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dans leur entier. J'ai parlé de toutes les autres littératures, parce qu'elles sont moins connues, sans être moins intéressantes. Je pourrais même dire qu'elles ont pour nous plus d'intérêt, puisqu'elles appartiennent à notre religion, à notre patrie, aux peuples qui nous environnent, et avec lesquels nous avons de fréquents rapports.

Enfin, je ferai observer qu'une attention sévère aux principes de la morale chrétienne m'a guidé dans le choix des morceaux dont cet ouvrage est composé. Les maisons religieuses peuvent l'adopter sans crainte; les mères de famille les plus scrupuleuses, le mettre entre les mains de leurs enfants.

INTRODUCTION.

La poésie est de tous les peuples.

Elle subit l'influence des différentes - Trois époques distinctes dans son

institutions et révolutions sociales. histoire, son origine, son développement, sa décadence.—Première époque de la poésie européenne, le moyen âge.-Deuxième époque, la renaissance des lettres grecques et latines. Troisième époque, la poésie moderne, école romantique. Caractères des différentes littératures européennes : France, Angleterre, Allemagne, Italie, Espagne.

La poésie est de tous les âges et de tous les peuples sa cause première est dans la nature humaine. Il est impossible, en effet, de parcourir une grande réunion d'hommes, et de l'observer pendant plusieurs siècles, sans y rencontrer quelque âme dont les pensées soient originales, les sentiments exaltés et les passions violentes. Or, la poésie n'est autre chose que l'expression spontanée de l'enthousiasme et de l'exaltation de la pensée.

Mais si l'on peut dire que Dieu dispense le génie à toutes les races humaines, il faut ajouter que l'action de cette faculté créatrice, ses conceptions et ses œuvres, ont été différentes chez tous les peuples. Les uns ont une littérature plus riche et plus brillante; ils ont légué à la postérité une suite plus nombreuse de noms glorieux. D'autres, au contraire, ne peuvent citer qu'un petit nombre de génies qui, paraissant de loin en loin et comme par hasard, surmontant tous les obstacles, les opinions et les coutumes, ainsi que la rudesse et les aspérités du langage, ont éclairé leur

pays dans des siècles d'ignorance, semblables à ces météores étincelants que l'on voit passer dans les cieux au milieu des ténèbres de la nuit, sans que personne puisse dire d'où ils viennent et quand ils reparaîtront.

Pourquoi cette dissemblance entre les productions littéraires des différentes nations? La cause en est dans la constitution des Etats, dans le gouvernement des souverains, dans les rapports sociaux, dans les coutumes, les mœurs, les opinions; en un mot, dans une civilisation plus ou moins développée. Si les Grecs, les Romains, les Italiens, les Français, les Anglais et les Allemands, se sont créé une littérature originale, riche, noble et majestueuse; si ces peuples ont tenu le sceptre du génie et ont toujours exercé une action intellectuelle sur les autres nations de l'Europe, ils durent ces grands avantages à la sagesse de leurs lois, au caractère vraiment national de leurs institutions, à la perfection de leur langue, au développement de leur civilisation.

Voyez, d'un autre côté, les tribus nomades de l'Amérique et les peuplades barbares de l'antique Germanie; la poésie n'a dû germer qu'avec peine au milieu de ces nations sauvages; car une population rare, isolée et disséminée sur un immense territoire, ne peut avoir ni science, ni industrie, caractères d'une société civilisée et qui ne se développent que par l'union étroite des intelligences. Cependant la Providence a donné sans doute à plusieurs de ces hommes isolés une imagination vive, une âme élevée. Aux jours obscurs de la paix, les pensées de ces génies inconnus ont dû mourir avec eux, et leurs voix rester silencieuses dans ces vastes déserts; mais lorsque le besoin d'union s'est fait

sentir, lorsqu'un sacrifice a réuni les tribus éparses autour des autels, lorsqu'un homme puissant, rassemblant ces hordes sauvages, les a menées guerroyer, alors les chants de l'enthousiasme et de la poésie se sont fait entendre sous la tente d'Attila et dans les bosquets d'Herman.

Il est donc vrai de dire que l'on trouve une littérature chez toutes les nations, qu'elle suit toujours la marche des sociétés, et qu'elle porte l'empreinte des différentes révolutions que subissent les empires. Elle s'élève, grandit et se développe avec les peuples, et en même temps elle s'affaiblit, languit et meurt avec eux. « Il n'a pas été donné aux choses humaines, dit Machiavel, de s'arrêter à un point fixe. Lorsqu'elles sont parvenues à leur plus haute perfection, ne pouvant plus s'élever, elles descendent ; et par la même raison, quand elles sont descendues à leur plus bas période, quand le désordre est arrivé à ses derniers excès, elles remontent bientôt vers un état meilleur, et vont successivement aussi du bien au mal, et du mal au bien. » La littérature a toujours subi ces mêmes révolutions; d'abord rude et grossière, elle s'est perfectionnée peu à peu; elle a grandi avec les peuples, et, après avoir atteint le plus haut point d'élévation, elle est rentrée dans son obscurité première. Ainsi nous pouvons remarquer trois périodes bien distinctes dans l'histoire de la poésie : Ic commencement, le milieu et la fin de sa carrière.

A la première époque, le langage est encore rude et informe le goût ne se ressent que trop de l'ignorance et de la barbarie. Mais aussi l'imagination est puissante le poëte sacrifie la perfection de la forme à l'originalité de ses conceptions; ses chants sont ou des traditions nationales, ou des créations

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vives et spontanées, qui ont surtout un caractère éminemment religieux et patriotique. En Grèce, c'est le siècle d'Homère, de Terpandre, d'Alcée; c'est le moyen âge pour la France, l'Angleterre, l'Allemagne, l'Italie et les autres peuples de l'Europe.

Le temps de l'imagination, de la franchise, de la simplicité et de la rudesse, s'écoule peu à peu; les peuples se civilisent; ils gagnent en délicatesse ce qu'ils ont perdu en force. Le goût obéit à une foule de convenances accidentelles, aux coutumes, aux opinions, aux institutions sociales et à tous les caprices de la langue. Les passions sont moins violentes, et par là même l'imagination est moins vive. La poésie n'a plus ces mêmes inspirations, ce même enthousiasme; elle est moins sublime, mais aussi elle est plus sage. La beauté de la forme l'emporte sur la grandeur des idées; en un mot, l'art veut embellir et perfectionner la nature en corrigeant ce qu'elle a d'âpreté et de rudesse, en lui donnant un caractère plus civilisé. Voilà la seconde époque que nous rencontrons dans l'histoire de la littérature. Je comparerais volontiers la première à ces vieilles églises gothiques, œuvres de foi et d'enthousiasme, temples augustes et majestueux, immenses basiliques dont l'observateur, saisi de respect, admire l'étendue, l'élévation et la structure hardie, mais qui sont surchargés d'ornements souvent grotesques et puériles. La seconde serait plutôt un superbe Parthénon, chef-d'œuvre de l'art, édifice élevé à grands frais, monument admirable dans ses proportions et ses détails, qui charme l'observateur, mais sans que sa pensée s'élève, sans que son âme s'agrandisse.

Lorsque les peuples, leurs constitutions et leurs littératures, sont ainsi parvenus à leur plus haute

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