir les pauvres malades, il institue la congrégation des filles de la charité, dont le dévouement admirable a provoqué l'établissement de plusieurs congrégations semblables, et de nos jours ravit l'admiration des populations chrétiennes et mahométanes de Constantinople, de Smyrne et d'Alexandrie. Pour préserver de la mort les petits enfants qu'on exposait dans les rues, il fonde un hôpital des enfants trouvés, et maintenant, par suite de son exemple, il y a de ces hôpitaux dans toute la chrétienté. Et avec cela, il fondait encore des hôpitaux pour les insensés, pour les vieillards, pour les galériens, pour les mendiants; et avec cela, il envoyait des missionnaires consoler dans leur affliction les esclaves chrétiens; et avec cela, il nourrissait pendant de longues années des provinces entières, ravagées par la guerre, la famine et la peste, telles que la Lorraine, la Champagne et la Picardie.

Et qui était donc cet homme? Fils d'un pauvre laboureur, il avait commencé par garder le troupeau de son père; devenu prêtre, il avait été pris par des corsaires turcs et vendu comme esclave sur les côtes d'Afrique.

Vincent de Paul naquit le mardi de Pâques, 24 avril 1576, dans le petit village de Poy, près de Dax, aux confins des landes de

« PreviousContinue »